Religions

A Los Angeles, une mosquée uniquement réservée aux femmes fait sensation

Rédigé par | Lundi 2 Février 2015 à 09:15

La demande pour l'autonomisation des femmes dans l'optique de renforcer leur leadership au sein des communautés musulmanes se fait croissante en Occident. C’est dans ce contexte qu’une mosquée rare en son genre a récemment ouvert ses portes aux Etats-Unis. A Los Angeles, un lieu de culte musulman uniquement réservé aux femmes - le premier dans le pays - a fait son apparition dans le paysage local. Une initiative qui répond à des besoins et questionne des réalités pour appeler à les changer.



Une mosquée uniquement réservée aux femmes fait sensation à Los Angeles. La Women's Mosque of America a organisé sa première prière du vendredi le 30 janvier (photo).
Les femmes au pouvoir dans la mosquée ! La Women's Mosque of America (WMA), littéralement la Mosquée des femmes d'Amérique, existe depuis octobre 2014 mais n’assurait jusqu’à présent aucune prière du vendredi. La première était attendue de l'organisation : effectuée le 30 janvier dans le centre interreligieux de Pico-Union, à Los Angeles, elle a réuni entre 100 et 200 femmes.

Au même titre que les cinq prières quotidiennes, celle du vendredi avec la WMA est naturellement dirigée par une femme, qui est également chargée de prononcer le sermon (khotba), obligatoire pour valider la prière hebdomadaire. Si celle-ci est une obligation uniquement pour les hommes, les femmes sont aussi très nombreuses à vouloir profiter des bienfaits de ce moment spirituel collectif.

Elever les communautés musulmanes par l'autonomisation des femmes à travers un accès plus direct à la science islamique et au leadership, tels sont les objectifs affichés par la Women's Mosque of America. « La Mosquée des femmes fournira un espace sûr pour les femmes musulmanes de tous les milieux afin qu’elles se sentent accueillies, respectées et activement engagées au sein de la communauté musulmane dans son ensemble », fait savoir l'organisation sur son site.

« Les femmes musulmanes n'ont pas de tribune. Quand nous allons à la mosquée, nous devons nous asseoir sur le côté », a déclaré au Los Angeles Times Yasmeen Ruhge, une cardiologue de Pasadena présente à la prière inaugurale. « Ce n'est pas que nous ne sommes pas égaux, mais la nouvelle mosquée va nous donner la liberté de parler en tant que femmes et de nous bâtir un rôle indépendant. »

Une mosquée non interdite aux hommes

A la direction, on trouve Hasna Maznavi et Sana Muttalib, les deux fondatrices de la Mosquée des femmes d'Amérique, gérée par des bénévoles. Et contrairement aux idées reçues, aucune des deux n’est voilée, comme en témoignent ici les photos officiels. Hasna Maznavi est une cinéaste engagée pour changer la représentation des musulmans dans les médias mainstream américains tandis que Sana Muttalib est une avocate spécialisée dans le droit international en matière de corruption. Marquées par leurs expériences respectives dans les mosquées qu'elles ont fréquenté, les deux femmes ont eu à cœur de créer un espace où leurs pairs peuvent échanger et s'exprimer en toute aisance.

Hasna Maznavi et Sana Muttalib revendiquent l'inclusion des femmes dans les lieux de culte sans pour autant que cette volonté se traduise par l'exclusion des hommes dans l'organigramme de la WMA. Le comité directeur de la structure compte ainsi deux hommes : l’un co-dirige la communication avec une femme tandis que le second a le poste de secrétaire. La WMA n’est donc pas totalement interdite aux hommes. Les événements et les cours qu'elle veut organiser leur sont d’ailleurs ouverts. Quant aux enfants, qui comprend les jeunes garçons jusqu’à l’âge de 12 ans, ils peuvent assister aux prières et les effectuer avec les femmes.

La prière du vendredi est désormais assurée par la WMA mais à raison d'une fois par mois pour le moment. L'objectif à terme pour la direction, qui collabore avec des instituts réputés dans l'enseignement de la théologie musulmane, est de pouvoir le proposer à ses fidèles chaque semaine. La traduction du sermon en langue des signes est d'ores et déjà disponible à la demande des fidèles.

Une initiative qui répond à des réalités

Il est des réalités qu’il est impossible de passer sous silence : les espaces réservés aux femmes dans les mosquées de France et d'ailleurs se distinguent souvent par leur exiguïté et leur manque d'accessibilité. Dans de nombreuses mosquées encore, ils sont même inexistants. La séparation hommes/femmes telle qu'opérée dans la plupart des édifices religieux n’est pas pour mettre la gent féminine à l’aise, ni pour les encourager à aborder l'imam en cas de questions et ni, de surcroît, pour les inciter à une participation active dans la gestion des lieux de prières, très largement dévolue aux hommes. Autant de situations génératrices de frustrations qui poussent des femmes à ne plus fréquenter les mosquées, lieux sources de nourriture spirituelle.

« Nous aurions aimer ne pas exister », a déclaré au Wall Street Journal Hasna Maznavi, qui invite les femmes qui passeront par son organisation à revenir dans la mosquée de leurs quartiers ou celles qu'elles ont l'habitude de fréquenter pour les inviter doucement au changement. La WMA n’est pas une première dans le monde : des mosquées réservées aux femmes existent de longue date en Chine et aux Maldives. Des cercles féminins plus ou moins formels se sont aussi formés aux quatre coins de la planète pour répondre aux besoins spécifiques. De telles initiatives bousculent les préconçus et invitent au débat sur la place effective des musulmanes dans les structures communautaires en vue de lutter contre leur relégation sociale et religieuse. Il en va de l'application du principe d'égalité fidèle aux enseignements islamiques.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur