Société

30e RAMF : quel bilan pour les musulmans de France ?

Rédigé par Maria Magassa-Konaté et H. Ben Rhouma | Jeudi 4 Avril 2013 à 07:00

La 30e édition de la Rencontre annuelle des musulmans de France (RAMF) s’est achevée lundi 1er avril. Durant quatre jours, 170 000 visiteurs venus de France et d'ailleurs se sont retrouvés au Bourget, a annoncé l’Union des organisations islamiques de France (UOIF). Les nouveaux espaces du Salon du Bourget, à l'instar des pavillons jeunesse et famille, ont été hautement appréciés par le public. Si le succès de la foire commerciale n’a une nouvelle fois pas été démenti, des couacs ont tout de même été constatés.



La 30e Rencontre annuelle des musulmans de France (RAMF) de l'UOIF dynamisée par les nouveaux pavillons spécialisés.
Ce sont 170 000 personnes qui se sont rendues au Parc des expositions du Bourget, du vendredi 29 mars au lundi 1er avril pour assister à la RAMF. L’Union des organisations islamiques de France (UOIF) a ainsi annoncé une progression du nombre de visiteurs face aux années précédentes (160 000 en 2012).

La foire commerciale reste indubitablement un passage obligé des musulmans à leur venue pour cet événement, le plus grand en Europe du type. Karim Ouachek, le responsable de GEDIS qui gère l’exploitation du salon commercial de la RAMF depuis 15 ans, estime qu'il y a eu entre « 15 000 et 20 000 personnes chaque jour » dans cet espace.

Un lundi pas comme les autres

Cette année, 276 exposants ont pu y proposer leurs produits et leurs services. Et comme toujours, c’est le secteur de l’édition qui a remporté la palme du succès. « Le livre reste le roi. C’est le produit numéro 1 », constate M. Ouachek.

Farid Pharred, responsable de la libraire Salam, a fait le chemin de Belgique pour la 8e année consécutive, pour participer à la RAMF, « le meilleur salon » à ses yeux grâce à qui il déclare multiplier par dix son chiffre d’affaires par rapport à une journée normale.

Si les livres demeurent les stars des ventes, les visiteurs se sont distingués dans cette 30e édition en prolongeant leurs achats jusqu’en début de soirée, lundi 1er avril, qui a coïncidé cette année avec le lundi de Pâques, férié en France. « C’est la première année où il y a autant de monde » le dernier jour, assure le responsable de GEDIS. « Habituellement, les gens partent dès 17h. Mais cette fois, ils ont prolongé le plaisir et n'ont pas voulu pas partir », ajoute-t-il. Effectivement, après plusieurs appels annonçant la fermeture du salon vers 19h , les visiteurs ont eu du mal à quitter les lieux.

Des associations dynamiques aux multiples projets

Cette affluence - qui n'a pas été au rendez-vous vendredi - a été une aubaine pour les nombreuses associations, présentes au sein des espaces commercial et jeunesse pour mobiliser le plus grand nombre à leur cause et collecter des fonds.

Au total, 120 associations des quatre coins de la France ont fait acte de présence, dont plusieurs agissant en faveur du peuple syrien. Les projets de mosquées ont trusté le Salon du Bourget, à l'instar d'Annour qui prévoit la construction d'un grand lieu de culte à Orléans-Sud. Sur les 1,9 million d'euros nécessaires au projet, reste encore à collecter 900 000 €. « Nos dons proviennent des fidèles de la région (Centre, ndlr). Avec la crise, ce n'est pas évident de toujours demander aux mêmes des efforts. Nous avons besoin d'un second souffle » en s'exposant à la RAMF, nous explique-t-on.

Même son de cloche pour les projets d’écoles musulmanes. Ces dernières ont su mobiliser en surfant sur la reconnaissance nationale du lycée Averroès, saluée par l’UOIF tout au long de la Rencontre.

Le Secours Islamique France (SIF) et le Comité de Bienfaisance et de Secours aux Palestiniens (CBSP) « sont la lumière de notre salon et donnent du crédit à notre action », a jugé M. Ouachek. Ces ONG humanitaires ont pu exposer leurs actions sur la scène principale du Salon, à travers une vidéo pour le CBSP ; la représentation d’une artiste dessinant sur sable pour le SIF, qui a fait sensation auprès du public samedi 30 mars.

Des couacs dans la programmation

Tariq Ramadan, un habitué de la RAMF, a fait salle comble à chacune de ses apparitions sur scène. Le professeur d’études islamiques à l’université d’Oxford, a notamment fait sensation au sein du pavillon jeunesse lors de son passage dimanche 31 mars. La table-ronde sur l'usage des mots par les médias, organisée en sa présence et celle des sociologues Raphaël Liogier et Fatiha Ajbli, a été suivie par un millier de personnes.

Des conférences, il y en a eu à la pelle comme en témoignait la programmation de la RAMF.

Mais parmi les couacs, on constate les absences d'intervenants de marque pourtant annoncés comme Mehrézia Labidi, vice-présidente de l'Assemblée constituante en Tunisie, le cheikh égyptien Mohamed Al-Arifi ou encore le récitateur de Coran Abdallah Basfar. Ce dernier n'a finalement pas pu se rendre en France faute de temps pour faire son visa, nous explique l'UOIF. Le documentaire retraçant les 30 ans de l'organisation n'a également pas été diffusé.

Vif succès pour l’espace jeunesse et famille

Dans l'ensemble, cette édition a tout de même été appréciée par les visiteurs, tombés sous le charme du pavillon jeunesse, deux fois plus grand que l'an passé. Il a sans conteste redynamisé la RAMF qui voit son public se rajeunir d'année en année. L’espace famille, ouvert pour la première fois, a aussi su conquérir bien des cœurs en mettant sur la table des sujets attrayants comme « Comment faire revivre la flamme dans le couple ? ».

Les « gens étaient debout » en assistant à ce mini-colloque donnée par un psychologue et une sexologue, « un couple dans la vraie vie qui a livré une mise en scène vivante », commente Hela Khomsi, présidente de la Ligue Française de la Femme Musulmane (LFFM) qui a géré l’organisation de l’espace famille.

Les cafés-débats avec des professionnels psychologues psychothérapeutes, diététiciens, sexologues ou encore médiateurs publics autour de questions sur la vie de couple, la vie de famille et l’éducation des enfants ont séduit les visiteurs, qui n’ont pas manqué de poser leurs questions. Des consultings personnels d’une vingtaine de minutes leur étaient même proposés. « Il y a une très grande demande. Nous avons été alarmé par l’augmentation du nombre de divorce dans la communauté », explique Mme Khomsi, jugeant essentiel l’ouverture d’un tel espace à la RAMF pour marquer la « place centrale de la famille ».

Face à l’engouement qu’il a suscité, nul doute qu’il devrait être maintenu l’an prochain. A l'autre bout du Parc des expositions, passage obligé au pavillon Saint-Coran, qui a été inauguré cette année sous la responsabilité de l'Institut européen des sciences humaines (IESH), un établissement privé de sciences islamiques lié à l'UOIF. Bien que moins fréquenté que les autres espaces, le public a savouré la distinction faite avec la foire ainsi que les expositions retraçant la vie du Prophète Muhammad et l'histoire de l'islam. Cette partie, comme le pavillon jeunesse, devraient être « développés » pour la prochaine édition, a indiqué Ahmed Jaballah, président de l’UOIF.

La 31e RAMF devrait donc, à priori, réserver des surprises au public.