Quelle est la mission principale de l’économie et de la finance islamiques ?
Umer Chapra : La mission principale de l’économie et de la finance islamiques ne peut pas être différente de celle de l’islam lui-même. Il est une miséricorde pour l’humanité (Coran, s. 21, v. 107) en assurant la justice et le bien-être réel (falah) de tous les membres de la famille humaine. Tous les secteurs de la société, politique et économie, sont tenus de contribuer dans la mesure du possible à la réalisation de cet objectif.
Le système financier ne peut être l’exception. Il peut remplir ce rôle de deux façons importantes :
− pousser le financier et l’entrepreneur à prendre part aux risques encourus par l’entreprise ;
− veiller à ce que les bénéfices de toutes les ressources financières mobilisées par les institutions financières soient équitablement répartis entre toutes les parties prenantes.
Le système financier ne peut être l’exception. Il peut remplir ce rôle de deux façons importantes :
− pousser le financier et l’entrepreneur à prendre part aux risques encourus par l’entreprise ;
− veiller à ce que les bénéfices de toutes les ressources financières mobilisées par les institutions financières soient équitablement répartis entre toutes les parties prenantes.
Peut-on dire que l’économie et la finance islamiques ont rempli ces deux objectifs ?
Umer Chapra : Non ! L’économie et la finance islamiques se situent encore loin de l’objectif escompté, puisque leur contribution à la résolution des problèmes économiques des sociétés musulmanes est minime. On peut souligner le fait qu’une attention particulière a été donnée à la finance islamique, mais son développement n’a pas été compensé.
Cela a conduit à la fausse impression que le financement sans intérêts constitue tout ce que l’économie islamique a à offrir. En outre, même la finance islamique a été incapable de se débarrasser de l’influence de la finance conventionnelle. La plupart de ce qui se passe dans le secteur de la finance islamique est similaire à ce qui se fait dans la finance conventionnelle.
Cela a conduit à la fausse impression que le financement sans intérêts constitue tout ce que l’économie islamique a à offrir. En outre, même la finance islamique a été incapable de se débarrasser de l’influence de la finance conventionnelle. La plupart de ce qui se passe dans le secteur de la finance islamique est similaire à ce qui se fait dans la finance conventionnelle.
Pour Umer Chapra, conseiller à la Banque islamique de développement (BID), « il ne suffit pas de réformer le système financier, il faut aussi réformer l’être humain et les institutions socio-économiques et politiques ».
Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, permettre au système financier islamique de remplir ses missions ?
Umer Chapra : Il y a un certain nombre de choses qui sont nécessaires à mettre en place.
1. Se concentrer sur les problèmes socio-économiques auxquels l’humanité est confrontée et montrer comment l’adoption d’une stratégie équilibrée et orientée moralement peut aider à les résoudre. Cela n’est pas une tâche facile dans un monde qui est généralement éloigné de la base morale des religions révélées.
2. Définir clairement une stratégie de réforme islamique qui ne consiste pas simplement à réformer le système financier : il faut réformer l’être humain ainsi que les institutions socio-économiques et politiques qui influent sur le comportement et le bien-être de l’espèce humaine. Cela implique non seulement les croyances religieuses et les valeurs morales, mais aussi toutes les institutions sociales, économiques, financières et politiques.
Le problème avec le monde musulman et la plupart des autres pays n’est pas seulement l’existence d’un système financier inéquitable, mais aussi des gouvernements inefficaces et corrompus, un déclin moral, un manque d’éducation morale et une absence de justice et de fair-play.
Par conséquent, l’économie islamique doit adopter un modèle plus complet si ces problèmes, tous liés entre eux, doivent être résolus. Nous devons nous inspirer du modèle dynamique de causalité circulaire multidisciplinaire d’Ibn Khaldoun, au lieu du modèle néoclassique qui repose essentiellement sur des variables économiques.
3. Connaître la position réelle dans les pays musulmans : la façon dont les individus, les familles, les entreprises et les gouvernements se comportent réellement et pour quelles raisons leur comportement n’est pas en harmonie avec leurs idéaux. Une fois connues l’ampleur de l’écart et les causes de la déviation, il peut être possible de trouver des solutions pratiques pour éliminer cet écart à la lumière des enseignements de l’islam et de l’expérience d’autres pays.
1. Se concentrer sur les problèmes socio-économiques auxquels l’humanité est confrontée et montrer comment l’adoption d’une stratégie équilibrée et orientée moralement peut aider à les résoudre. Cela n’est pas une tâche facile dans un monde qui est généralement éloigné de la base morale des religions révélées.
2. Définir clairement une stratégie de réforme islamique qui ne consiste pas simplement à réformer le système financier : il faut réformer l’être humain ainsi que les institutions socio-économiques et politiques qui influent sur le comportement et le bien-être de l’espèce humaine. Cela implique non seulement les croyances religieuses et les valeurs morales, mais aussi toutes les institutions sociales, économiques, financières et politiques.
Le problème avec le monde musulman et la plupart des autres pays n’est pas seulement l’existence d’un système financier inéquitable, mais aussi des gouvernements inefficaces et corrompus, un déclin moral, un manque d’éducation morale et une absence de justice et de fair-play.
Par conséquent, l’économie islamique doit adopter un modèle plus complet si ces problèmes, tous liés entre eux, doivent être résolus. Nous devons nous inspirer du modèle dynamique de causalité circulaire multidisciplinaire d’Ibn Khaldoun, au lieu du modèle néoclassique qui repose essentiellement sur des variables économiques.
3. Connaître la position réelle dans les pays musulmans : la façon dont les individus, les familles, les entreprises et les gouvernements se comportent réellement et pour quelles raisons leur comportement n’est pas en harmonie avec leurs idéaux. Une fois connues l’ampleur de l’écart et les causes de la déviation, il peut être possible de trouver des solutions pratiques pour éliminer cet écart à la lumière des enseignements de l’islam et de l’expérience d’autres pays.
Êtes-vous satisfait de la façon dont la finance islamique a été exploitée à ce jour ?
Umer Chapra : Très peu de gens sont vraiment satisfaits. C’est parce que la plupart des banques islamiques, à l’heure actuelle, ne sont pas significativement différentes des banques traditionnelles. Elles utilisent différents « hiyals » (stratagèmes juridiques) pour perpétuer des pratiques bancaires classiques avec une étiquette islamique. Tous les différents modes de financement islamiques ont été contaminés de cette manière.
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Retrouvez cet entretien en intégralité dans l’IFSO MAG, n° 4, printemps-été 2014.
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Retrouvez cet entretien en intégralité dans l’IFSO MAG, n° 4, printemps-été 2014.
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