Saphirnews : Quelle a été votre mission à Haïti ?
Kaled Gouider : J’y suis allé avec trois objectifs. Mon premier objectif était d’évaluer la situation et les projets sur place de visu. J’avais aussi un objectif de management : il s’agissait de voir nos ressources matérielles et humaines, de juger de l’état de notre équipe sur le plan moral et psychologique et d’apporter du renfort. Enfin, le troisième volet était institutionnel et consistait à rencontrer sur place tous nos partenaires financiers, institutionnels et les bailleurs locaux pour présenter nos actions et décrocher quelques partenariats financiers.
J’ai donc rencontré l’ambassade de France, les responsables d’UNICEF, de la DINEPA (la Direction nationale de l’Eau Potable et de l’assainissement, ndlr), d’ECHO (l’office d’aide humanitaire de la Commission européenne, ndlr), de l’Union européenne, du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Office des migrations internationales (OMI) pour voir l’état de nos partenariats, les possibilités de financements des projets et apporter des éléments qui leur permettent de réajuster à la fois leur niveau d’intervention et le timing de leurs interventions financières.
J’ai donc rencontré l’ambassade de France, les responsables d’UNICEF, de la DINEPA (la Direction nationale de l’Eau Potable et de l’assainissement, ndlr), d’ECHO (l’office d’aide humanitaire de la Commission européenne, ndlr), de l’Union européenne, du Programme alimentaire mondial (PAM) et de l’Office des migrations internationales (OMI) pour voir l’état de nos partenariats, les possibilités de financements des projets et apporter des éléments qui leur permettent de réajuster à la fois leur niveau d’intervention et le timing de leurs interventions financières.
Quelles ont été vos impressions sur le terrain, à votre arrivée ?
K. G : Une impression assez horrifiante parce que le contexte est extrêmement difficile. Tout est détruit. Les gens sont en grande souffrance, bien que très dignes dans leur comportement de manière générale. C’est une situation très difficile à vivre.
Quel bilan avez-vous pu dresser lors de votre court passage à Haïti ?
K. G : J’ai pu évaluer tous les projets que nous avons mis en place depuis le début. Je suis arrivé à trois semaines du tremblement de terre et suis resté une semaine mais le SIF est arrivé trois jours après la catastrophe et continue d’être présent.
On a été l’une des premières ONG à être présente et à mettre nos compétences et notre expertise dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. On a très rapidement évalué la situation, intégré les différents clusters (groupes d’organisations – avec un chef de file désigné à l’avance – opérant dans une réponse humanitaire où des failles ont été identifiées au préalable, ndlr) et commencé à apporter une réponse humanitaire.
Durant les trois premiers jours de notre présence sur place, c’est-à-dire à J + 6 du séisme, on distribuait 90 % de l’eau sur l’île car personne d’autre ne le faisait. Ensuite, progressivement, on est passé de 90 à 10 % puisque les autres ONG et opérateurs ont commencé à faire ce travail. On distribue tout de même 150 000 litres par jour pour 30 000 personnes. On intervient dans 17 camps informels, notamment ceux de Port-au-Prince et de Pétionville.
J’ai vu et j’ai assisté à des distributions, et j’ai constaté que les conditions de vie sont extrêmement dures mais j'ai aussi contasté la qualité des projets puisque nous avons vérifié que la méthodologie de travail et l’ensemble des procédures de fonctionnement étaient bien respectés.
On a été l’une des premières ONG à être présente et à mettre nos compétences et notre expertise dans le domaine de l’eau et de l’assainissement. On a très rapidement évalué la situation, intégré les différents clusters (groupes d’organisations – avec un chef de file désigné à l’avance – opérant dans une réponse humanitaire où des failles ont été identifiées au préalable, ndlr) et commencé à apporter une réponse humanitaire.
Durant les trois premiers jours de notre présence sur place, c’est-à-dire à J + 6 du séisme, on distribuait 90 % de l’eau sur l’île car personne d’autre ne le faisait. Ensuite, progressivement, on est passé de 90 à 10 % puisque les autres ONG et opérateurs ont commencé à faire ce travail. On distribue tout de même 150 000 litres par jour pour 30 000 personnes. On intervient dans 17 camps informels, notamment ceux de Port-au-Prince et de Pétionville.
J’ai vu et j’ai assisté à des distributions, et j’ai constaté que les conditions de vie sont extrêmement dures mais j'ai aussi contasté la qualité des projets puisque nous avons vérifié que la méthodologie de travail et l’ensemble des procédures de fonctionnement étaient bien respectés.
Vous vous êtes beaucoup concentrés dans la distribution de l’eau et l’assainissement. Avez-vous développé d’autres projets en parallèle ?
K. G : En plus de la distribution d’eau, nous avons aussi fait des distributions de kits alimentaires en partenariat avec le PAM. Cette première phase a été en partie financée par la Fondation de France ainsi que par des donateurs privés. Nous faisons partie des six ONG qui ont bénéficié des financements de la Fondation de France sur le terrain.
Outre l’eau, l’assainissement et la sécurité alimentaire, la seconde phase, qui est en cours actuellement, en partenariat avec l’UNICEF et l’OMI, tourne autour de l’hygiène. Les gens sont dans des camps aux conditions de vie très difficile sans toilette. Il y a donc un problème d’hygiène qu’il faut absolument régler très vite.
Nous allons installer 600 latrines (endroits aménagés de telle sorte qu'une personne puisse s'y soulager de ses déjections corporelles, ndlr) en plus de l’installation de bladders, de grands réservoirs de stockage d’eau, avec des rampes de distribution, le tout géré par des comités de villages pour qu’il n’y ait plus de queues et d’attentes interminables.
C’est le ministère français des Affaires étrangères qui nous a aidés à transporter tout notre matériel sur place. On vient aussi de nouer un partenariat avec le PAM pour la distribution de colis alimentaires dans un grand camp dès la semaine prochaine (début mars, ndlr).
Outre l’eau, l’assainissement et la sécurité alimentaire, la seconde phase, qui est en cours actuellement, en partenariat avec l’UNICEF et l’OMI, tourne autour de l’hygiène. Les gens sont dans des camps aux conditions de vie très difficile sans toilette. Il y a donc un problème d’hygiène qu’il faut absolument régler très vite.
Nous allons installer 600 latrines (endroits aménagés de telle sorte qu'une personne puisse s'y soulager de ses déjections corporelles, ndlr) en plus de l’installation de bladders, de grands réservoirs de stockage d’eau, avec des rampes de distribution, le tout géré par des comités de villages pour qu’il n’y ait plus de queues et d’attentes interminables.
C’est le ministère français des Affaires étrangères qui nous a aidés à transporter tout notre matériel sur place. On vient aussi de nouer un partenariat avec le PAM pour la distribution de colis alimentaires dans un grand camp dès la semaine prochaine (début mars, ndlr).
Combien le SIF a-t-il pu récolter jusqu’à présent grâce à vos partenariats institutionnels pour Haïti ?
K. G : Pour le moment, nous avons pu récolter ainsi environ 1 million d’euros, et cela sans compter l’aide du PAM et les aides en nature qui nous sont données par nos partenaires, comme les tentes, les bâches, les kits d’hygiène et bien d’autres.
Et pour ce qui concerne les dons privés en France, notamment en ligne, savez-vous combien vous avez récolté ?
K. G : Le chiffre s’élève à près de 500 000 euros.
Comment expliquez-vous que ce chiffre soit si peu élevé, lorsqu’on compare, bien entendu, les dons récoltés par les autres ONG tels le Secours catholique ou la Croix-Rouge ?
K. G : A priori, je ne trouve pas que ce soit si peu élevé. Je pense que les gens ont un raisonnement qui est le suivant. Lorsqu’ils voient la grosse mobilisation financière des États, ils ont le sentiment que ces millions vont débloquer la situation. De plus, il y a une multitude d’ONG qui sont mobilisées pour faire un appel aux dons, les gens sont très sollicités. Ce sont non pas 15, mais près de 1 500 ONG qui sont mobilisées sur place !
Pour faire un comparatif avec Gaza, il y a très peu d’ONG qui sont présentes. Forcément, il n’y en a pas beaucoup qui font un appel aux dons et donc, logiquement, le montant est supérieur à celui qu’on peut avoir, par exemple, sur une situation telle que Haïti.
Toutes les hypothèses sont possibles mais je pense qu’au regard de ce qu’ont pu lever d’autres ONG en termes de fonds privés, nous sommes dans la norme, bien que, pour répondre aux besoins humanitaires de la population, nous ayons besoin que les donateurs se mobilisent encore pour Haïti.
Pour faire un comparatif avec Gaza, il y a très peu d’ONG qui sont présentes. Forcément, il n’y en a pas beaucoup qui font un appel aux dons et donc, logiquement, le montant est supérieur à celui qu’on peut avoir, par exemple, sur une situation telle que Haïti.
Toutes les hypothèses sont possibles mais je pense qu’au regard de ce qu’ont pu lever d’autres ONG en termes de fonds privés, nous sommes dans la norme, bien que, pour répondre aux besoins humanitaires de la population, nous ayons besoin que les donateurs se mobilisent encore pour Haïti.
Le fait que vous soyez une ONG islamique peut-il être une explication selon vous ?
K. G : Certains pensent que le Secours islamique, parce qu’il s’appelle « Secours islamique », n’a pas sa place dans un pays non musulman, qui est majoritairement chrétien, ce qui n’est pas du tout dans nos principes d’action. Nous sommes une association humanitaire. Nos principes et nos valeurs, qui sont tirés des références musulmanes, nous incitent à aider les personnes sans aucune distinction d’appartenance religieuse, ethnique, sexuelle ni politique. Ce souci d’aider les gens sans rien attendre en retour est fondateur de nos références musulmanes. C’est important de le dire, car la question se pose pour les musulmans mais aussi pour les non-musulmans qui sont surpris de voir que le SIF intervient de façon aussi importante dans un pays comme Haïti.
C’est aussi la première fois que vous intervenez sur l’île. Quelles ont été vos principales difficultés ?
K. G : Nos difficultés sont les mêmes que celles d’autres ONG qui arrivent sur un terrain qu’elles ne connaissent pas dans un contexte de catastrophe naturelle. En revanche, nous avons des procédures de fonctionnement, des réflexes professionnels qui nous permettent de compenser ces lacunes car on sait qui contacter, quelles sont les premières choses à mettre en place, la procédure de sécurité à suivre...
Nous avions aussi, dans l’équipe, des spécialistes dans l’intervention d’urgence, qui ont des tâches bien réparties et qui ont permis d’en arriver là où on en est aujourd’hui.
Nous avions aussi, dans l’équipe, des spécialistes dans l’intervention d’urgence, qui ont des tâches bien réparties et qui ont permis d’en arriver là où on en est aujourd’hui.
Les choses repartent-elles dans le bons sens sur place ? Entre-t-on désormais dans une phase de reconstruction ?
K.G : En France, on est déjà en train de parler de reconstruction quinze jours après la catastrophe, comme si les problèmes d’urgence étaient réglés. Je ne parlerai pas de reconstruction aujourd’hui non plus.
Je suis revenu d’Haïti avec ce message que j’ai transmis au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères dès mon retour. A l’heure où je vous parle, il reste encore 500 000 personnes qui n’ont pas accès à l’eau à Port-au-Prince et qui sont dans des conditions d’hygiène catastrophique.
Pour moi, il y a une situation d’urgence qui montre qu’il faut encore se mobiliser. Bien sûr qu’il faut s’occuper de la reconstruction, mais on n’a pas encore répondu à tous les besoins vitaux.
Le SIF fait partie de la commission interministérielle mise en place par le ministère des Affaires étrangères et à laquelle nous avons été invités comme représentants pour ce qui concerne l’eau et l’assainissement. Nous avons été invités à préparer la réunion qui aura lieu fin mars aux Nations unies sur la reconstruction d’Haïti. Nous préparons des projets de reconstruction. Néanmoins, cela ne doit pas faire oublier la situation d’urgence qui est très loin d’être réglée.
Je suis revenu d’Haïti avec ce message que j’ai transmis au Premier ministre et au ministre des Affaires étrangères dès mon retour. A l’heure où je vous parle, il reste encore 500 000 personnes qui n’ont pas accès à l’eau à Port-au-Prince et qui sont dans des conditions d’hygiène catastrophique.
Pour moi, il y a une situation d’urgence qui montre qu’il faut encore se mobiliser. Bien sûr qu’il faut s’occuper de la reconstruction, mais on n’a pas encore répondu à tous les besoins vitaux.
Le SIF fait partie de la commission interministérielle mise en place par le ministère des Affaires étrangères et à laquelle nous avons été invités comme représentants pour ce qui concerne l’eau et l’assainissement. Nous avons été invités à préparer la réunion qui aura lieu fin mars aux Nations unies sur la reconstruction d’Haïti. Nous préparons des projets de reconstruction. Néanmoins, cela ne doit pas faire oublier la situation d’urgence qui est très loin d’être réglée.