Salamnews : Le cinéma est aujourd’hui une passion pour vous. Cela n’a pas toujours été le cas…
Roschdy Zem : Au début, le théâtre était un passe-temps pour moi. Peut-être qu’il révélait en moi une vraie passion mais qui était ignorée dans la mesure où je n’avais pas espoir d’y faire carrière. Rien ne me laissait prédestiner à une carrière d’acteur : à cette époque, nous, les jeunes issus de
l’immigration, vivant dans des cités, n’avions pas de référence, que ce soit à l’écran ou sur scène.
l’immigration, vivant dans des cités, n’avions pas de référence, que ce soit à l’écran ou sur scène.
Qu’est-ce qui vous a fait changer de vocation ?
R. Z. : On m’a donné ma chance et j’y ai pris goût. Une vague de réalisateurs a décidé de faire des films avec des gens qui ressemblaient à la jeunesse de l’époque. De là, je me suis retrouvé avec des rôles de plus en plus conséquents. J’ai commencé à prendre ces rôles au sérieux et à travailler davantage. Se retrouver à Cannes avec un film et un rôle important nous change. N’oublies que tu vas mourir [prix du jury du festival de Cannes 1995 et prix Jean Vigo 1995, ndlr] m’a mis le pied à l’étrier.
Vous interprétez des rôles aux registres divers tout en essayant de fuir les rôles clichés du Beur dealeur ou arnaqueur. Vous en propose-t-on encore beaucoup aujourd’hui ?
R. Z. : Je crois que la profession a compris un peu où je voulais en venir et, d’un commun accord, on ne m’en propose plus trop. J’ai aussi l’impression que les choses ont changé. Le cliché de l’Arabe voleur ou victime disparaît peu à peu du paysage cinématographique. On vous choisit surtout pour vos qualités d’acteur et plus trop pour votre physique de Maghrébin. On est presque arrivé à un effet inverse, où cela pourrait paraître stupide de faire des films où existent ces
clichés. Or il ne faut pas non plus avoir peur de prendre des rôles moins reluisants. On creuse ces personnages dans les films. On développe des sortes de circonstances atténuantes, ce qui ne se faisait pas avant.
clichés. Or il ne faut pas non plus avoir peur de prendre des rôles moins reluisants. On creuse ces personnages dans les films. On développe des sortes de circonstances atténuantes, ce qui ne se faisait pas avant.
Vous êtes l’un des rares acteurs français d’origine maghrébine à avoir percé dans le 7e art en France. Vous considérez-vous comme un modèle de réussite ?
R. Z. : Non, vraiment pas. Il faudrait d’abord me définir ce qu’est la réussite. Chaque rôle et chaque film que j’obtiens est le fruit d’un combat quotidien auquel j’aime m’atteler. Reposez-moi la question dans trente ans mais, aujourd’hui, je suis encore en train d’apprendre le métier. Je dois encore faire mes preuves tous les jours et c’est mieux ainsi.
On sait de vous votre engagement pour l’association Un Cœur pour la paix, dont vous êtes le parrain. Pourquoi avoir choisi cette association ?
R. Z. : J’en suis devenu le parrain en 2009. C’est la première fois que je m’engage de cette façon. Je suis régulièrement sollicité par des associations pour les représenter. Un Cœur pour la paix a la particularité d’obtenir des résultats concrets. Cette association a sauvé 315 enfants, condamnés à mourir. En plus, elle couvre la formation de médecins palestiniens qui pourront, à leur tour, aider leurs compatriotes. Dans une association, il y a souvent de l’utopie, des désirs et des rêves. Avec Un Cœur pour la paix, on a des résultats concrets, des vies sauvées. C’est ce qui m’a principalement décidé à leur venir en aide.
Et quelle est votre position vis-à-vis du conflit israélo-palestinien ?
R. Z. : Celle d’un citoyen français qui a des idées de paix que beaucoup partagent. Je regarde ce qui s’y passe avec, parfois, de la consternation mais aussi de l’espoir… C’est pour cela que je m’intéresse à cette association. Je me suis rendu dans la région pour le film Va, vis, deviens [de Radu Mihaileanu, plusieurs fois primé en 2005, ndlr] et on s’aperçoit de la complexité du conflit. Honnêtement, je pense que la paix n’est pas pour demain. Surtout quand on apprend que Netanyahou [Premier ministre israélien, ndlr] décide de développer de nouvelles colonies. D’un autre côté, des gens s’impliquent et font des choses bien plus que symboliques. Le travail d’Un Cœur pour la paix, où médecins israéliens et médecins palestiniens travaillent en binôme, vaut tous les processus de paix. Avec un peu de patience et d’intelligence, on peut inverser la tendance.
Qu’avez-vous tiré de votre expérience au Proche-Orient ?
R. Z. : Que la paix n’est pas pour demain. On sent aussi que les deux peuples sont pris en otage par leurs dirigeants respectifs. Une chose m’a rassuré : je n’ai pas senti de haine des deux côtés. On sent bien que, de la part des Palestiniens, il n’y a pas de forme d’antisémitisme. J’ai senti un couple qui voulait divorcer : pas qu’il veut faire la paix, mais divorcer, par l’existence de deux États, pour, peut-être un jour, faire la paix. La France et l’Allemagne sont bien passées par là. Mais on ne le leur permet pas : si Israël et Palestine pouvaient divorcer, il n’y aurait pas ce mur [en Cisjordanie, ndlr] ni des colonies qui se développent.
Votre engagement associatif est-il pour vous une forme d’engagement sur un terrain politiquement neutre ?
R. Z. : Neutre, là n’est pas le propos. Je m’engage surtout sur un terrain social. Je suis rassuré de voir que ces gens travaillent ensemble et font des choses formidables. C’est avec des petites associations comme Un Cœur pour la paix que peut naître un processus de paix, intellectuelle en tout cas. Avant que le processus politique puisse être mis en place, il en faudrait d’abord un qui soit intellectuel aussi bien au Proche-Orient qu’en Europe.
Comptez-vous faire un séjour là-bas dans le cadre de l’association ?
R. Z. : Il n’y a pas de date fixée mais c’est dans mes projets [interview réalisée en janvier 2010, ndlr]. Je voudrais pouvoir interpeller les gens sur les besoins de l’association parce que chaque opération coûte 12 000 €. L’association a besoin de fonds. Me rendre là-bas est important pour constater et interpeller les citoyens français, car ce sont eux qui me connaissent le mieux. Mais l’argent est le bienvenu de partout. J’interpellerais volontiers les citoyens d’autres pays, y compris israéliens. C’est un travail que j’ai envie de faire.
En attendant, vous avez tourné en Tunisie pour les besoins du film Hors-la-loi. Quels sont vos projets à venir en tant que comédien et réalisateur ?
R. Z. : J’ai tourné Hors-la-loi, de Rachid Bouchareb (sortie en septembre 2010). Avant celui- ci, j’avais tourné le premier film réalisé par Pascal Elbé, Tête de Turc (sortie en mars 2010). Mon second film en tant que réalisateur traite de l’affaire Omar Raddad [jardinier marocain condamné en 1994 pour le meurtre d’une de ses riches clientes en 1991, ndlr]. Son titre : Omar m’a tuer.
BIO EXPRESS
Né le 27 septembre 1965, à Gennevilliers, de parents marocains, Roschdy Zem passe son enfance à Drancy, en Seine-Saint-Denis, entouré de trois frères et d’une sœur. Il quitte l’école à 16 ans et devient vendeur de jeans sur les marchés. Intéressé par le théâtre, il prend des cours en parallèle de sa vie professionnelle. Les rôles s’enchaînent dès 1995 ; les succès aussi, avec des films comme Ma petite entreprise en 1999. 2006 est l’année de sa consécration. Couronné d’un prix d’interprétation masculine à Cannes pour son rôle dans Indigènes, de Rachid Bouchareb, il réalise la même année son premier film Mauvaise foi, où il campe le rôle d’un musulman marié à une juive. Son deuxième film, en tant que réalisateur, Omar m’a tuer sort en salles le 22 juin.
Né le 27 septembre 1965, à Gennevilliers, de parents marocains, Roschdy Zem passe son enfance à Drancy, en Seine-Saint-Denis, entouré de trois frères et d’une sœur. Il quitte l’école à 16 ans et devient vendeur de jeans sur les marchés. Intéressé par le théâtre, il prend des cours en parallèle de sa vie professionnelle. Les rôles s’enchaînent dès 1995 ; les succès aussi, avec des films comme Ma petite entreprise en 1999. 2006 est l’année de sa consécration. Couronné d’un prix d’interprétation masculine à Cannes pour son rôle dans Indigènes, de Rachid Bouchareb, il réalise la même année son premier film Mauvaise foi, où il campe le rôle d’un musulman marié à une juive. Son deuxième film, en tant que réalisateur, Omar m’a tuer sort en salles le 22 juin.