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Livres

Prendre soin de son âme

Par Marie-Odile Delacour*

Rédigé par Marie-Odile Delacour | Lundi 28 Septembre 2009 à 00:00

           

Dans un ouvrage réfléchi et courageux, le cheikh Khaled Bentounès propose un éclairage spirituel − fondé sur la sagesse musulmane − du chemin de perfectionnement et de guérison de l’âme. À lire et relire sans modération.



Prendre soin de son âme
Il est courant, parmi les musulmans, d’entendre des propos méfiants ou franchement négatifs sur les approches thérapeutiques de la psyché humaine que sont la psychologie ou la psychanalyse. Certains auteurs musulmans ont même fustigé avec énergie la psychanalyse.
Ces critiques sont souvent fondées sur une forme de peur, une méconnaissance ou un conformisme jamais remis en question, malgré l’évolution de la psychologie et de la psychanalyse depuis au moins une trentaine d’années.
C’est pourquoi Thérapie de l’âme**, le dernier ouvrage du cheikh Bentounès, maître de la confrérie Alâwiya − lui-même petit-fils du cheikh Al-Alâwi, fondateur de la confrérie qui porte son nom à Mostaganem, en 1909 −, apporte aux lecteurs un éclairage salutaire.

Affranchir la pensée des préjugés

Thérapie de l’âme est un livre « fouillé », fruit de réflexions menées dans un séminaire, qui s’est déroulé sur plusieurs années, étayé par de nombreuses citations coraniques, elles-mêmes éclairées par une pensée affranchie des habituels préjugés.
Cette lecture spirituelle de l’âme humaine et des aléas de son développement a le courage d’enfoncer bien des idées reçues, des erreurs d’interprétation, des facilités de pensée qui, selon le Cheikh Bentounès lui-même, « font de la religion un catalogue de règles et d’interdits à partir duquel on peut juger infailliblement les hommes et le monde : ceux-là finissent toujours par tout condamner ici-bas et voir le mal partout. Celui qui vit sa foi de cette manière est dans un état de souffrance terrible… ».

Le chemin vers soi

L’ouvrage revisite les notions clés de l’islam, déformées au fil du temps, et auxquelles il est devenu nécessaire de redonner du sens, estime l’auteur. Que signifie la lumière ? Qu’est-ce que la fitra ? Qu’est-ce que l’Unicité ? Quels sont les sept sens de l’homme ? Que signifie, concrètement, le tawakkul, l’abandon confiant en Dieu ? Quels sont les différents états de la nafs et comment la transformer ? Comment comprendre les trois principes sacrés de l’islam : islâm, imân et ishân ? Que signifie le fanâ ? Pourquoi respecter le Vivant, sous toutes ses formes ? Et enfin comment adorer le Créateur…

La vraie nature de l’homme

L’auteur puise ainsi dans le bel esprit d’ouverture du soufisme pour replacer l’homme dans la perspective de l’Esprit. Nous oublions tous, dit-il, que nous sommes dépositaires de la fitra, la « nature originelle » dont a parlé le Prophète [PSL] lui-même : « Tout nouveau-né vient au monde selon la nature originelle. »
Mais à quoi sert la fitra ? À « cultiver sa personnalité et être soi-même », répond le cheikh. Le hadith qui précise « Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur » éclaire bien sa position : notre tâche est de le redécouvrir en soi si on l’a oublié.
C’est cet oubli qui est à l’origine de nos peurs, de nos stress, de nos découragements, de toutes ces maladies de l’âme.

Revisiter les idées reçues

Seule la réconciliation de l’homme avec sa nature originelle, précise le cheikh Bentounès, peut lui permettre de redécouvrir l’usage de ses sens spirituels, afin d’user du discernement qui lui est indispensable pour ne pas tomber dans les déformations accumulées par le temps et par les cultures où l’islam s’est épanoui.

Celui qui est pétri de ces croyances déformées, dit-il, risque de s’éloigner du vrai message de l’islam. Celui qui parvient à réintroduire le sacré dans chacun des actes de sa vie, de ses relations aux autres retrouve en effet la liberté de pensée qui lui permet de cheminer vers l’Unique, qui lui a octroyé cette liberté dans ce but.
Or, insiste l’auteur, « peut-on parler de foi chez celui qui s’en remet de manière aveugle à des règles et à des comportements qui lui ôtent toute capacité de jugement et de discernement ? »… Il y va de la responsabilité de chacun d’entre nous de faire une distinction entre la croyance et la foi.

Une invite aux thérapeutes

Cet ouvrage qui s’adresse d’abord aux thérapeutes peut être lu par tous ceux qui cherchent une voie vers leur vérité intérieure.
C’est sans doute la première fois dans l’histoire de l’islam qu’une autorité spirituelle invite les soignants de l’âme que sont les psychologues ou les psychanalystes à replacer la dimension du sacré dans leur travail d’écoute. Ce pas historique, espérons-le, permettra peut-être de réconcilier les musulmans qui se méfient par habitude des démarches d’introspection et de compréhension de soi.



* Avec Jean-René Huleu, Marie-Odile Delacour, journaliste et écrivaine, a publié les écrits d’Isabelle Eberhardt à l’occasion du centenaire. Elle est co-auteure, notamment, de Le Voyage soufi d’Isabelle Eberhardt, Éd. Gallimard - Joëlle Losfeld, 2008.

** Khaled Bentounès, Thérapie de l’âme, Éd. Koutoubia, 2009, 220 p.




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