Partant des constats énoncés précédemment (lire : « La question de la visibilité en islam » ; « Dire Dieu dans l’espace public » ; « Islam : visibilité/lisibilité, se conformer ou se démarquer ? »), il convient de s’interroger sur les formes de visibilité que les musulmans ont décidé d’adopter.
Se protéger par l’appartenance identifiée
Vivre dans une société, en ne partageant pas un certain nombre de ses valeurs ou de ses mécanismes sociaux, peut engendrer le besoin de se protéger.
Ainsi, certaines personnes peuvent chercher à s’identifier notamment sur le plan vestimentaire, afin de se protéger, se préserver. Si cette démarche se justifie sociologiquement, elle pose un souci lorsque l’on analyse les textes islamiques.
En effet, s’il est permis de se démarquer ou même de marquer son appartenance en certains contextes, cela doit permettre de marquer la désapprobation d’agissements collectifs ou d’un système, cela doit permettre de faire vivre les concepts universels qui émanent de la Lumière divine. On se démarque non pas par peur, mais par conviction. On se démarque pour dire Dieu mais également pour témoigner et transmettre un message social.
Dire Dieu, dire ses valeurs, exprimer sa désapprobation ne doit pas se faire dans une logique conflictuelle. Au contraire, dire Dieu, c’est commencer par aimer, c’est dépasser les apparences, c’est aller vers l’autre malgré ses différences.
Être visible au nom de Dieu, ce n’est pas être extravagant, c’est simplement être en cohérence avec son être dans un monde de paraître et surtout transmettre un message à la société.
Ainsi, certaines personnes peuvent chercher à s’identifier notamment sur le plan vestimentaire, afin de se protéger, se préserver. Si cette démarche se justifie sociologiquement, elle pose un souci lorsque l’on analyse les textes islamiques.
En effet, s’il est permis de se démarquer ou même de marquer son appartenance en certains contextes, cela doit permettre de marquer la désapprobation d’agissements collectifs ou d’un système, cela doit permettre de faire vivre les concepts universels qui émanent de la Lumière divine. On se démarque non pas par peur, mais par conviction. On se démarque pour dire Dieu mais également pour témoigner et transmettre un message social.
Dire Dieu, dire ses valeurs, exprimer sa désapprobation ne doit pas se faire dans une logique conflictuelle. Au contraire, dire Dieu, c’est commencer par aimer, c’est dépasser les apparences, c’est aller vers l’autre malgré ses différences.
Être visible au nom de Dieu, ce n’est pas être extravagant, c’est simplement être en cohérence avec son être dans un monde de paraître et surtout transmettre un message à la société.
Le compromis ou la distinction acceptée et illisible
Certaines personnes tentent de trouver le compromis. Lors d’un récent voyage, un frère disait que les musulmans avaient trouvé comme solution de ne faire l’adhan en public qu’une fois dans la journée, au lieu de trois comme cela était admis dans d’autres villes.
Le compromis cherche à conserver une certaine visibilité tout en acceptant l’idée d’un certain effacement. Le compromis n’est pas problématique en soit, mais il l’est dès lors qu’il n’est plus le fruit d’une analyse objective de la société et des valeurs dont nous devons nous démarquer ou nous rapprocher.
Par ailleurs, être visible n’est pas suffisant, il faut aussi être lisible. Nous concentrer sur la réalité française pourrait être trompeur. En effet, voir la différence ne suffit pas à combattre l’indifférence.
Affirmer que nous ne recherchons pas le paraître qui se démarque de l’être, c’est se souvenir que nous ne recherchons pas le paraître qui ne donne pas sens. Notre visibilité doit avoir un sens, mais elle doit être lisible et émaner de l’intime.
Le compromis cherche à conserver une certaine visibilité tout en acceptant l’idée d’un certain effacement. Le compromis n’est pas problématique en soit, mais il l’est dès lors qu’il n’est plus le fruit d’une analyse objective de la société et des valeurs dont nous devons nous démarquer ou nous rapprocher.
Par ailleurs, être visible n’est pas suffisant, il faut aussi être lisible. Nous concentrer sur la réalité française pourrait être trompeur. En effet, voir la différence ne suffit pas à combattre l’indifférence.
Affirmer que nous ne recherchons pas le paraître qui se démarque de l’être, c’est se souvenir que nous ne recherchons pas le paraître qui ne donne pas sens. Notre visibilité doit avoir un sens, mais elle doit être lisible et émaner de l’intime.
L’effacement
C’est l’acceptation d’une assimilation qui oublie toute la partie visible du message de l’islam afin d’en conserver, « l’essentiel », les valeurs et les principes. Certes, dire Dieu ne suffit pas, puisqu’il nous revient aussi de faire vivre la Lumière divine et ses valeurs universelles et de dénoncer ce qui s’y oppose.
Cependant, cette posture omet l’idée d’une nécessaire visibilité du message de l’islam, car dire « justice sociale », dire « droit des femmes », dire « droits de l’homme »..., c’est aussi dire Dieu dans l’espace public.
Une société qui refuse l’affirmation publique de Dieu est une société qui s’oublie, c’est une société profondément injuste. Lutter pour les valeurs dites « universelles » est important, mais il est prioritaire de rappeler la Transcendance qui libère et pacifie. Sans quoi, nous ne faisons que proposer une idéologie moderniste qui donne primauté à la raison nécessaire mais ô combien faillible.
Certains pensent que du fait du contexte hostile que nous vivons, il serait préférable de nous effacer stratégiquement en vue de nous protéger. Cette attitude pose un double problème. D’une part, elle nie l’obligation de transmettre, de dire Dieu, de dire les valeurs, de dénoncer. D’autre part, sous couvert d’ouverture, elle communautarise l’essence du message. Elle se préoccupe d’une communauté au-delà du message et de l’humanité. Notre responsabilité émane de Dieu et elle est universelle.
Cependant, cette posture omet l’idée d’une nécessaire visibilité du message de l’islam, car dire « justice sociale », dire « droit des femmes », dire « droits de l’homme »..., c’est aussi dire Dieu dans l’espace public.
Une société qui refuse l’affirmation publique de Dieu est une société qui s’oublie, c’est une société profondément injuste. Lutter pour les valeurs dites « universelles » est important, mais il est prioritaire de rappeler la Transcendance qui libère et pacifie. Sans quoi, nous ne faisons que proposer une idéologie moderniste qui donne primauté à la raison nécessaire mais ô combien faillible.
Certains pensent que du fait du contexte hostile que nous vivons, il serait préférable de nous effacer stratégiquement en vue de nous protéger. Cette attitude pose un double problème. D’une part, elle nie l’obligation de transmettre, de dire Dieu, de dire les valeurs, de dénoncer. D’autre part, sous couvert d’ouverture, elle communautarise l’essence du message. Elle se préoccupe d’une communauté au-delà du message et de l’humanité. Notre responsabilité émane de Dieu et elle est universelle.
Conclusion : une visibilité qui donne sens
Le premier élément à prendre en considération est de s’assurer que notre visibilité soit le fruit d’une quête spirituelle, d’une rencontre avec Dieu, qu’elle soit cohérente avec ce que nous sommes réellement.
Dire Dieu est nécessaire et indispensable dans une société qui le réfute mais cela n’est possible que si nous ne tombons pas dans le piège du paraître ou de l’excès.
Notre visibilité se doit de dire une désapprobation d’un système qui refuse Dieu et Ses valeurs. Elle doit marquer notre attachement à ceux qui disent Dieu et/ou Ses valeurs. C’est pourquoi, au-delà de tout cela, elle doit être lisible par les grilles de lectures culturelles de ceux qui nous entourent.
Être visible ne suffit donc pas, car nous devons aussi nous préoccuper de la multiplicité des représentations qui sont le fruit de l’Histoire et de la mémoire de nos concitoyens. Car si nous sommes visibles pour Dieu, nous sommes lisibles au regard des autres et il convient d’adapter notre visibilité aux grilles de lecture de celui qui voit.
L’objectif n’est pas de paraître ou de se faire accepter, mais plutôt de rendre nos spécificités compréhensibles et intelligibles par ceux qui nous entourent. Une visibilité qui effraie celui que l’on appelle ou qui s’assimile à celui que nous devons combattre est contreproductive. Notre visibilité doit être contextualisée et elle doit envoyer des messages clairs et explicites, elle doit être lisible, dire un sens, une profondeur, un projet de réforme et surtout Dieu.
En résumé, le message de l’islam induit une visibilité qui se doit de :
• Traduire une cohérence entre l’être et le paraître, elle devrait être le fruit de ce que nous sommes réellement, de notre cheminement ;
• Rappeler Dieu et le fait qu’Il soit la source des valeurs universelles ;
•Traduire une analyse de la société en marquant une appropriation des universaux ou une démarcation de ce qui s’y oppose ;
• Être lisible par les grilles de lectures culturelles de ceux qui nous entourent.
Notre responsabilité est donc de faire vivre la Lumière divine et de la rendre lisible à tous ceux qui cheminent. En effet, si nous acceptons l’idée que certaines personnes n’aient réalisé que la partie intime du cheminement et qu’il est possible de ne s’approprier que les valeurs universelles tout en réfutant la partie transcendantale du cheminement, il doit être alors dit que nous ne reconnaissons également ces valeurs universelles que parce qu’elles émanent de Dieu, et que nous agissons que pour Dieu.
Notre visibilité doit avoir un sens, elle doit être lisible, elle doit permettre tout autant la réforme que le ressourcement. Cela passe par une remise en question perpétuelle qui est le fondement du cheminement spirituel.
* Conseiller en gestion d’organisation et spécialiste de la question du halal, Fethallah Otmani est directeur du Centre d’enseignement et d’éducation Shatibi et membre de l’UFCM.
Dire Dieu est nécessaire et indispensable dans une société qui le réfute mais cela n’est possible que si nous ne tombons pas dans le piège du paraître ou de l’excès.
Notre visibilité se doit de dire une désapprobation d’un système qui refuse Dieu et Ses valeurs. Elle doit marquer notre attachement à ceux qui disent Dieu et/ou Ses valeurs. C’est pourquoi, au-delà de tout cela, elle doit être lisible par les grilles de lectures culturelles de ceux qui nous entourent.
Être visible ne suffit donc pas, car nous devons aussi nous préoccuper de la multiplicité des représentations qui sont le fruit de l’Histoire et de la mémoire de nos concitoyens. Car si nous sommes visibles pour Dieu, nous sommes lisibles au regard des autres et il convient d’adapter notre visibilité aux grilles de lecture de celui qui voit.
L’objectif n’est pas de paraître ou de se faire accepter, mais plutôt de rendre nos spécificités compréhensibles et intelligibles par ceux qui nous entourent. Une visibilité qui effraie celui que l’on appelle ou qui s’assimile à celui que nous devons combattre est contreproductive. Notre visibilité doit être contextualisée et elle doit envoyer des messages clairs et explicites, elle doit être lisible, dire un sens, une profondeur, un projet de réforme et surtout Dieu.
En résumé, le message de l’islam induit une visibilité qui se doit de :
• Traduire une cohérence entre l’être et le paraître, elle devrait être le fruit de ce que nous sommes réellement, de notre cheminement ;
• Rappeler Dieu et le fait qu’Il soit la source des valeurs universelles ;
•Traduire une analyse de la société en marquant une appropriation des universaux ou une démarcation de ce qui s’y oppose ;
• Être lisible par les grilles de lectures culturelles de ceux qui nous entourent.
Notre responsabilité est donc de faire vivre la Lumière divine et de la rendre lisible à tous ceux qui cheminent. En effet, si nous acceptons l’idée que certaines personnes n’aient réalisé que la partie intime du cheminement et qu’il est possible de ne s’approprier que les valeurs universelles tout en réfutant la partie transcendantale du cheminement, il doit être alors dit que nous ne reconnaissons également ces valeurs universelles que parce qu’elles émanent de Dieu, et que nous agissons que pour Dieu.
Notre visibilité doit avoir un sens, elle doit être lisible, elle doit permettre tout autant la réforme que le ressourcement. Cela passe par une remise en question perpétuelle qui est le fondement du cheminement spirituel.
* Conseiller en gestion d’organisation et spécialiste de la question du halal, Fethallah Otmani est directeur du Centre d’enseignement et d’éducation Shatibi et membre de l’UFCM.