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Monde

Syrie : la délicate action des humanitaires à Alep

Rédigé par Imane Youssfi et H. Ben Rhouma | Mercredi 21 Décembre 2016 à 11:00

           

Dans une Syrie qui connaît depuis cinq ans une guerre civile sans fin proche, l'issue de la bataille d'Alep marque un tournant majeur, non sans conséquences dramatiques sur les civils. Face à l'une des pires crises humanitaires qui secoue la région, des ONG sur place vivent au jour le jour la situation avec les Syriens. Parmi elles, Syria Charity et le Secours islamique France.



Au quartier Soukari, l'évacuation des 80 000 habitants d'Alep-Est par bus. © Syria Charity
Au quartier Soukari, l'évacuation des 80 000 habitants d'Alep-Est par bus. © Syria Charity
La situation catastrophique dans laquelle est plongée Alep mais également la Syrie depuis plusieurs années a amené naturellement de nombreux acteurs associatifs à faire leur possible pour venir en aide aux populations.

Les ONG françaises présentes sur le terrain, à l'image de Syria Charity et du Secours islamique France (SIF), font un travail minutieux face aux risques de mort qu'encourent leurs équipes au quotidien. Le conflit a pris une tournure telle que la communication est réduite pour ne pas surexposer les humanitaires.

Des actions humanitaires sur le terrain

Ces ONG agissent à différentes échelles pour venir en aide aux populations civiles. Un des avantages de leur action : la présence d'équipes sur place. Syria Charity se charge d'apporter une aide humanitaire et médicale. L’association bénéficie d’ambulances qui permettent - quand elles n'ont pas été touchées par les bombardements - d’apporter un secours rapide et efficace aux blessés. L’ONG a pour mission d’acheminer les dons qu’elle transmet directement, sans intermédiaires, aux bénéficiaires. Elle prépare d’ailleurs l’expédition d’un convoi ce jeudi 22 décembre : « Des colis alimentaires, du lait pour bébé, des couches, du matériel médical... Tous les besoins de première nécessité pour les réfugiés (internes) en Syrie », explique auprès de Saphirnews Waddah Seddik, directeur administratif et financier de Syria Charity.

Le SIF agit, quand à lui, sur un autre plan. « Nous effectuons des actions humanitaires primaires, à savoir tout ce qui est lié à la survie hormis l'action médicale », explique Benjamin Nguyen, directeur des opérations internationales au SIF. Ainsi, l’ONG aide les Syriens qu'elle peut toucher à avoir un accès à l’eau potable, à des abris, à des produits d’hygiène et délivres des programmes éducatifs aux enfants. L’objectif final est simple : « Avoir un minimum de confort et de dignité », souligne Benjamin Nguyen.

Les ONG ne peuvent survivre sur le terrain que grâce aux dons que leur sont confiés par les donateurs. Avec la crise d'Alep, Syria Charity a d'ailleurs constaté une forte hausse des dons. « On a eu une augmentation d’environ 30 à 40 % pendant une semaine. Il y a un pic », explique Waddah Seddik. « Il y a certes une augmentation de la visibilité médiatique mais nous avons quand même construit depuis cinq ans une base de donateurs et de followers. (...) Aujourd’hui, nous sommes un acteur connu et reconnu sur le terrain. Quand nous lançons des campagnes, nous avons une transparence financière de A à Z et c’est ça qui fait notre force aujourd’hui. »

L’évacuation d’Alep soumise à plusieurs difficultés

L’actualité de ces derniers jours a particulièrement été marquée par la question de l'évacuation des civils d'Alep. Une « situation en yoyo » pour Benjamin Nguyen au regard des informations contradictoires relayées de part et d’autres depuis plusieurs jours.

« L’évacuation a été bloquée pendant deux jours mais elle est en cours de poursuite. Ça se passe plutôt normalement », raconte Waddah Seddik selon les renseignements qui lui remonte du terrain. Difficile d’évaluer réellement la situation en terme de chiffre mais il reste encore des milliers de personnes à Alep-Est. Quatre à cinq personnes de l'équipe de Syria Charity y sont encore coincées à ce jour. « Ceux qui sont sortis ont une tristesse forcément de quitter leur ville qui était Alep mais en même temps content d’être sortis avec leurs familles sains et saufs », témoigne-t-il.

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui supervise l'évacuation avec le Croissant Rouge syrien (SARC), au moins 25 000 civils et rebelles ont quitté Alep depuis le 15 décembre, date du début des évacuations, vers des camps de fortune vers l'ouest de la ville ou vers la province voisine d'Idlib à bord de bus. Mais d'autres n'auront pas eu cette chance. C’est le cas de civils tués à l’hôpital Al Hayat. Les premières informations relayées le 12 décembre sur les réseaux sociaux faisaient état du massacre du personnel médical. La réalité en était toute autre mais n'en reste pas moins cruelle : « Le staff médical avait quitté les lieux entre 24 et 48 heures avant. Mais des civils sont venus se réfugier dans le sous-sol de l’hôpital et ont été tués », affirme Wadah Seddik.

Attention aux éventuels arnaques sur le dos des Syriens

Sur les réseaux sociaux, les cagnottes à destination du peuple syrien poussent comme des champignons. Certaines prétendent même être reversées à des ONG qui ont pignon sur rue comme Syria Charity. Pourquoi ne pas directement inviter ses contacts à soutenir les acteurs de terrain ? Comment vérifier la fiabilité de tels initiatives ? « Ce n'est pas facile », avoue Wadah Seddik, qui invite les internautes à vérifier l'identité de ceux qui sont derrière la cagnotte. « Contacter éventuellement l’association pour voir si la cagnotte est bien affiliée à (une association). Encore mieux, c’est de se rendre sur le site officiel des associations (reconnus) pour donner. »

Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté à l’unanimité, lundi 19 décembre, l’envoi d’observateurs. Ces derniers auront la lourde tâche de superviser les évacuations et d'évaluer la situation humanitaire des civils... si le régime de Bachar al-Assad les laissent entrer. Celui-ci a autorisé, mardi 20 décembre, la présence de 20 agents onusiens.

Mise à jour : L'évacuation terminée, l'armée du régime a annoncé, jeudi 22 décembre, la reprise totale de la ville d'Alep.

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