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Monde

Park 51, un projet musulman qui suscite fierté et fausses controverses

La « mosquée de Ground Zero » expliquée par son directeur

Rédigé par | Lundi 19 Septembre 2011 à 07:30

           

Face aux polémiques qui entourent le projet Park 51 à New York, communément – mais non correctement – désigné sous le nom de la « mosquée de Ground Zero », ses responsables ont lancé une offensive de communication pour promouvoir le centre communautaire musulman et tenter de faire taire leurs détracteurs. Saphirnews est allé à la rencontre de Sharif el-Gamal, directeur du projet, de passage en France cette semaine et fier de nous présenter son centre et ses objectifs.



Sharif el-Gamal, directeur du projet Park 51 à New York, de passage à Paris pour promouvoir son centre communautaire musulman.
Sharif el-Gamal, directeur du projet Park 51 à New York, de passage à Paris pour promouvoir son centre communautaire musulman.
Les musulmans ne sont pas responsables des attentats du 11-Septembre. C’est le message que ne cesse de marteler Sharif el-Gamal, en charge du projet Park 51, qui verra la construction d’un centre communautaire musulman à New York. Invité par l’Institut des cultures d’islam (ICI) à Paris dans le cadre du festival « Islam & the City », ce promoteur immobilier américain est au centre de nombreuses critiques de la part des partis de droite et islamophobes de son pays, qui l’accusent de vouloir construire « une mosquée de la victoire » à Ground Zero.

Or, le bâtiment de la discorde acquis par l’homme d’affaires est situé à trois rues des anciennes tours jumelles et bien que le centre communautaire qui verra le jour soit doté d’une salle de prière pour les musulmans, il ne s’agit pas d’une simple mosquée, insiste M. el-Gamal.

Un lieu unique de partage ouvert à tous

« La mosquée prendra 5 à 10 % du projet final, car, à bien y réfléchir, une mosquée n'est occupée à 100 % que lors de la prière du vendredi qui dure deux heures. Il faut qu'on optimise l'espace car c’est une commodité précieuse qui coûte très cher à Manhattan », notamment dans la partie inférieure de l'île, un quartier d'affaires très prisé, nous indique M. el-Gamal.

« Nous voulons un projet qui soit ouvert à tous, quelles que soient leur idéologie, leur foi ou leur absence de foi », ajoute-t-il. Ainsi, le centre Park 51, qui, à terme, fera 15 étages, sera doté d’une crèche pour les riverains, d’une piscine, d’un centre de bien-être, d'un auditorium de 500 places ou encore d'une plateforme interconfessionnelle. Un restaurant ainsi qu’un institut culinaire verra également le jour. « Il sera représentatif de la nourriture musulmane du Maroc à l’Indonésie. La première passerelle interculturelle se fait aussi par le biais de l'estomac ! », insiste le promoteur.

Un projet à l’image du centre communautaire juif Y.M.C.A de New York, que M. el-Gamal prend en exemple. « Le centre sera dirigé par les musulmans mais aura un conseil d'administration qui inclut aussi des non-musulmans. Pour nous, c'est l’assurance (…) de mettre en place des projets qui puissent remporter l'adhésion des riverains », déclare-t-il. L’homme consent par ailleurs des erreurs de communication auprès de ces derniers. « Ne pas les avoir impliqués dès le départ fut une de nos plus grosses erreurs. Aujourd'hui, on est à l'écoute des besoins de la communauté et on s'assure qu'elle est impliquée. »

Lui qui dit n'avoir jamais associé sa foi aux attentats de 2001 a décidé de mettre en place un mémorial du 11-Septembre afin d’honorer les victimes. « Notre identité musulmane a été volée par une poignée de criminels. Park 51 est une occasion pour nous de présenter notre foi, nos pratiques et nos valeurs islamiques », déclare-t-il.

Les opposants au projet virulents

L'acquisition, en été 2009, du bâtiment au 51 Park Avenue, une ancienne fabrique de manteaux en ruine, est tombée à point nommé pour les 3 000 musulmans du quartier, expulsés de l'immeuble qui abritait leur lieu de culte deux mois plus tôt et qui se trouvait... à quatre rues de Ground Zero. Pour remédier au problème, M. el-Gamal a décidé de les accueillir dans le site provisoire du Park 51. Il ne s'attendait pas alors à la déferlante de critiques, d'une rare violence, contre lui et son projet.

La faute en revient au mouvement « Stop Islamization of America », que M. el-Gamal décrit comme « une organisation qui répand la haine, sème la dissension entre les gens et manipule le public ». Les craintes envers le projet ne sont pas légitimes selon lui. « Mais je comprends qu’une personne soit conditionnée à penser d’une certaine façon. »

A l’approche des élections présidentielles américaines, les craintes du promoteur immobilier sont nombreuses. Il n’hésite pas à épingler le parti républicain, dont il accuse certains candidats, « de par leur ignorance et la désinformation, à critiquer l'islam et à répandre des notions idéologiques qui ne reflètent en rien notre foi. Mais, aujourd'hui, ce qui me préoccupe le plus, c'est que l’Amérique est agitée de problèmes internes, (…) le chômage et la pauvreté battent des records, l'économie est en plein marasme, le système bancaire est cassé, l'infrastructure a besoin d’être rénovée… il y a tant de choses que le gouvernement et les partis politiques doivent gérer avant de se perdre dans le débat sur l’islam et les musulmans. »

Heureusement, le promoteur bénéficie du soutien de poids du maire de New York et de Barack Obama, qui défendent Park 51 au nom de la liberté de culte.

Des partenariats avec l’ICI envisagés

Des partenariats et des projets sont d’ores et déjà envisagés entre le centre Park 51 et l’Institut des cultures d'islam (ICI). Pour Véronique Rieffel, la directrice, le projet Park 51 comme le festival « Islam & the city » « rappellent qu'on ne peut pas voir l’islam uniquement à travers le prisme du 11-Septembre. (…) Les musulmans en ont été victimes. M. el-Gamal mène un projet important qui ressemble à celui de l’ICI pour mieux faire comprendre l'islam, s’élever contre les clichés et les préjugés et ne pas réduire l'islam au terrorisme. »

Avant tout, les obstacles financiers sont nombreux à surmonter : le projet américain coûte environ 25 millions de dollars. « Nous venons tout juste de lancer une grande campagne de collecte de fonds. Nous n'avons pas reçu d’aides gouvernementales mais nous projetons de demander des aides municipales », pour financer le centre communautaire et non la mosquée en vertu des règles qui régissent le financement des lieux cultuels, précise M. el-Gamal. « C'est d'ailleurs sur ce point que le sécularisme à l'américaine et la laïcité à la française se rejoignent », conclut Mme Rieffel.

Park 51 est à ce jour le projet musulman le plus connu de la planète. L'occasion de promouvoir l'identité américano-musulmane, de donner une voix aux musulmans du pays et de faire tomber les préjugés à leur égard pour créer des ponts entre les communautés. M. el-Gamal invite ainsi ses concitoyens qui soutiennent son projet à faire leur « coming-out » afin de ne pas céder le terrain aux islamophobes et aux hommes politiques sans scrupules.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur


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