Points de vue

15 mars 2004 : une loi pseudo-républicaine, anti-féministe et islamophobe

Rédigé par Alain Gabon | Mardi 11 Mars 2014 à 02:22



Ce 15 mars, les simili-républicains et faux laïcs à la Badinter, Boughrab, Fourest, Finkielkraut et leurs alliés objectifs — néo-réactionnaires, islamophobes de tous bords, racistes de tout poil et sectes identitaristes style Bloc Identitaire et Riposte (anti) Laïque — ne manqueront pas de s’auto-congratuler en clamant gratuitement, sans le début du soupçon d’une preuve, que la loi contre le port du voile à l'école représente une « victoire pour la République et le droit des femmes ».

La réalité et la vérité sont tout autres. Pour les musulmans de France mais, au-delà, pour tous les vrais républicains attachés aux libertés et droits civiques les plus fondamentaux (libertés d’expression, de parole, de conscience, de culte, égalité devant la loi...), le 15 mars 2004 restera la Journée de la Honte, l’anniversaire du début d’une longue période de stigmatisation, d’exclusion, de discrimination institutionnalisée et de diabolisation. Et pas seulement parce que, avec cette loi, qui, de l’Angleterre aux Etats-Unis en passant par le monde arabo-musulman, suscita l’opposition : la France a gravement endommagé sa réputation internationale de terre des libertés et « fille des Lumières ».

Le début d’une triste réputation internationale

Cette loi marqua aussi le début de toute une série de condamnations formelles pour atteinte aux libertés fondamentales, condamnations très vocales provenant de la quasi-totalité des organisations de défense des droits de l’homme. Que ce soit aux Nations unies ou dans les rapports d’Amnesty International, cette attaque brutale contre la liberté religieuse d’une minorité, et toutes les autres qui en découlèrent par la suite, ont jusqu’à ce jour suscité au mieux l’incompréhension, mais très souvent un torrent de condamnations internationales sévères qui ont laminé le statut et le prestige de notre pays.

Ainsi, la France se retrouve maintenant régulièrement classée dans la catégorie « orange » des pays qui restreignent les libertés religieuses. Et dans les études des instituts de recherche les plus prestigieux comme le Pew Forum on Religion, elle est même désormais dans la zone rouge, celle des pays où « l’hostilité sociale » contre les religions est « élevée ». Bel exemple de tolérance républicaine !

Des pseudo-féministes anti-féministes

Bien qu’elles se présentèrent comme les championnes des droits et de la dignité des femmes, les pourfendeuses du voile se sont en fait révélées être de belles usurpatrices et hypocrites, et ce à plus d’un titre. D’abord, demandons-nous quel est ce « féminisme » qui s’en prend (lâchement) aux libertés fondamentales d’autres femmes, qui plus est, minoritaires.

Ensuite, en refusant d’écouter ces jeunes filles voilées et de prendre leur parole en considération, ces imposteurs violèrent un des préceptes les plus fondamentaux du féminisme dont, pourtant, elles se réclamaient, à savoir qu’une vraie féministe ne parle pas à la place des autres femmes, ne déconsidère pas leur parole sincère, et encore moins s’arroge de façon péremptoire le droit de décider ce qui est bon pour elles, contre leur propre gré.

Ce fut cependant bel et bien le comportement des Badinter, Ni Putes Ni Soumises et autres Boughrab qui, du haut de leur arrogance mesquine, se permirent de moraliser des jeunes femmes qu’elles ne connaissaient pas et que jamais elles ne prirent la peine ne serait-ce que d’écouter. Ces caricatures de féministes s’arrogèrent le droit d’abolir les libertés d’autres femmes dont la pratique les gênait personnellement, et ce tout en prétendant hypocritement les « libérer » d’une prétendue servitude qui n’existait que dans leurs fantasmes d’ignorantes.

Ces pseudo-féministes, dont la « pensée » obtuse se résumait si visiblement à quelques gros stéréotypes vulgaires de nature proprement coloniale (genre « femme voilée = femme soumise »), et à des contre-vérités fallacieuses depuis démontées de A à Z, ont perdu le droit moral de se présenter comme des féministes. Par contre, elles représentent des spécimens magnifiquement conservés de cette mentalité ethnocentrique coloniale et archaïque qui perdure aujourd’hui, des fausses modernes tout droit sorties du bon vieux temps de la Mission civilisatrice et des cérémonies de dévoilement public dans l’Algérie coloniale.

L'indifférence aux souffrances de l'exclusion

Inutile d’exposer davantage l’hypocrisie et la franche crétinerie des pseudo-arguments de nos pourfendeuses (pardon, nos « libératrices ») de femmes voilées (pardon, de « filles soumises-et-opprimées-par-des-grands-méchants-hommes-musulmans-qui-les-obligent-à-porter-ces-voiles-symboles-de-leur-infériorité »). Rappelons simplement la contradiction flagrante consistant à prétendre « protéger », voire « libérer », des jeunes filles prétendument victimes, tout en les excluant de force de leurs écoles au cas où elles refusent de se dévoiler. Quel beau féminisme émancipateur nous avons là, qui consiste à forcer des mineures à choisir entre leur religion et leur éducation !

Enfin, la mauvaise foi de ces fausses féministes fut également avérée par le fait que jamais, au grand jamais, dès la loi passée, elles ne prirent la peine de s’intéresser à ce qui arrivait aux centaines de jeunes filles exclues ou auto-exclues de leurs écoles. A ce jour, on peut parier qu’aucune de ces islamo-paranos qui hurlent au loup dès qu’un voile se profile au coin de la rue n’est capable ne serait-ce que de citer le nombre de jeunes filles exclues des écoles publiques par la loi qu’elles ont défendue, encore moins de dire ce que ces jeunes filles sont depuis devenues.

La réalité de l’« intérêt » qu’elles prétendaient avoir pour la « liberté » et le bien-être de ces jeunes musulmanes se mesure à la totale indifférence qu’elles montrèrent à leur égard, dès que leur loi fut votée, et qu’elles sablèrent le champagne sur le dos des centaines de jeunes filles qu’elles excluaient de l’école publique dans une irresponsabilité aveugle et criminelle. Féministes, ça ? Bien plutôt des traîtresses à la cause de femmes qui n’ont nullement besoin de ces mères fouettardes et ne leur demandaient rien, surtout pas de les « libérer ».

Adieu au principe égalitariste

Si la loi du 15 mars n’est pas discriminatoire dans son texte, qui ne cite aucune religion spécifique et dont l’intitulé est générique (on parle de « tenues et signes religieux ostensibles »), elle l’est bel et bien à la fois dans son esprit et sa généalogie et dans la réalité de son application sur le terrain.

D’une part, parce que, du début à la fin, les débats qui menèrent à cette loi (l’aboutissement des « affaires de foulards » d’octobre 1989 à mars 2004), ne parlèrent que des hijabs islamiques et des jeunes musulmanes voilées, et de rien d’autre. Si les sikhs et quelques juifs orthodoxes se retrouvent, eux aussi, très occasionnellement sous le feu de cette loi, c’est uniquement à titre de « victimes collatérales ». A qui fera-t-on croire que ces débats et la loi qui en découla s’en prenaient aux croix chrétiennes ou aux kippas juives ? Non, c’est bien une religion en particulier, l’islam, et une pratique islamique spécifique, le hijab, que l’on visa.

D’autre part, dans les faits, de par sa formulation même (la prohibition de signes et tenues religieuses « ostensibles »), se retrouvent donc exclues uniquement les religions qui ont, justement, des pratiques vestimentaires hautement visibles, alors que d’autres (catholicisme, protestantisme...), ne se distinguant pas par des tenues vestimentaires particulières, n’ont pas à s’inquiéter.

Discriminatoire dans les faits, les conséquences concrètes (certaines religions en souffrent plus que d’autres), son esprit et son origine, cette loi est aussi par là antirépublicaine puisqu’elle viole de facto le principe égalitariste selon lequel tous doivent être égaux devant la loi. On en conviendra, c’est loin d’être ici le cas puisque les musulmanes voilées en souffrent de façon absolument disproportionnée, voire souvent exclusive. Ce qui du reste redouble la discrimination religieuse initiale d’une seconde discrimination, celle-là sexiste car elle frappe les musulmanes bien plus que les musulmans. Sans même parler des athées, qui, pour le coup, n’ont, eux, les veinards, rien à redouter. Bel exemple d’égalitarisme républicain que cette loi qui n’a fait que du mal aux musulmans et aux valeurs de la République.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres, elle doit être supprimée.