© Martin Parr
Arrivée à la tête de l’Institut des Cultures d’Islam en 2006, Véronique Rieffel commencera par en changer le nom. D’Institution Musulmane à l’actuel acronyme ICI qui montre que les cultures de l’Islam « c’est ici et maintenant ». Désormais l’établissement de la rue Léon (Paris 18e) se veut la vitrine de la diversité culturelle de l’Islam. Une place de choix est faite à l’art contemporain pour montrer la modernité de ces cultures. C'est dans cet esprit que la directrice publie Islamania*, un livre qui veut bousculer les idées reçues sur l'art islamique.
Saphirnews : Votre livre s’intitule « Islamania, de l’Alhambra à la burqa, histoire d’une fascination artistique », pourquoi aborder l’Islam sous le prisme de l’art ?
Véronique Rieffel : J’ai la chance dans mon métier de rencontrer beaucoup de gens et notamment des artistes. C’est François Morellet qui m’a donné envie d’écrire ce livre. Il est l’un des plus grands artistes contemporains vivants. Lors d’un voyage touristique à l’Alhambra, un des plus beaux sites musulmans au monde (situé à Grenade, en Espagne), il a eu un choc et il se dit : « C’est ce que j’ai toujours voulu faire. »
Il a trouvé dans l’art islamique européen, réalisé il y a des centaines d’années, le déclic pour sa création contemporaine. Nous vivons autour d’une mer commune, les personnes, les textes et les idées circulent.
Lorsque l’on reprend les textes d’artistes comme Kandinsky ou Matisse, on s’aperçoit de l’influence de l’art islamique sur leur travail. C’est un fait méconnu mais qui réconcilie les cultures. Je montre la progression de la perception de l’Orient dans l’imaginaire occidental. Des années après, cela a commencé à produire des effets. L’Orient n’est plus seulement une source d’inspiration, mais il produit un art que l’on expose.
Il a trouvé dans l’art islamique européen, réalisé il y a des centaines d’années, le déclic pour sa création contemporaine. Nous vivons autour d’une mer commune, les personnes, les textes et les idées circulent.
Lorsque l’on reprend les textes d’artistes comme Kandinsky ou Matisse, on s’aperçoit de l’influence de l’art islamique sur leur travail. C’est un fait méconnu mais qui réconcilie les cultures. Je montre la progression de la perception de l’Orient dans l’imaginaire occidental. Des années après, cela a commencé à produire des effets. L’Orient n’est plus seulement une source d’inspiration, mais il produit un art que l’on expose.
Saphirnews : Votre livre se divise en différentes parties…
V. R : La première partie est une histoire de l’art revisitée sous le prisme de l’Islam. Ensuite, le livre s’intéresse aux courants qui émergent. L’art contemporain n’est pas simplement occidental, il transcende les distinctions. Ces artistes de culture musulmane ont une vision, mettent en perspective et donnent leur propre interprétation de phénomènes de société ultra exposés comme le voile, la condition de la femme en islam, l’édification de lieux de culte musulman en Occident, ou le terrorisme. Ils apportent un regard plus fin et plus approfondi car il est nourri par leur histoire personnelle.
J’ai ensuite voulu mêler ma parole à celle de personnes qui travaillent sur ces questions depuis très longtemps et qui sont plus légitimes. Ainsi, on retrouve des textes de l’artiste Mounir Fatmi, de l’écrivain Nicolas Fargues ou encore du rappeur Akhenaton. Enfin, le livre se termine sur mes « bonnes adresses ». Le voyage en Orient commence en Europe, il y a des livres, des intellectuels, des collections islamiques dans les musées. Ce n’est pas une liste exhaustive, mais ce sont des bons plans à partager.
J’ai ensuite voulu mêler ma parole à celle de personnes qui travaillent sur ces questions depuis très longtemps et qui sont plus légitimes. Ainsi, on retrouve des textes de l’artiste Mounir Fatmi, de l’écrivain Nicolas Fargues ou encore du rappeur Akhenaton. Enfin, le livre se termine sur mes « bonnes adresses ». Le voyage en Orient commence en Europe, il y a des livres, des intellectuels, des collections islamiques dans les musées. Ce n’est pas une liste exhaustive, mais ce sont des bons plans à partager.
Véronique Rieffel
Saphirnews : Vous parlez d’un avant- et d’un après-11 Septembre dans le monde de l’art…
V. R : L’Islam est devenu un sujet artistique à partir du 11-Septembre. Les artistes qui portent un patronyme musulman ont dû se positionner là-dessus, malgré eux. Certains ont joué le jeu, ils ont pris le contre-pied et ont réfléchi sur leur propre identité. J’aime beaucoup Majida Khattari. Elle prend de grands tableaux orientalistes qu’elle détourne en photo. Elle est aussi l’investigatrice des défilés VIP (Voile Islamique Parisien) : c’est un moyen de dédramatiser la question du foulard puis du niqab, mais d’une façon très maligne. En faisant défiler, côte à côte, des mannequins nues et en burqa, elle montre les deux façons d’aliéner le corps dans les deux cultures.
Saphirnews : Vous êtes une des initiatrices du concept de « Muslim Pride » avec le directeur de l’Observatoire du religieux, Raphaël Liogier …
V. R : Islamania illustre cette obsession pour l’Islam que l’on constate au quotidien. Je souhaite retourner cette Islamania vers l’art et la culture. Raphaël Liogier de « Muslim Pride » dans une optique plus militante, mais ce sont des visions complémentaires. Il a envie que les musulmans se réveillent et manifestent de manière pacifique mais il incite également les autres citoyens à combattre la stigmatisation de cette communauté. C’est un combat citoyen.
Saphirnews : Quels sont les événements prévus à l’ICI pour la rentrée ?
V. R : Ce sera le début de l’événement « Islam in the City », sur la pratique de l’Islam aux Etats-Unis. Dix ans après les attentats du 11-Septembre, il s’agira de montrer que les musulmans ont aussi été les victimes d’Al-Qaïda.
Plusieurs expositions plastiques et photographiques montreront l’évolution de l’art contemporain post-11-Septembre ainsi que la vie quotidienne des musulmans aux Etats-Unis, qui reste un pays où la liberté de conscience est très respectée.
L’ICI enchaînera ensuite très vite sur un événementiel autour des événements du Printemps arabe. Je suis sûre que l’art sera désormais marqué par l’histoire de ces révolutions. Il y aura un art post-Printemps arabe.
* Véronique Rieffel, Islamania, de l'Alhambra à la burqa, histoire d'une fascination artistique, éditions Beaux Arts, 2011, 220 pages, 19€.
Plusieurs expositions plastiques et photographiques montreront l’évolution de l’art contemporain post-11-Septembre ainsi que la vie quotidienne des musulmans aux Etats-Unis, qui reste un pays où la liberté de conscience est très respectée.
L’ICI enchaînera ensuite très vite sur un événementiel autour des événements du Printemps arabe. Je suis sûre que l’art sera désormais marqué par l’histoire de ces révolutions. Il y aura un art post-Printemps arabe.
* Véronique Rieffel, Islamania, de l'Alhambra à la burqa, histoire d'une fascination artistique, éditions Beaux Arts, 2011, 220 pages, 19€.
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