« No tinc por » (« Je n’ai pas peur »), c’est ce qu’ont hurlé spontanément les centaines de personnes qui se sont rassemblées Plaza de Catalunya à Barcelone, à quelques heures des attentats qui ont frappé la ville et la petite ville côtière de Cambrils. Encore bien avant que cette manifestation d’esprit civique ne prenne forme, bien des résidents de la ville avaient déjà amplement fait preuve de solidarité offrant leurs soins aux victimes de l’attentat.
Nombreux ont été les volontaires anonymes qui, défiant le désarroi et la crainte semés par les terroristes, ont secouru les blessés, offert un refuge dans des hôtels ou des habitations privées à ceux qui étaient victimes sans abri dans une ville attaquée. Des dizaines de traducteurs se sont rendus disponibles. Il s’est agi d’une première réaction, pas nécessairement évidente. Une réponse qui, face à la volonté des terroristes de provoquer un mal irréparable, a poussé ces bénévoles à mettre à la disposition des victimes leur temps et leur sécurité, limitant de leur mieux l’horreur de la première spirale de nihilisme. « Je suis resté surpris par les gestes de générosité et de solidarité par lesquels les Barcelonais ont répondu à l’attaque ; ils ont fait preuve d’une grande humanité », a affirmé le cardinal de Barcelone, Juan José Omella.
Treize mois après l’attaque de Nice, point de départ d’un djihadisme low cost en Europe, c’est l’Espagne qui a été frappée comme cela s’était déjà passé en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède. Bien qu’il semble y avoir des différences par rapport aux cas précédents. Nous ne nous trouvons pas face au jihadisme de loups solitaires agissant d’une façon spontanée.
Selon les premières enquêtes, l’attaque à la camionnette puis au couteau est le résultat de l’échec des plans terroristes qui prévoyaient des désastres bien plus graves avec des explosifs et des bouteilles de butane. Il s’en est fallu d’une explosion accidentelle - qui eut lieu dans une habitation d’Alcanar, un village près de Tarragone, où un groupe de jeunes d’origine marocaine préparait l’attaque - pour les obliger à opter pour la camionnette. Sommes-nous face à une cellule organisée comme celles que formait al-Qaïda, hiérarchiquement liée aux sommets du groupe État islamique ? S’agit-il d’un attentat similaire à celui que l’Espagne subit le 11 mars 2004 ?
Il est encore beaucoup trop tôt pour répondre aux nombreuses questions qui se sont posées au sujet de cette attaque. Selon des enquêtes parmi les plus récentes, l'attentat de 2004 a eu pour responsable Amer Azizi, un homme directement lié aux sommets d’al-Qaïda. Il existe, cela est hors de doute, des analogies avec ce qui s’est passé il y a quelques jours. Amer Azizi agit à l’époque comme agent de radicalisation d’un groupe de personnes d’origine maghrébine, comme cela a été le cas cette fois-ci avec l'imam Abdelbaki Es-Satty. Mais ce dernier ne semble pas avoir des liens avec les sommets de l'EI, pas plus qu’il ne semble disposer d’une infrastructure financière.
Quoi qu’il en soit, ce qui change est le profil des jihadistes, qui a radicalement changé. Derrière ce qui s’est passé en Catalogne, nous découvrons une douzaine de jeunes, parfois presqu’adolescents, d’origine marocaine, à l’apparence parfaitement intégrés. De fait, ils étaient connus des services d’intégration du gouvernement catalan. L'assistant social qui avait travaillé avec ces jeunes en est bouche bée. « Que leur est-il arrivé ? Et quand ? Que faisons-nous pour permettre que des choses pareilles arrivent ! », a-t-elle écrit.
Nombreux ont été les volontaires anonymes qui, défiant le désarroi et la crainte semés par les terroristes, ont secouru les blessés, offert un refuge dans des hôtels ou des habitations privées à ceux qui étaient victimes sans abri dans une ville attaquée. Des dizaines de traducteurs se sont rendus disponibles. Il s’est agi d’une première réaction, pas nécessairement évidente. Une réponse qui, face à la volonté des terroristes de provoquer un mal irréparable, a poussé ces bénévoles à mettre à la disposition des victimes leur temps et leur sécurité, limitant de leur mieux l’horreur de la première spirale de nihilisme. « Je suis resté surpris par les gestes de générosité et de solidarité par lesquels les Barcelonais ont répondu à l’attaque ; ils ont fait preuve d’une grande humanité », a affirmé le cardinal de Barcelone, Juan José Omella.
Treize mois après l’attaque de Nice, point de départ d’un djihadisme low cost en Europe, c’est l’Espagne qui a été frappée comme cela s’était déjà passé en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Suède. Bien qu’il semble y avoir des différences par rapport aux cas précédents. Nous ne nous trouvons pas face au jihadisme de loups solitaires agissant d’une façon spontanée.
Selon les premières enquêtes, l’attaque à la camionnette puis au couteau est le résultat de l’échec des plans terroristes qui prévoyaient des désastres bien plus graves avec des explosifs et des bouteilles de butane. Il s’en est fallu d’une explosion accidentelle - qui eut lieu dans une habitation d’Alcanar, un village près de Tarragone, où un groupe de jeunes d’origine marocaine préparait l’attaque - pour les obliger à opter pour la camionnette. Sommes-nous face à une cellule organisée comme celles que formait al-Qaïda, hiérarchiquement liée aux sommets du groupe État islamique ? S’agit-il d’un attentat similaire à celui que l’Espagne subit le 11 mars 2004 ?
Il est encore beaucoup trop tôt pour répondre aux nombreuses questions qui se sont posées au sujet de cette attaque. Selon des enquêtes parmi les plus récentes, l'attentat de 2004 a eu pour responsable Amer Azizi, un homme directement lié aux sommets d’al-Qaïda. Il existe, cela est hors de doute, des analogies avec ce qui s’est passé il y a quelques jours. Amer Azizi agit à l’époque comme agent de radicalisation d’un groupe de personnes d’origine maghrébine, comme cela a été le cas cette fois-ci avec l'imam Abdelbaki Es-Satty. Mais ce dernier ne semble pas avoir des liens avec les sommets de l'EI, pas plus qu’il ne semble disposer d’une infrastructure financière.
Quoi qu’il en soit, ce qui change est le profil des jihadistes, qui a radicalement changé. Derrière ce qui s’est passé en Catalogne, nous découvrons une douzaine de jeunes, parfois presqu’adolescents, d’origine marocaine, à l’apparence parfaitement intégrés. De fait, ils étaient connus des services d’intégration du gouvernement catalan. L'assistant social qui avait travaillé avec ces jeunes en est bouche bée. « Que leur est-il arrivé ? Et quand ? Que faisons-nous pour permettre que des choses pareilles arrivent ! », a-t-elle écrit.
Quel profil des terroristes?
Les terroristes de Ripoll, nous ne sommes pas sans le savoir, répondent au prototype de terroriste islamiste arrêté en Espagne ces dernières années. Le Real Instituto Elcano en a tracé le profil, à travers le monitorage de quelques 178 détenus entre 2013 et 2016. Des hommes mais aussi des femmes, compris entre les 25 et 29 ans. Un bon 40 % est de nationalité marocaine tandis que les 60 % restants sont des Espagnols. La moitié d’eux sont des immigrés de la deuxième génération.
Ces dernières années, le nombre de jihadistes détenus d’origine espagnole a augmenté de plus de huit fois. Près de 28 % d’entre eux résident à Barcelone à laquelle s’ajoutent la banlieue de Madrid et les villes de Ceuta et de Melilla, le repère le plus important de terroristes de ce type. Autre donnée saillante : 18 % seulement d’eux connaissent l’islam ou la charia. Ce ne sont pas des personnes qui souffrent d’une exclusion économique, leur taux de chômage est similaire à celui enregistré parmi les jeunes du même âge. En revanche, une part importante d’eux - 20 % – a déjà été en prison avant l’arrestation.
C’est en prison ou à travers le contact avec une personne radicalisée - en l’occurrence, l’imam Abdelbaki Es-Satty - qu’ils se radicalisent à leur tour. Non seulement à travers Internet. En tout état de cause, ces données montrent bien que le profil du jihadiste a considérablement changé. De plus en plus, c’est celui d’un Espagnol qui, sans grande connaissance de l’islam, embrasse l’idéologie de la destruction. La communauté islamique elle-même reconnaît avoir des difficultés à contrôler cette situation. Ces jours-ci, Mohamed el-Ghaidouni, président de l'Union des communautés islamiques de la Catalogne, après avoir condamné les attentats, a demandé de l’aide « car seuls, nous ne pouvons pas contrôler ces extrémistes. Nous ne pouvons pas contrôler les imams radicaux, nous avons besoin que l’État nous aide, en particulier pour avoir de bons imams pour nos leçons de religion ».
Ces dernières années, le nombre de jihadistes détenus d’origine espagnole a augmenté de plus de huit fois. Près de 28 % d’entre eux résident à Barcelone à laquelle s’ajoutent la banlieue de Madrid et les villes de Ceuta et de Melilla, le repère le plus important de terroristes de ce type. Autre donnée saillante : 18 % seulement d’eux connaissent l’islam ou la charia. Ce ne sont pas des personnes qui souffrent d’une exclusion économique, leur taux de chômage est similaire à celui enregistré parmi les jeunes du même âge. En revanche, une part importante d’eux - 20 % – a déjà été en prison avant l’arrestation.
C’est en prison ou à travers le contact avec une personne radicalisée - en l’occurrence, l’imam Abdelbaki Es-Satty - qu’ils se radicalisent à leur tour. Non seulement à travers Internet. En tout état de cause, ces données montrent bien que le profil du jihadiste a considérablement changé. De plus en plus, c’est celui d’un Espagnol qui, sans grande connaissance de l’islam, embrasse l’idéologie de la destruction. La communauté islamique elle-même reconnaît avoir des difficultés à contrôler cette situation. Ces jours-ci, Mohamed el-Ghaidouni, président de l'Union des communautés islamiques de la Catalogne, après avoir condamné les attentats, a demandé de l’aide « car seuls, nous ne pouvons pas contrôler ces extrémistes. Nous ne pouvons pas contrôler les imams radicaux, nous avons besoin que l’État nous aide, en particulier pour avoir de bons imams pour nos leçons de religion ».
L'islam est une ressource invisible
Il n’est pas possible d’établir facilement un lien entre l’apparition de ce jihadisme et l’échec du modèle d’intégration de la population immigrée. Aussi, récemment, Alejandro Portes, expert mondial en matière de migration, a-t-il tenu à assurer que le modèle d’intégration en Espagne est dans l’ensemble un modèle réussi et peut servir de référence à d’autres pays. Selon lui, en Espagne, il n’y a pas eu de modèle d’intégration imposé par le haut « contrairement à d’autres pays européens qui ont tenté d’imposer l’intégration même à travers des modèles politiques.
En Espagne, nous sommes en présence d’un processus naturel ». Il n’y a pas eu de catégories ethniques identifiées ; 80 % des immigrés se définissent comme espagnols. Ce modèle a-t-il échoué dans certaines zones de la Catalogne ? Possible. Le phénomène des ghettos d’immigrés musulmans qui ne se sont créés nulle part ailleurs, sont effectivement observés dans des localités comme Can Anglada, Terrasa, Sabadell ou Mataró, communes de la province de Barcelone. Elles comptent selon certaines estimations 70 000 élèves musulmans scolarisés qui ne reçoivent pas de leçons de religion islamique. La Catalogne est, avec le Pays Basque, une des communautés autonomes les plus sécularisées.
En Catalogne, mais cela vaut pour toute l’Espagne, nous assistons à une certaine difficulté à comprendre la valeur que la dimension religieuse a dans le processus d’intégration. Le sociologue de l’Universidad Pontificia de Comillas, Fernando Vidal, met en évidence, dans une de ses études consacrée au capital social et au capital symbolique, que les immigrés sont les premiers à accorder une grande importance au facteur religieux en tant que dimension nécessaire à l’intégration.
Toutefois, 14 % seulement de ceux qui opèrent dans le social estiment ce facteur important. C’est une ressource invisible. Cette fracture entre l'identité religieuse du migrant et la manière dont les spécialistes de secteur conçoivent l'intégration est extrêmement importante. El-Ghaidouni a demandé, à juste titre, de l’aide afin que l'islam, l'islam vraiment religieux, soit considéré comme une ressource pour faire face au jihadisme. Nous avons déjà pu voir la faiblesse des résultats d’un modèle d’intégration s’inspirant de la laïcité française. Si l’élément religieux s’arrête, la transmission de cette ressource qui permet de faire face au nihilisme s’interrompt.
L’éducation nécessaire à faire face à la terreur exige une gratuité comme celle qui s’est manifestée les premières heures des attaques, convertie en méthode et formation.
*****
Fernando de Haro est un journaliste espagnol, rédacteur en chef de La Mañana Fin de Semana de la radio Cope. Diplômé en Journalisme et droit, il est docteur en Science de l'information. Première parution de la contribution le 31 août sur Oasis.
Lire aussi :
Après les attentats de Barcelone, l’Espagne veut ficher tous ses imams
A Barcelone, les musulmans manifestent par milliers contre le terrorisme
En Espagne, nous sommes en présence d’un processus naturel ». Il n’y a pas eu de catégories ethniques identifiées ; 80 % des immigrés se définissent comme espagnols. Ce modèle a-t-il échoué dans certaines zones de la Catalogne ? Possible. Le phénomène des ghettos d’immigrés musulmans qui ne se sont créés nulle part ailleurs, sont effectivement observés dans des localités comme Can Anglada, Terrasa, Sabadell ou Mataró, communes de la province de Barcelone. Elles comptent selon certaines estimations 70 000 élèves musulmans scolarisés qui ne reçoivent pas de leçons de religion islamique. La Catalogne est, avec le Pays Basque, une des communautés autonomes les plus sécularisées.
En Catalogne, mais cela vaut pour toute l’Espagne, nous assistons à une certaine difficulté à comprendre la valeur que la dimension religieuse a dans le processus d’intégration. Le sociologue de l’Universidad Pontificia de Comillas, Fernando Vidal, met en évidence, dans une de ses études consacrée au capital social et au capital symbolique, que les immigrés sont les premiers à accorder une grande importance au facteur religieux en tant que dimension nécessaire à l’intégration.
Toutefois, 14 % seulement de ceux qui opèrent dans le social estiment ce facteur important. C’est une ressource invisible. Cette fracture entre l'identité religieuse du migrant et la manière dont les spécialistes de secteur conçoivent l'intégration est extrêmement importante. El-Ghaidouni a demandé, à juste titre, de l’aide afin que l'islam, l'islam vraiment religieux, soit considéré comme une ressource pour faire face au jihadisme. Nous avons déjà pu voir la faiblesse des résultats d’un modèle d’intégration s’inspirant de la laïcité française. Si l’élément religieux s’arrête, la transmission de cette ressource qui permet de faire face au nihilisme s’interrompt.
L’éducation nécessaire à faire face à la terreur exige une gratuité comme celle qui s’est manifestée les premières heures des attaques, convertie en méthode et formation.
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Fernando de Haro est un journaliste espagnol, rédacteur en chef de La Mañana Fin de Semana de la radio Cope. Diplômé en Journalisme et droit, il est docteur en Science de l'information. Première parution de la contribution le 31 août sur Oasis.
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