Lors d’une conférence de presse récente, commentant la nouvelle attaque israélienne sur Gaza, François Hollande a eu une formule lapidaire : « La France parle avec tout le monde », avant d’ajouter avec un rien d’agacement : « sauf le Hamas ! »
Voici donc un président français qui, manifestant son souhait d’être présent sur un conflit international, élimine d’emblée l’un des deux protagonistes, et en particulier la victime. Difficile à avaler sur le plan éthique. Inacceptable sur le plan juridique. C’est oublier que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a fini son mandat en 2009. Et, en l’absence de nouvelles élections, selon les lois constitutionnelles palestiniennes, c’est le président du Parlement Aziz Dweik, qui aurait dû lui succéder. Aziz Dweik, qui fait des allers et retours entre les prisons israéliennes et son domicile en résidence surveillée. Donc, pour prétendre aider Gaza, c’est à un président hors course qu’on s’adresse, un personnage sans support légal.
En acceptant l’oukase de George Bush décrétant le Hamas organisation terroriste, la diplomatie européenne s’est tirée une balle dans le pied pour dix années, peut-être davantage.
Rappelons brièvement la courte histoire du Hamas. Ce mouvement est issu du Bloc islamique fondé par le cheikh Yassine dans les années 1970. C’est parce qu’Israël a envahi la bande de Gaza en 1967 que les universités égyptiennes sont devenues interdites aux Gazaouis, et c’est pour cela que le cheikh a créé l’université islamique de Gaza, véritable pépinière d’intellectuels musulmans. C’est sous l’oppression israélienne que le Bloc islamique s’est transformé en Hamas en 1987 au premier jour de la première Intifada. C’est parce que le Hamas a souhaité se transformer en parti politique et participer à des élections qu’il a interdit les attentats-suicides en 2005, interdiction respectée jusqu’à ce jour.
C’est dans le cadre des institutions palestiniennes qu’ayant remporté largement les élections il a souhaité associer le Fatah au gouvernement. C’est parce que celui-ci l’a refusé et, aidé de l’extérieur en armes et en blindés légers (je les ai vus de mes yeux), a essayé de faire un coup d’Etat que le Hamas a pris le pouvoir à Gaza. C’est en respect des lois palestiniennes que le Hamas gouverne à Gaza : une politique étrangère, une force de sécurité intérieure unifiée, une armée (certes dérisoire, mais qui constitue un monopole de violence légitime), une administration publique qui marche, des salaires qui tombent tous les mois.
A l’origine de la nouvelle guerre, ce n’est pas un chef terroriste qui a été tué, Ahmed Jabari, c’est le ministre de la Défense. Ce n’est pas le quartier général du Hamas qui a été détruit par Israël, mais le siège du gouvernement.
Surtout, le vent de l’Histoire a tourné. L’islam politique, victorieux à Gaza en 2006, a gagné l’Egypte et une partie du Maghreb, en attendant la suite. Le président stigmatise le Hamas élu du peuple, mais reconnaît le Tunisien Marzouki et l’Egyptien Morsi ! Ceux-ci ont bien choisi leur camp en se rendant à Gaza dès les premières heures de l’attaque israélienne, alors que notre ministre des Affaires étrangères se rendait en Israël serrer la main d’un ancien videur de boîtes de nuit moldave. Reconnaissons toutefois la grimace de Laurent Fabius, qui a dû se souvenir de son « trouble » lorsque F. Mitterrand serra celle de Jaruzelski !
Voici donc un président français qui, manifestant son souhait d’être présent sur un conflit international, élimine d’emblée l’un des deux protagonistes, et en particulier la victime. Difficile à avaler sur le plan éthique. Inacceptable sur le plan juridique. C’est oublier que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a fini son mandat en 2009. Et, en l’absence de nouvelles élections, selon les lois constitutionnelles palestiniennes, c’est le président du Parlement Aziz Dweik, qui aurait dû lui succéder. Aziz Dweik, qui fait des allers et retours entre les prisons israéliennes et son domicile en résidence surveillée. Donc, pour prétendre aider Gaza, c’est à un président hors course qu’on s’adresse, un personnage sans support légal.
En acceptant l’oukase de George Bush décrétant le Hamas organisation terroriste, la diplomatie européenne s’est tirée une balle dans le pied pour dix années, peut-être davantage.
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C’est dans le cadre des institutions palestiniennes qu’ayant remporté largement les élections il a souhaité associer le Fatah au gouvernement. C’est parce que celui-ci l’a refusé et, aidé de l’extérieur en armes et en blindés légers (je les ai vus de mes yeux), a essayé de faire un coup d’Etat que le Hamas a pris le pouvoir à Gaza. C’est en respect des lois palestiniennes que le Hamas gouverne à Gaza : une politique étrangère, une force de sécurité intérieure unifiée, une armée (certes dérisoire, mais qui constitue un monopole de violence légitime), une administration publique qui marche, des salaires qui tombent tous les mois.
A l’origine de la nouvelle guerre, ce n’est pas un chef terroriste qui a été tué, Ahmed Jabari, c’est le ministre de la Défense. Ce n’est pas le quartier général du Hamas qui a été détruit par Israël, mais le siège du gouvernement.
Surtout, le vent de l’Histoire a tourné. L’islam politique, victorieux à Gaza en 2006, a gagné l’Egypte et une partie du Maghreb, en attendant la suite. Le président stigmatise le Hamas élu du peuple, mais reconnaît le Tunisien Marzouki et l’Egyptien Morsi ! Ceux-ci ont bien choisi leur camp en se rendant à Gaza dès les premières heures de l’attaque israélienne, alors que notre ministre des Affaires étrangères se rendait en Israël serrer la main d’un ancien videur de boîtes de nuit moldave. Reconnaissons toutefois la grimace de Laurent Fabius, qui a dû se souvenir de son « trouble » lorsque F. Mitterrand serra celle de Jaruzelski !
L'Occident en crise se cherche un ennemi
Alors que les pays arabes sont en train de choisir une référence politique qui correspond à leur sensibilité et à leur Histoire, la France se lie les mains en campant sur une conception dépassée et fausse de l’islam politique, et s’enfonce même dans l’islamophobie politique. On aimerait connaître la raison pour laquelle notre ministre de l’Intérieur a publiquement refusé de serrer la main du nouveau président tunisien. L’Occident en crise se cherche un ennemi. Il ne peut décemment proclamer comme jadis que l’ennemi c’est le mahométan, ou le musulman. Alors c’est l’islamiste. Et voilà qu’à la méconnaissance manifeste de la signification du mot "islamiste" l’Occident lui donne un sens péjoratif ! Comme les Anglais jadis l’attribuaient au mot philistin !
L’islamisme, c’est l’islam politique. Il est né à la fin du XIXe siècle de la pensée d’intellectuels qui souhaitaient allier rationalisme, progrès et religion musulmane. Leur mouvement, progressiste et anticolonialiste, a pris pour nom « réformisme musulman » ou « salafiya ». « Salafiste », encore un mot détourné chez nous de son sens originel ! Après eux, Hassan al-Banna et les Frères musulmans se sont inscrits dans la même ligne, puis le Hamas. Quelle cohérence y a-t-il à reconnaître l’islam politique issu des urnes en Tunisie, en Egypte, en Turquie, au Sénégal, en Indonésie... tout en rejetant le Hamas ?
L’islam politique est la référence culturelle de près de 2 milliards d’habitants. Il y a de l’islamophobie politique à considérer qu’islam et démocratie ne peuvent aller de pair. Surtout, avant de blâmer les autres, regardons-nous : certains Etats occidentaux pratiquent encore la torture, appliquent la peine de mort, y compris pour les enfants. Certains pays occidentaux ont des taux d’homicides et de suicides parmi les plus élevés du monde. Et ce n’est pas dans un pays musulman qu’il y a 300 000 blessés et 28 000 morts civils par armes à feu chaque année !
Il est temps de nous débarrasser de l’islamophobie politique. Les Palestiniens ont droit aussi à la sécurité. Ne pas le dire relève de la discrimination, ce qui, dans notre pays, est un délit. Promouvoir un cessez-le-feu sans installer les moyens d’une « no fly zone » sur l’ensemble de la Palestine ne serait qu’une gesticulation.
* Christophe Oberlin est chirurgien orthopédiste, engagé depuis 30 ans dans l'humanitaire, et professeur émérite à l'université Denis-Diderot - Paris 7.
L’islamisme, c’est l’islam politique. Il est né à la fin du XIXe siècle de la pensée d’intellectuels qui souhaitaient allier rationalisme, progrès et religion musulmane. Leur mouvement, progressiste et anticolonialiste, a pris pour nom « réformisme musulman » ou « salafiya ». « Salafiste », encore un mot détourné chez nous de son sens originel ! Après eux, Hassan al-Banna et les Frères musulmans se sont inscrits dans la même ligne, puis le Hamas. Quelle cohérence y a-t-il à reconnaître l’islam politique issu des urnes en Tunisie, en Egypte, en Turquie, au Sénégal, en Indonésie... tout en rejetant le Hamas ?
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