Quand une vérité ne correspond à ce que l’on voudrait qu’elle soit, la crainte intériorisée nous oblige à se contorsionner l’esprit afin de rester le plus proche possible du politiquement correct.
La recherche de la vérité étant incompatible avec le « politiquement correct », je préfère avancer à découvert, quitte à heurter de front le conservatisme bien établi, ancré depuis des siècles et par conséquent endurci, pour décortiquer un hadith, que certains imams et théologiens s’entortillent dans des raisonnements latéraux pour que l’illusion devance la vérité et s’y substitue.
La majorité, si ce n’est la totalité des théologiens dits éclairés tentent de l’accréditer comme un stimulant, une incitation à la persévérance et à la constance dans la recherche du bien et l’éloignement du condamnable dans l’agir humain. Ainsi toute idée du pâtir y est-elle exclue.
Voici le texte intégral dudit hadith :
La recherche de la vérité étant incompatible avec le « politiquement correct », je préfère avancer à découvert, quitte à heurter de front le conservatisme bien établi, ancré depuis des siècles et par conséquent endurci, pour décortiquer un hadith, que certains imams et théologiens s’entortillent dans des raisonnements latéraux pour que l’illusion devance la vérité et s’y substitue.
La majorité, si ce n’est la totalité des théologiens dits éclairés tentent de l’accréditer comme un stimulant, une incitation à la persévérance et à la constance dans la recherche du bien et l’éloignement du condamnable dans l’agir humain. Ainsi toute idée du pâtir y est-elle exclue.
Voici le texte intégral dudit hadith :
« La conception de chacun d’entre vous, dans le ventre de sa mère s’accomplit en 40 jours ; d’abord sous la forme d’une semence, puis sous celle de plasma sanguin pour une même période, puis sous celle d’un morceau de chair pour une même période, puis un ange lui est envoyé, il y insuffle l’esprit vital, et reçoit l’ordre d’inscrire quatre décisions (le concernant), à savoir : ce qui lui est imparti comme biens et nourriture, délai de vie, actes et condition heureuse ou malheureuse.
Par Allah en dehors duquel il n’est pas de divinité, l’un de vous accomplit des actes comme en font les gens du Paradis au point qu’il ne reste plus entre lui et le Paradis qu’une coudée ; c’est alors qu’il est devancé par le destin, et amené à commettre des actes dignes des gens de l’enfer, qui l’y font rentrer.
En revanche, l’un de vous accomplit des actes comme en font les gens de l’enfer au point qu’il ne reste plus entre lui et l’enfer qu’une coudée ; c’est alors qu’il est devancé par le destin, et amené à commettre des actes dignes des gens du Paradis, qui l’y font entrer. »
Par Allah en dehors duquel il n’est pas de divinité, l’un de vous accomplit des actes comme en font les gens du Paradis au point qu’il ne reste plus entre lui et le Paradis qu’une coudée ; c’est alors qu’il est devancé par le destin, et amené à commettre des actes dignes des gens de l’enfer, qui l’y font rentrer.
En revanche, l’un de vous accomplit des actes comme en font les gens de l’enfer au point qu’il ne reste plus entre lui et l’enfer qu’une coudée ; c’est alors qu’il est devancé par le destin, et amené à commettre des actes dignes des gens du Paradis, qui l’y font entrer. »
Que ce hadith soit rapporté par Al Bukhari d’après Ibn Masud, donc labellisé authentique parce que sa traçabilité est établie par une chaine de transmission fiable et qu’en outre l’imam An-Nawawi l’a classé parmi les 40 hadiths qualifiés par lui les plus importants, ne l’exonère en rien de la nécessité, dirais-je naturelle, d’être confronté à la raison de notre époque pour confirmer ou infirmer sa conformité à l’esprit rationnel que le développement des connaissances a permis.
Faute d’un tel travail, toute la réalité sera soumise aux fantasmes les plus délirants. En conséquence, point de sacralité injustifiée pour tout ce qui se rapporte à la vie de l’homme sur Terre et la finalité de ses actes.
Faute d’un tel travail, toute la réalité sera soumise aux fantasmes les plus délirants. En conséquence, point de sacralité injustifiée pour tout ce qui se rapporte à la vie de l’homme sur Terre et la finalité de ses actes.
Résignation à une doctrine de la prédestination ?
Ce qui, dans ce hadith, sème le désarroi dans l’esprit rationnel, c’est cette irrationalité qui le caractérise. C’est cette invitation à la résignation à cette doctrine de la prédestination, où l’homme et sa liberté ne seraient qu’un paravent qui dissimule une fatalité, un sort fixé avant même que l’homme sorte du ventre de sa mère.
Ces théologiens traditionalistes ne nous disent-ils pas que c’est un ange, sur instruction de Dieu, qui fixe le terme de l’existence de l’homme, sa fortune et la nature de ses actes (heureuse ou malheureuse). Il peut courir, il ne parviendra que là où son destin le prédestine.
Quid du libre arbitre, de la volonté, de la responsabilité, de la justice, de la raison, de toutes ces notions qui guident et donnent sens à notre vie ? Est-ce de l’artifice, de l’imposture ? La réalité serait cette destinée tapie à la lisière du parcours de la vie de la personne et qui guette le moment opportun, celui où il ne reste qu’une coudée pour que ce parcours s’achève, pour qu’elle s’accomplisse par la volonté supérieure d’un aiguilleur qui l’a formée, c’est-à-dire Dieu. Car nul autre être que Lui n’a le pouvoir de fixer le destin d’un homme (Satan tente les hommes mais il n’a aucun pouvoir sur eux pour les faire plier à son funeste dessein).
Le musulman qui croit faire le choix judicieux en optant pour la pratique de la vertu et entend s’y maintenir avec constance jusqu’au dernier souffle n’est pas assuré que son choix sera respecté jusqu’au bout. Ce choix qu’il a cru avoir fait n’est en réalité qu’un trompe-l’œil, une illusion, car son dernier sort, qu’il a, à tort, cru être le seul à avoir la responsabilité de préparer par sa volonté et ses actes est, en réalité, scellé en dehors de sa volonté et de son choix et indépendamment de toute justice.
Parallèlement, celui qui en toute liberté fait le choix contraire de la vertu, en assumant tout autant sa responsabilité, peut tout aussi échapper à sa responsabilité, car il aura été destiné à l’avance à un meilleur sort que ne laissait guère prévoir sa conduite mauvaise sur Terre.
Où est la logique dans tout cela ? Où est la justice ? Où est la balance qui fait la différence entre les mérites et les pêchés ? Où en est-on du verset : « Celui qui fait le poids d’un atome en bien le verra et celui fait le poids d’un atome en mal le verra » ? Que fait-on du jour du Jugement où l’homme n’a de valeur que par la totalité de ses actes dans la vie terrestre ?
Ces théologiens traditionalistes ne nous disent-ils pas que c’est un ange, sur instruction de Dieu, qui fixe le terme de l’existence de l’homme, sa fortune et la nature de ses actes (heureuse ou malheureuse). Il peut courir, il ne parviendra que là où son destin le prédestine.
Quid du libre arbitre, de la volonté, de la responsabilité, de la justice, de la raison, de toutes ces notions qui guident et donnent sens à notre vie ? Est-ce de l’artifice, de l’imposture ? La réalité serait cette destinée tapie à la lisière du parcours de la vie de la personne et qui guette le moment opportun, celui où il ne reste qu’une coudée pour que ce parcours s’achève, pour qu’elle s’accomplisse par la volonté supérieure d’un aiguilleur qui l’a formée, c’est-à-dire Dieu. Car nul autre être que Lui n’a le pouvoir de fixer le destin d’un homme (Satan tente les hommes mais il n’a aucun pouvoir sur eux pour les faire plier à son funeste dessein).
Le musulman qui croit faire le choix judicieux en optant pour la pratique de la vertu et entend s’y maintenir avec constance jusqu’au dernier souffle n’est pas assuré que son choix sera respecté jusqu’au bout. Ce choix qu’il a cru avoir fait n’est en réalité qu’un trompe-l’œil, une illusion, car son dernier sort, qu’il a, à tort, cru être le seul à avoir la responsabilité de préparer par sa volonté et ses actes est, en réalité, scellé en dehors de sa volonté et de son choix et indépendamment de toute justice.
Parallèlement, celui qui en toute liberté fait le choix contraire de la vertu, en assumant tout autant sa responsabilité, peut tout aussi échapper à sa responsabilité, car il aura été destiné à l’avance à un meilleur sort que ne laissait guère prévoir sa conduite mauvaise sur Terre.
Où est la logique dans tout cela ? Où est la justice ? Où est la balance qui fait la différence entre les mérites et les pêchés ? Où en est-on du verset : « Celui qui fait le poids d’un atome en bien le verra et celui fait le poids d’un atome en mal le verra » ? Que fait-on du jour du Jugement où l’homme n’a de valeur que par la totalité de ses actes dans la vie terrestre ?
Liberté, justice et raison
C’est la confiance que l’homme place en la justice qui le motive à faire du bien et à combattre le mal. Si la justice disparaît, ce vers quoi il tend par nature ou par calcul, il se trouve livré à lui-même, à ses désillusions ; plus de repères, il sombre dans l’angoisse et la mélancolie ou il cède à ses penchants les plus pervers. Pauvre être humain ! La vérité t’échappe entièrement et totalement. Alors à quoi bon avoir une représentation de ta vie qui repose sur une vérité que tu ne maitrise pas ? Radicalement, à quoi bon la Révélation ? N’a-t-elle pas eu lieu pour nous apprendre que l’homme est responsable de ses actes et que Dieu lui a confié la gestion de la Terre en lui recommandant de s’y prendre en toute justice ?
La liberté et la raison sont intimement liées à la vie. Celle-ci ne peut aller sans les autres. L’expérience nous l’apprend et la Révélation nous le confirme. La justice est par conséquent l’aboutissement de tout cheminement dans la vie. Sans la liberté, sans la justice qui lui est corollaire, ni la raison et encore moins la vie n’auront de sens. Dieu – soit-Il exalté – n’agit pas en vain.
La justice divine, celle que pratiquera Dieu envers les musulmans est fondée sur la différence entre la somme des mérites et la somme des péchés ; c’est le principe de la balance qui représente la justice. Heureux celui que la balance fait pencher le plateau de ses mérites au détriment de celui ses péchés. Malheureux celui dont les péchés auront pesé plus lourd que ses mérites.
Ainsi, ce sont les actes du musulman, même ceux qui ne pèsent que le poids d’un atome qui détermineront son ultime sort. « Dis-leur : “Agissez ! Dieu appréciera vos œuvres, ainsi que le Prophète et les croyants. Et quand vous serez ramenés vers Celui qui connait l’invisible et l’apparent, Il vous renseignera sur ce que vous aurez fait” » (Coran, s. 9, v. 105). Nul esprit rationnel ne peut contester une telle justice.
La liberté et la raison sont intimement liées à la vie. Celle-ci ne peut aller sans les autres. L’expérience nous l’apprend et la Révélation nous le confirme. La justice est par conséquent l’aboutissement de tout cheminement dans la vie. Sans la liberté, sans la justice qui lui est corollaire, ni la raison et encore moins la vie n’auront de sens. Dieu – soit-Il exalté – n’agit pas en vain.
La justice divine, celle que pratiquera Dieu envers les musulmans est fondée sur la différence entre la somme des mérites et la somme des péchés ; c’est le principe de la balance qui représente la justice. Heureux celui que la balance fait pencher le plateau de ses mérites au détriment de celui ses péchés. Malheureux celui dont les péchés auront pesé plus lourd que ses mérites.
Ainsi, ce sont les actes du musulman, même ceux qui ne pèsent que le poids d’un atome qui détermineront son ultime sort. « Dis-leur : “Agissez ! Dieu appréciera vos œuvres, ainsi que le Prophète et les croyants. Et quand vous serez ramenés vers Celui qui connait l’invisible et l’apparent, Il vous renseignera sur ce que vous aurez fait” » (Coran, s. 9, v. 105). Nul esprit rationnel ne peut contester une telle justice.
Libre arbitre et responsabilité
Tenter de réconcilier cette rationalité implacable avec une irrationalité relevant de la mythologie, fût-elle emballée dans l’étoffe d’une tradition prophétique, c’est ne pas avoir la consistance dans sa foi, c’est vouloir concilier le vrai avec le faux par manque de lucidité, par mépris de la vérité, par crainte de tomber dans le péché. Une telle attitude, dominant l’esprit, empêche la raison de s’y installer et le choix est vite fait au bénéfice de l’imitation aveugle, alors que Dieu exige de nous d’agir avec responsabilité.
Dans Sa parole, Dieu s’adresse à notre raison. Alors, pourquoi nous ne nous servirons pas également de cet outil précieux pour mieux apprécier la vérité qui nous est révélée, pour la préserver de tout amalgame, de toute intention délibérément ou involontairement déroutante ?
Comment peut-on concevoir qu’un Prophète chargé d’une aussi grande, aussi noble et aussi importante mission, se voulant universelle, puisse-t-il se permettre de semer le désarroi dans les cœurs des fidèles quant à l’importance de leur volonté et de leur choix dans la vie ? Les mots ont un sens et on ne peut se permettre d’alléguer que le message du hadith en question vise en réalité à ancrer dans les esprits la nécessité de la persévérance et de la constance dans la recherche du bien et de la vertu pour plaire à Dieu et gagner le salut. On ne peut s’y résoudre car le choix des mots est déterminant dans un message relatif à la représentation du monde. Il est évident qu’ils doivent être au plus près du message que l’on veut délivrer.
Celui-ci, en l’occurrence, s’articule entièrement autour de la justice que Dieu impose aux hommes et se l’impose à leur égard. Or celle-ci implique obligatoirement le libre arbitre, donc la responsabilité et la reddition des comptes de ses choix faits librement. Ainsi, ne serait-on pas en contradiction avec le Message divin en faisant tapir un heureux ou un malheureux destin, insoupçonné et qui surgit au gré d’une volonté transcendante ?
L’Histoire nous apprend que les hadiths et le reste de la tradition prophétique n’ont pu être codifiés que vers le IXe siècle, soit environ deux siècles après la mort du Prophète, et qu’au cours de cette période la langue arabe n’était pas aussi unifiée que le laissent supposer les savants du Xe siècle, et donc la stabilité qu’on lui connaît de nos jours n’était pas encore complètement acquise. Tous ces facteurs et bien d’autres historiques indiquent que cette tradition que l’on nous présente n’est pas forcément la même que celle qui existait réellement durant la période prophétique. En effet, rien ne montre qu’elle est restée à l’abri de l’influence des événements politiques et sociaux qui ont jalonné l’Histoire islamique et des mouvements diverses qui ont agité la sphère islamique et les courants de pensée qui l’ont traversée.
Les enjeux du pouvoir, notamment quand il est conçu comme un don de Dieu ou hérité d’un lignage qui fait de son détenteur le dépositaire universel de la souveraineté divine, incitent à régir tous les aspects de la vie de la personne. Il n’y a pas de doute qu’à cet effet toutes les ressources sont mobilisées et de façon privilégiée celles qui relèvent de la coercition intellectuelle et que permet aisément la sphère religieuse.
Le hadith en question et bien d’autres ont constitué le meilleur levier pour la légitimation d’un certain ordre politique et social.
****
Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.
Dans Sa parole, Dieu s’adresse à notre raison. Alors, pourquoi nous ne nous servirons pas également de cet outil précieux pour mieux apprécier la vérité qui nous est révélée, pour la préserver de tout amalgame, de toute intention délibérément ou involontairement déroutante ?
Comment peut-on concevoir qu’un Prophète chargé d’une aussi grande, aussi noble et aussi importante mission, se voulant universelle, puisse-t-il se permettre de semer le désarroi dans les cœurs des fidèles quant à l’importance de leur volonté et de leur choix dans la vie ? Les mots ont un sens et on ne peut se permettre d’alléguer que le message du hadith en question vise en réalité à ancrer dans les esprits la nécessité de la persévérance et de la constance dans la recherche du bien et de la vertu pour plaire à Dieu et gagner le salut. On ne peut s’y résoudre car le choix des mots est déterminant dans un message relatif à la représentation du monde. Il est évident qu’ils doivent être au plus près du message que l’on veut délivrer.
Celui-ci, en l’occurrence, s’articule entièrement autour de la justice que Dieu impose aux hommes et se l’impose à leur égard. Or celle-ci implique obligatoirement le libre arbitre, donc la responsabilité et la reddition des comptes de ses choix faits librement. Ainsi, ne serait-on pas en contradiction avec le Message divin en faisant tapir un heureux ou un malheureux destin, insoupçonné et qui surgit au gré d’une volonté transcendante ?
L’Histoire nous apprend que les hadiths et le reste de la tradition prophétique n’ont pu être codifiés que vers le IXe siècle, soit environ deux siècles après la mort du Prophète, et qu’au cours de cette période la langue arabe n’était pas aussi unifiée que le laissent supposer les savants du Xe siècle, et donc la stabilité qu’on lui connaît de nos jours n’était pas encore complètement acquise. Tous ces facteurs et bien d’autres historiques indiquent que cette tradition que l’on nous présente n’est pas forcément la même que celle qui existait réellement durant la période prophétique. En effet, rien ne montre qu’elle est restée à l’abri de l’influence des événements politiques et sociaux qui ont jalonné l’Histoire islamique et des mouvements diverses qui ont agité la sphère islamique et les courants de pensée qui l’ont traversée.
Les enjeux du pouvoir, notamment quand il est conçu comme un don de Dieu ou hérité d’un lignage qui fait de son détenteur le dépositaire universel de la souveraineté divine, incitent à régir tous les aspects de la vie de la personne. Il n’y a pas de doute qu’à cet effet toutes les ressources sont mobilisées et de façon privilégiée celles qui relèvent de la coercition intellectuelle et que permet aisément la sphère religieuse.
Le hadith en question et bien d’autres ont constitué le meilleur levier pour la légitimation d’un certain ordre politique et social.
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Ahmed Abdouni, ancien diplomate marocain.
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