Yasser Louati est porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF).
Nous nous souviendrons longtemps de l’année 2015 qui a débuté et s’est terminée par deux vagues d’attentats terroristes. Des dizaines de familles endeuillées et un traumatisme national qui sera ressenti pendant encore longtemps. Si les attentats nous ont mis d’accord sur quelque chose, c’est qu’ils étaient une monstruosité qui n’a fait aucune différence entre les victimes, ni leur couleur de peau, ni leur religion, ni leur rang social ne leur ont sauvé la vie.
Ce que je retiens, c’est la révulsion de voir la récupération politique tourner à plein régime alors que les morts n’étaient pas encore enterrés. Les uns faisaient campagne sur leur cadavre, les autres s’en servaient pour relancer leurs carrières ou se donner des postures historiques. Je me suis toujours demandé ce que pouvaient ressentir les familles des victimes à qui on a confisqué le droit d’être en deuil et de se recueillir. A-t-on pensé à elles lorsqu’on organisait la marche du 11 janvier pour défendre la liberté d’expression avec des dictateurs qui, eux-mêmes, réprimaient dans le sang leurs opposants et laissaient croupir les journalistes de leurs pays en prison ?
J’ai eu ce même sentiment de révulsion une semaine après les attaques de novembre. Alors même que les cadavres étaient encore chauds, certains, tels des vautours, n’ont pas eu le moindre scrupule lorsqu’il s’agissait d’avancer leur agenda politique sur les réseaux sociaux.
Alors que les familles enterraient leurs proches, les débats politiciens reprenaient comme si de rien n’était. On parlait encore de sondages, de petites phrases et chacun tirait la couverture vers lui en oubliant que, pendant ce temps, les survivants des attentats et leurs proches les regardaient. Le spectacle était honteux et l’imposture de ceux qui parlent en notre nom encore plus flagrante. Cent trente morts en une nuit et, une semaine plus tard, on préparait déjà les élections régionales et la présidentielle.
S’il y avait une quelconque décence au sommet de l’Etat, on aurait reporté les élections régionales parce que nous sommes en état d’urgence et parce que le pays méritait un temps de repos et de réflexion. Mais que valent nos morts face à leurs carrières ?
Ce que je retiens, c’est la révulsion de voir la récupération politique tourner à plein régime alors que les morts n’étaient pas encore enterrés. Les uns faisaient campagne sur leur cadavre, les autres s’en servaient pour relancer leurs carrières ou se donner des postures historiques. Je me suis toujours demandé ce que pouvaient ressentir les familles des victimes à qui on a confisqué le droit d’être en deuil et de se recueillir. A-t-on pensé à elles lorsqu’on organisait la marche du 11 janvier pour défendre la liberté d’expression avec des dictateurs qui, eux-mêmes, réprimaient dans le sang leurs opposants et laissaient croupir les journalistes de leurs pays en prison ?
J’ai eu ce même sentiment de révulsion une semaine après les attaques de novembre. Alors même que les cadavres étaient encore chauds, certains, tels des vautours, n’ont pas eu le moindre scrupule lorsqu’il s’agissait d’avancer leur agenda politique sur les réseaux sociaux.
Alors que les familles enterraient leurs proches, les débats politiciens reprenaient comme si de rien n’était. On parlait encore de sondages, de petites phrases et chacun tirait la couverture vers lui en oubliant que, pendant ce temps, les survivants des attentats et leurs proches les regardaient. Le spectacle était honteux et l’imposture de ceux qui parlent en notre nom encore plus flagrante. Cent trente morts en une nuit et, une semaine plus tard, on préparait déjà les élections régionales et la présidentielle.
S’il y avait une quelconque décence au sommet de l’Etat, on aurait reporté les élections régionales parce que nous sommes en état d’urgence et parce que le pays méritait un temps de repos et de réflexion. Mais que valent nos morts face à leurs carrières ?
Ne pas laisser le vivre-ensemble aux politiques
Ce que j’en tire comme leçon, c’est que le vivre-ensemble, qu’on entend partout, ne doit jamais être laissé aux mains de nos responsables politiques. Notre système politique fonctionne sur les réflexions à court terme tels que les mandats électoraux, mais le vivre-ensemble, c’est une affaire de long terme, voire de très long terme, et dépasse de loin les préoccupations de nos représentants.
On ne sous-traite pas le vivre-ensemble et encore moins la cohésion nationale parce que si cette dernière faisait partie d’un quelconque projet politique, nous n’aurions pas des décideurs prêts à nous monter les uns contre les autres pour asseoir un peu plus leur pouvoir. C’est bien du cynisme de César dont il s’agit : « diviser pour régner » et, depuis les attaques de janvier et encore plus depuis celles de novembre 2015, je ne vois personne agir pour maintenir notre unité face à des défis communs.
Jamais un pays n’a su faire face au danger en étant divisé, fébrile, et en rognant sur ses valeurs, les mêmes qui sont prônées en temps de paix. En pleine dérive sécuritaire et devant la polarisation de notre pays, nous sommes sommés d’abandonner nos libertés et l’Etat de droit comme s’ils étaient un luxe dont il fallait se défaire en temps de crise. C’est justement le contraire qu’il faut faire.
On ne sous-traite pas le vivre-ensemble et encore moins la cohésion nationale parce que si cette dernière faisait partie d’un quelconque projet politique, nous n’aurions pas des décideurs prêts à nous monter les uns contre les autres pour asseoir un peu plus leur pouvoir. C’est bien du cynisme de César dont il s’agit : « diviser pour régner » et, depuis les attaques de janvier et encore plus depuis celles de novembre 2015, je ne vois personne agir pour maintenir notre unité face à des défis communs.
Jamais un pays n’a su faire face au danger en étant divisé, fébrile, et en rognant sur ses valeurs, les mêmes qui sont prônées en temps de paix. En pleine dérive sécuritaire et devant la polarisation de notre pays, nous sommes sommés d’abandonner nos libertés et l’Etat de droit comme s’ils étaient un luxe dont il fallait se défaire en temps de crise. C’est justement le contraire qu’il faut faire.
Apaiser les esprits au lieu d’allumer le feu de la discorde
L’écrivain Oscar Wilde disait que l’expérience est l’autre nom que nous donnons à nos erreurs. Mais nous concernant, nos erreurs passées, lorsqu’il s’agit de la menace terroriste, représentent notre refus d’apprendre et de tirer les leçons de nos échecs. On divise au lieu de rassembler, on allume le feu de la discorde au lieu d’apaiser les esprits, on occulte les questions de fond au lieu de chercher à y répondre et on privilégie le court terme au détriment du long terme.
Comment peut-on vivre en sécurité sous la houlette de décideurs qui méprisent l’Etat de droit, vous disent qu’expliquer le terrorisme, c’est l’excuser ? Les phrases simplistes cachent l’incompétence, si ce n’est la paresse intellectuelle.
Il y a un sombre personnage qui a marqué l’Histoire américaine du nom de John Foster Dulles mais dont je retiens une phrase pleine de sens : « On ne mesure pas sa réussite par sa capacité à résoudre un problème aujourd’hui mais en regardant si on a eu le même problème l’année d’avant. » Nous faisons face au même problème depuis plus de 30 ans, y a t-il encore un doute sur la capacité de nos dirigeants à résoudre nos problèmes ?
L’année 2015 a confirmé chez moi l’idée que vivre dans une société meilleure est non pas une affaire d’État mais une affaire personnelle. Nous avons une mémoire commune et, bon gré mal gré, n’en déplaise aux prêcheurs de haine, notre avenir commun est scellé.
L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence, disait Averroès. Il serait peut-être temps de nous en rendre compte et de protéger ce qui nous rassemble.
Comment peut-on vivre en sécurité sous la houlette de décideurs qui méprisent l’Etat de droit, vous disent qu’expliquer le terrorisme, c’est l’excuser ? Les phrases simplistes cachent l’incompétence, si ce n’est la paresse intellectuelle.
Il y a un sombre personnage qui a marqué l’Histoire américaine du nom de John Foster Dulles mais dont je retiens une phrase pleine de sens : « On ne mesure pas sa réussite par sa capacité à résoudre un problème aujourd’hui mais en regardant si on a eu le même problème l’année d’avant. » Nous faisons face au même problème depuis plus de 30 ans, y a t-il encore un doute sur la capacité de nos dirigeants à résoudre nos problèmes ?
L’année 2015 a confirmé chez moi l’idée que vivre dans une société meilleure est non pas une affaire d’État mais une affaire personnelle. Nous avons une mémoire commune et, bon gré mal gré, n’en déplaise aux prêcheurs de haine, notre avenir commun est scellé.
L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence, disait Averroès. Il serait peut-être temps de nous en rendre compte et de protéger ce qui nous rassemble.