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Points de vue

Caricatures antimusulmanes : quand les bornes sont franchies

Par Charles Saint-Prot, Directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques

Rédigé par Charles Saint-Prot | Mercredi 1 Février 2006 à 00:00

           

L’affaire des caricatures du Prophète Muhammad publiées dans des journaux danois et norvégiens suscite l’indignation des musulmans du monde entier tandis que certains médias, à l’instar de plusieurs autres publications européennes qui ont reproduit ces dessins, invoquent le sacro-saint droit à la liberté d’expression.



On nous dit que l'enjeu serait « l'équilibre et les limites mutuelles, en démocratie, entre le respect des croyances religieuses et la liberté d'expression ». Une fois de plus, l'occidentalo-centrisme se manifeste d'une manière arrogante et inutilement blessante en se drapant dans les idées des Lumières. On peut se demander si le meilleur moyen de servir la cause de ces idées est de se livrer à des atteintes outrancières contre la foi de plus d'un milliard d'hommes et à des rapprochements contestables entre Islam et terrorisme comme l'ont fait les auteurs de ces caricatures. Ce n'est pas en insultant que l'on consolide ses propres valeurs.

Pour être clair, il ne s'agit pas de rejeter nos valeurs ou de faire sienne la conception musulmane du religieux, mais de situer les limites entre la considération due à toutes les croyances religieuses et la liberté d'expression. Or, quand les bornes sont franchies, il n'y a plus de limites. La liberté ne s'arrête pas seulement où commence celle d'autrui, elle doit s'arrêter où commence la violence et le dénigrement. Le porte-parole du gouvernement français a fort justement précisé que la liberté d'expression « doit s'exercer dans un esprit de tolérance et de respect des croyances de chacun ». Il est clair que tel n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, les caricatures contestées ont très nettement dépassé les limites dans la mesure où elles bafouent, délibérément et violemment, l'un des principes fondamentaux de l'Islam, la déférence à l'égard du Prophète Mohammed. Du coup, elles portent atteinte au droit des gens au respect de leur religion.

Par ailleurs, ces caricatures associent sans aucune retenue l'Islam à la violence et au terrorisme. Elles ont manifestement un caractère diffamatoire, discriminatoire et raciste. Par leurs outrances, leurs amalgames douteux et leur caractère réducteur, elles tendent à jeter le discrédit sur toute une communauté religieuse. Elles favorisent, nolens volens, une escalade de l'incompréhension et sont préjudiciables aux efforts de tous les hommes de bonne volonté qui militent pour une meilleure compréhension entre les peuples, les civilisations et les religions.

En vérité, cette affaire est loin d'être une tempête dans un verre d'eau, elle comporte un aspect géopolitique de premier ordre. Il s'agit tout uniment des relations avec le monde musulman. Tout se passe comme si certains cherchaient à jeter de l'huile sur le feu en voulant diaboliser l'Islam pour instrumentaliser l'idéologie du choc des civilisations qui soutient le programme géopolitique de la superpuissance états-unienne.

Pour d'évidentes raisons géopolitiques et du fait de leur très ancienne cohabitation avec l'autre rive de la Méditerranée, les nations européennes ont un rôle exemplaire à jouer pour faire échouer cette idéologie d'affrontement. C'est dire combien sont inutilement blessantes et provocatrices la publication des caricatures anti-musulmanes par certains médias.

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Charles Saint-Prot est directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques (OEG) à Paris.





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