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Points de vue

Vos papiers !

Par Youssef Chems*

Rédigé par Youssef Chems | Mercredi 17 Février 2010 à 00:56

           


Vos papiers !

On ne comprend plus rien

Les explications laborieuses de l’État et de son ministre « identitaire » troublent le marigot politique et prêtent à toutes les confusions. Pourquoi sortir ce Loch Ness maintenant ! Qui s’y intéresse, à part quelques excités germanopratins en mal de tribune ? Les nationalismes, les patriotismes jaillissent du cœur, à l’occasion des grandes peurs qui resserrent toutes les communautés autour d’un drapeau ou d’un homme. Le drapeau nous l’avons, mais l’homme… !

On se rapproche pour rester libre, et on en meurt souvent. En revanche, aujourd’hui, quelques Rastignac de la place Beauvau ou de Matignon veulent nous faire croire que la France est au bord d’un gouffre insondable, en se découvrant soudain une fibre trop tricolore pour être sincère.

L’identité nationale, c’est quoi ?

En peu de mots, être français, c’est respecter :
− la langue parlée, le français ;
− le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge ;
− l’hymne national, La Marseillaise ;
− une devise républicaine Liberté, Égalité, Fraternité.

C’est aussi appliquer sans faille deux grands principes :
− l’égalité entre les hommes et les femmes ;
− le même traitement pour tous, sans discrimination par rapport aux pays et aux croyances des origines, dans une France sociale, laïque, démocratique et indivisible.

Et voilà, c’est tout, c’est dit, c’est comme ça, c’est énorme et c’est ça la France ! Alors pourquoi tout compliquer jusqu’à rendre insoutenable cette débauche d’énergie et de rumeurs, qui empoisonnent les médias et, finalement, notre quotidien déjà pollué par tout ce qu’on nous matraque ? Ne pourrait-on pas « faire le boulot » tout simplement dans les écoles ou les associations, avec quelques piqûres de rappel ?

Non, des ignorants montent au créneau et noient le bon peuple sous un tsunami de fausses informations et d’ambitions électorales plus ou moins avouées, mais tellement évidentes.

Le débat fut lancé avec légèreté, voire inconséquence. La France n’est pas née d’hier, c’est un très vieux pays qu’écrivains, poètes et surtout historiens ont su ciseler.

Du quai Conti aux collines de la Sorbonne, nos historiens, scientifiques de la mémoire, sont zappés sans état d’âme. Besson, avec son savoir lilliputien, se crut capable d’un « récit national » et il n’accoucha que d’une souris sans queue. Quelles convictions peut donc avoir un homme capable de changer aussi vite de camp et de certitudes ?

D’autres pays se questionnent depuis que leur terre naturelle a été envahie, volée par des voisins, des colons cupides, ou plus prosaïquement rejointe par des immigrés aujourd’hui économiques et demain climatiques.

Les ponts-levis ont sauté depuis longtemps et les douves les plus profondes comblées simplement par les nécessités de survie d’un Sud affamé, pauvre, en demande de soins. L’immigration s’installe, pour un bon moment, sans ambiguïté, et fracasse la grande certitude de nationaux empêtrés dans leurs conceptions désuètes.

La France n’est plus fille unique

La France est un vieil Empire et les « anciens indigènes », eux aussi, sont là, bien présents, avec les mêmes références, la même langue, les mêmes envies et les mêmes besoins. Notre Histoire nous colle et la négliger en déchire plus d’un. Le débat sur l’identité nationale ne peut et ne doit exister parce que, pour débattre, il faut être deux. Or la droite monologue et se fissure, la gauche se cherche et les autres se perdent.

Il faut récrire la France, calmement, en se respectant tous. L’Histoire et l’Histoire seule tranchera. Elle a souvent prouvé sa vitale utilité ; et nos politiques doivent lire et relire les plus beaux textes qui ont déjà tant de fois tout expliqué, de Rome à Lutèce.

On veut, comme d’habitude, faire porter toutes les vicissitudes du monde aux seuls musulmans qui n’en peuvent. Mais Le Pen hors circuit, on recentre les haines en diabolisant un islam bien doux et ne demandant qu’une chose : qu’on le laisse en paix, qu’on l’oublie un peu.

Notre France n’est plus fille unique, elle a des frères et des sœurs venus de toutes les colonies mais aussi d’ailleurs. Les intégrismes gaulois sont tout aussi ridicules que les communautarismes trop rigides. Le « juste milieu » s’imposera de lui-même et laissons donc se présenter cette petite française voilée au suffrage des hommes, elle est tout aussi digne de Molière, de Balzac ou de Lamartine, qui ont bien souvent, par leurs écrits, rendu un bel hommage à cet Orient qui a éduqué notre compréhension des autres, notre sérénité et, surtout, notre aptitude à écouter et à raisonner dans le respect et la compréhension des âmes.

« L’Histoire s’écrit dans les cœurs et se grave dans les mémoires »


* Youssef Chems est écrivain, à paraître « El Hadj ».







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