Connectez-vous S'inscrire

Points de vue

Razi, le père de la médecine clinique et expérimentale

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Lundi 1 Juillet 2013 à 01:25

           


Razi, le père de la médecine clinique et expérimentale
La Journée mondiale de l’asthme a eu lieu le 7 mai dernier sur le thème des nouveautés dans le traitement de la maladie. L’occasion de les passer en revue, et de rappeler que les médicaments inhalés (sprays, notamment) ne guérissent pas, mais contribuent simplement à rendre les bronches moins irritables et à éviter ainsi la crise d’asthme. C’est Abu Bakr Muhammad Ibn Zakkariyya Razi (854-925) ‒ Rhazès, dans la tradition occidentale ‒ qui découvrit l’asthme allergique.

Auteur de 200 ouvrages médicaux

Il composa ainsi, il y a plus de onze siècles, le premier traité connu sur l’allergie et l’immunologie, Causes du coryza au printemps, quand les roses sentent bon.

Musicien à l’origine, il s’est intéressé aux sciences à l’âge de 30 ans, philosophe, chimiste, Razi est surtout passé à la postérité comme l’un des plus grands médecins de tous les temps. Auteur de près de 200 ouvrages, son Continens (Hâwî), somme monumentale en 22 volumes qui embrassait tout le savoir médical du temps, était, sous Louis XI, le seul ouvrage que possédait la Faculté de médecine de Paris.

Quant à son Traité sur la variole et la rougeole, dans lequel il émet l’hypothèse d’une transmission par virus avant la lettre, il demeurera longtemps une référence en Europe (traduction de Leclerc et Lenoir en 1866).

Ce qui caractérise Razi, c’est cette absence de dogmatisme qui le faisait se méfier de la théorie pure, et privilégier toujours l’observation, l’expérimentation et la pratique.

Transmission du savoir

Bien plus que sa maîtrise de spécialités aujourd’hui familières ‒ chirurgie, ophtalmologie, gynécologie, obstétrique, vénérologie (MST), etc. ‒, ce sont ses postulats méthodologiques qui sont à l’origine de son extraordinaire modernité.

Médecin chef de l’hôpital de Bagdad, il l’organise à la manière des actuels CHU, avec un service de consultations externes, et, en interne, une tournée des malades effectuée quotidiennement par le professeur, accompagné de son équipe composée de jeunes praticiens et d’étudiants en médecine. Razi était très attaché à cette idée de la transmission du savoir et de la formation continue. Il conseillait ainsi à ses confrères de consigner leurs observations par écrit et d’organiser des rencontres sous forme de discussions (l’équivalent des congrès ou symposiums actuels).

On trouve ainsi chez lui, toujours fondées sur l’observation et l’expérimentation, une critique de la théorie grecque des humeurs ‒ qui explique la maladie par un déséquilibre entre chaud, froid, sec et humide, et dont la médecine occidentale ne s’émancipera qu’à partir du XVIIIe siècle ‒, et la conception de la guérison comme résultant d’une réaction chimique opérée dans le corps du malade.

Création du premier service psychiatrique de l’Histoire

Celui qui a découvert l’acide sulfurique et qui produisait de l’éthanol pour ses besoins pharmacologiques est ainsi un des premiers à appliquer les connaissances chimiques à la médecine. Les composés médicamenteux qu’il obtenait ainsi étaient expérimentés sur des animaux avant d’être prescrits à ses malades.

Néanmoins, il dénonçait les « associations de médicaments » (souvent nocives) que pratiquaient certains de ses confrères, leur préférant « des médicaments simples » et, si possible, un traitement « par le (seul) régime (alimentaire) » et, de manière préventive, une hygiène de vie saine (habitat sain, modération en matière de nourriture et de boisson, et exercice physique régulier).

De manière pionnière également, il a pris en compte la dimension psychologique, aussi bien au niveau du patient lui-même (douleurs physiques diagnostiquées comme étant d’origine psychologiques, c’est-à-dire psychosomatiques) qu’au niveau de son entourage immédiat (dont l’influence sur le processus de guérison peut être grande). Razi a ainsi été à l’origine de la création d’un service de psychiatrie à l’hôpital de Bagdad, le premier de l’histoire de l’humanité.


Première parution de cet article dans Zaman, le 13 mai 2013.





SOUTENEZ UNE PRESSE INDÉPENDANTE PAR UN DON DÉFISCALISÉ !