Salamnews : Qu’appelle-t-on les pédagogies alternatives ?
Yves Reuter : Ce sont des pédagogies minoritaires mais qui ne sont plus nouvelles puisqu’elles existent pour certaines depuis près d’un siècle. On pense notamment aux pédagogies Freinet, Montessori, Steiner, ou encore à la pédagogie du projet.
Pourquoi ont-elles ces dernières années le vent en poupe ?
Yves Reuter : Il se trouve qu’on en parle parce qu’il y a eu des recherches sur le sujet, et parce qu’il existe des limites à l’école traditionnelle. En effet, pour les élèves qui décrochent de l’école traditionnelle, souvent une des seules solutions est de se raccrocher à des structures comme les écoles de la seconde chance ou les micro-lycées. Et ces structures font beaucoup appel aux pédagogies alternatives pour motiver les élèves. De surcroît, l’école « traditionnelle » génère un échec important et nombre d’élèves ne s’y sentent pas bien.
Quelles sont les limites de la pédagogie classique ?
Yves Reuter : Avec la pédagogie classique, les activités des élèves ne sont pas assez diversifiées. On ne leur demande pas assez de jouer différents rôles, et on ne tient pas compte des différences dans les manières d’apprendre et dans le rythme de chacun. C’est la limite fondamentale, sachant que c’est une pédagogie fonctionnant à la concurrence, à la compétition entre les élèves, et cela crée des souffrances.
Pourquoi les pédagogies alternatives ne sont-elles pas utilisées à l’école traditionnelle ?
Yves Reuter : C’est un vrai problème. Cela demanderait des réformes importantes et les politiques se méfient des réactions de l’électorat, surtout en France où les débats autour de l’école sont très idéologiques et tiennent peu compte des études et recherches sur la question. C’est aussi parce qu’il faudrait développer la formation des maîtres, qu’elle soit initiale ou continue, et qu’elle est coûteuse.
Pouvez-vous nous parler de l’enquête que vous avez menée pour l’écriture de votre ouvrage « Une école Freinet » ?
Yves Reuter : Durant cinq ans, avec plus d’une dizaine de chercheurs, nous avons observé une école de Mons-en-Barœul. Et on s’est aperçu que les résultats étaient probants, avec une baisse des incivilités, des progrès s’agissant de l’entrée dans l’écrit, de la maîtrise des textes écrits, des apprentissages mathématiques, etc.
Les élèves n’hésitaient pas à prendre des risques, ce qui est important pour les apprentissages, et qui est peu le cas pour les élèves français, au vu des résultats de l’enquête PISA par exemple. Ils avaient une réflexivité plus importante et des jugements plus nuancés sur leurs productions.
C’est donc toute une série de résultats convergents très intéressants, d’autant plus que c’était en milieu défavorisé, là où l’école auparavant connaissait un échec relativement important.
Les élèves n’hésitaient pas à prendre des risques, ce qui est important pour les apprentissages, et qui est peu le cas pour les élèves français, au vu des résultats de l’enquête PISA par exemple. Ils avaient une réflexivité plus importante et des jugements plus nuancés sur leurs productions.
C’est donc toute une série de résultats convergents très intéressants, d’autant plus que c’était en milieu défavorisé, là où l’école auparavant connaissait un échec relativement important.
Les pédagogies alternatives permettent-elles de lutter contre l’échec scolaire, puisqu’elles s’adaptent au rythme de l’enfant ?
Yves Reuter : Quand elles sont bien pratiquées, oui ! Là où c’est le plus intéressant, c’est dans les milieux défavorisés. Notre enquête à Mons-en-Barœul le montre. Mais il faut que la pédagogie soit bien pratiquée, car on peut se revendiquer des pédagogies alternatives sans forcément bien les maîtriser.
Qu’est-ce qu’implique l’application de pédagogies alternatives, tant pour les enseignants que pour les parents ?
Yves Reuter : Pour les enseignants, cela demande de la formation. On s’aperçoit aussi que les maîtres s’investissent beaucoup en termes de temps de travail. Ce qu’il y a de frappant, c’est de voir à quel point les élèves ont envie d’aller à l’école. Et on peut observer des choses qu’on trouve moins dans d’autres établissements : des élèves qui montent en classe et se mettent au travail tout seuls, et qui se sentent bien à l’école. Les maîtres doivent également prendre le temps d’informer les parents, voire de les faire participer de différentes manières. Plus on impliquera les parents, plus cela risque d’avoir des effets positifs sur l’engagement des élèves dans le travail.
* Yves Reuter est auteur de Panser l’erreur à l’école (Presses universitaires du Septentrion, 2013) et Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire (L’Harmattan, 2007).
* Yves Reuter est auteur de Panser l’erreur à l’école (Presses universitaires du Septentrion, 2013) et Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire (L’Harmattan, 2007).
Première parution de cet article dans Salamnews, n° 49, septembre-octobre 2014, mis à jour en septembre 2015 pour Saphirnews.com.
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