Le 15 novembre dernier, dans une interview télévisée, le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que l’Amérique n’avait pas été découverte en 1492 par Christophe Colomb, mais deux siècles plus tôt par des marins musulmans. L’affirmation, en elle-même, n’est pas entièrement fausse. Il y a même eu plus d’une expédition, comme en témoignent les sources, et la première daterait bien du XIIe siècle. Toutes avaient clairement pour but de découvrir l’autre rivage de la « mer Enveloppante » (al-bahr al-Muhit), autrement dit, de l’océan Atlantique.
Si toutes n’ont pas été infructueuses, force est de constater qu’aucune n’a abouti à une implantation musulmane sur le sol américain, ni, conséquemment, à une mise en relation de ce que l’on appellera plus tard l’« Ancien » et le « Nouveau Monde ». Sans doute manquait-il aux musulmans – qui avaient développé des instruments de géolocalisation dont tirera parti Colomb (boussole et astrolabe) – une technique de construction des navires qui permette d’affronter les vagues de l’Atlantique. Pareille technique ne verra le jour que trois siècles plus tard : ce sont les fameuses caravelles.
Si toutes n’ont pas été infructueuses, force est de constater qu’aucune n’a abouti à une implantation musulmane sur le sol américain, ni, conséquemment, à une mise en relation de ce que l’on appellera plus tard l’« Ancien » et le « Nouveau Monde ». Sans doute manquait-il aux musulmans – qui avaient développé des instruments de géolocalisation dont tirera parti Colomb (boussole et astrolabe) – une technique de construction des navires qui permette d’affronter les vagues de l’Atlantique. Pareille technique ne verra le jour que trois siècles plus tard : ce sont les fameuses caravelles.
Des tentatives multiples mais infructueuses
Or, la dernière des quatre tentatives dont font état les sources arabes se situe au début du XVe siècle. Ibn Fadhl Allah al-‘Umari rapporte en effet que Muhammad Gao, roi de Guinée, fit équiper une flottille de plusieurs centaines d’embarcations, dans le but de d’atteindre l’autre rive de l’Atlantique. Ce fut un échec. Il prit alors lui-même la tête d’une nouvelle expédition comptant pas moins de 2 000 bateaux, mais dont aucun ne reviendra jamais. Au milieu du XIVe siècle, plus au nord, au Maroc, le sultan mérinide Abu ‘Inan voulut « connaître les populations qui bordent le monde habité ». Taqi ad-Din al-Maqrisi (m. en 1442), qui rapporte les faits, précise qu’il équipa un navire en hommes et en provisions et en confia le commandement au capitaine de la flotte d’Azemmour.
Hélas, après deux mois à voguer sur l’Atlantique, le capitaine rentra bredouille. Néanmoins, il raconta qu’alors qu’ils étaient en mer, un oiseau vert passa. « Malheur à toi ! s’écria le roi, les oiseaux se trouvent toujours à proximité d’un lieu où ils peuvent trouver de l’eau et de la nourriture ! »… et 500 coups de fouet lui furent administrés pour avoir failli à sa mission. Dans son Kitab al-Jughrafiya, qui date de 1269, ibn Sa‘id al-Maghribi mentionne la tentative d’un autre Marocain, un certain Ibn Fatima. Ayant embarqué pour l’Atlantique, il a été surpris lui et ses hommes par ce qui semble être une trombe ; s’étant égarés, ils ont chargé leurs provisions dans une barque, et ont abandonné le navire.
Hélas, après deux mois à voguer sur l’Atlantique, le capitaine rentra bredouille. Néanmoins, il raconta qu’alors qu’ils étaient en mer, un oiseau vert passa. « Malheur à toi ! s’écria le roi, les oiseaux se trouvent toujours à proximité d’un lieu où ils peuvent trouver de l’eau et de la nourriture ! »… et 500 coups de fouet lui furent administrés pour avoir failli à sa mission. Dans son Kitab al-Jughrafiya, qui date de 1269, ibn Sa‘id al-Maghribi mentionne la tentative d’un autre Marocain, un certain Ibn Fatima. Ayant embarqué pour l’Atlantique, il a été surpris lui et ses hommes par ce qui semble être une trombe ; s’étant égarés, ils ont chargé leurs provisions dans une barque, et ont abandonné le navire.
« Des hommes à la peau rouge »
Enfin, dans son célèbre traité de géographie intitulé Kitab Rujar, le savant andalou al-Idrisi rapporte qu’antérieurement à la prise de la ville par les Portugais en 1184, des Arabes de Lisbonne avaient tenté de découvrir de nouvelles terres à l’Ouest. Il s’agit de huit cousins (abna’ ‘amm) issus d’une famille suffisamment importante pour qu’une rue dans la Lisbonne arabe (al-Ishbuna) portât leur nom : la darb al-Mugharririn.
Ces Mugharririn entreprirent de traverser la « mer des Ténèbres » (bahr adh-Dhulumat, autre nom de l’Atlantique) pour « savoir ce qui s’y trouvait et jusqu’où elle s’étendait ». Aussi, « apprêtèrent(-ils) une nef dans laquelle ils embarquèrent de l’eau et de la nourriture pour plusieurs mois ». Des commentateurs d’al-Idrisi pensent qu’ils ont pu atteindre le continent américain. A l’appui de cette hypothèse, le fait que la distance parcourue a été estimée à 60 jours de navigation, ce qui exclurait les Canaries, et cette curieuse affirmation d’al-Idrisi selon laquelle les Mugharririn auraient accosté sur une île peuplée d’« hommes à la peau rouge et aux cheveux longs et clairs »…
Ces Mugharririn entreprirent de traverser la « mer des Ténèbres » (bahr adh-Dhulumat, autre nom de l’Atlantique) pour « savoir ce qui s’y trouvait et jusqu’où elle s’étendait ». Aussi, « apprêtèrent(-ils) une nef dans laquelle ils embarquèrent de l’eau et de la nourriture pour plusieurs mois ». Des commentateurs d’al-Idrisi pensent qu’ils ont pu atteindre le continent américain. A l’appui de cette hypothèse, le fait que la distance parcourue a été estimée à 60 jours de navigation, ce qui exclurait les Canaries, et cette curieuse affirmation d’al-Idrisi selon laquelle les Mugharririn auraient accosté sur une île peuplée d’« hommes à la peau rouge et aux cheveux longs et clairs »…
Première parution dans Zaman le 21 novembre 2014.
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