L'avis de Saphirnews
Sa canonisation était annoncée en mai 2020, elle devient réalité deux ans plus tard. Charles de Foucauld (1858-1916), qui avait le statut de « bienheureux » après sa béatification en 2005, va être proclamé « saint » par le pape François dimanche 15 mai. L’occasion de plonger dans la vie et l’œuvre de l’ermite du désert dans un angle encore méconnu, sa relation à l’islam. A côté d’une riche littérature de source chrétienne, il y a « de la place pour une réflexion islamique sur l’œuvre de Charles de Foucauld ».
Ali Merad s’y est attelé, usant de ses talents d'historien, tout en mettant en avant ses convictions de croyant musulman pour écrire Charles de Foucauld au regard de l’islam. Paru en 1974, réédité en 2016 un an avant la mort de l’universitaire algérien, le livre est présenté par l'auteur comme « un acte de témoignage d'un homme qui, à un certain moment (...), s'est senti interpellé par le message de Charles de Foucauld et qui, maintes fois, depuis, s'est interrogé sur la signification – au regard de l'islam – de cette vie chrétienne implantée en pleine terre islamique ».
Comme l’islamologue Louis Massignon dont il fut ami, « Charles de Foucauld semble avoir été appelé par son destin à être un témoin mystique pour Jésus, devant l’islam ». Cette religion fut, pour l’ermite, « au point de départ de son itinéraire spirituel » mais pas au point de se convertir. Il n’en reste pas moins que son parcours interpelle autant les consciences chrétiennes que musulmanes.
L’ouvrage se présente d’ailleurs une contribution au dialogue islamo-chrétien. L’ermite a, en effet, su incarner des valeurs chrétiennes fondamentales, communes avec l’islam, démontre Ali Merad : « La confiante remise de soi à Dieu, la simplicité, la recherche des perfections morales, en même temps que la ferme résolution de contribuer – fut-ce d'une manière obscure et modeste – à rendre la société humaine plus juste et plus fraternelle. »
Ali Merad s’y est attelé, usant de ses talents d'historien, tout en mettant en avant ses convictions de croyant musulman pour écrire Charles de Foucauld au regard de l’islam. Paru en 1974, réédité en 2016 un an avant la mort de l’universitaire algérien, le livre est présenté par l'auteur comme « un acte de témoignage d'un homme qui, à un certain moment (...), s'est senti interpellé par le message de Charles de Foucauld et qui, maintes fois, depuis, s'est interrogé sur la signification – au regard de l'islam – de cette vie chrétienne implantée en pleine terre islamique ».
Comme l’islamologue Louis Massignon dont il fut ami, « Charles de Foucauld semble avoir été appelé par son destin à être un témoin mystique pour Jésus, devant l’islam ». Cette religion fut, pour l’ermite, « au point de départ de son itinéraire spirituel » mais pas au point de se convertir. Il n’en reste pas moins que son parcours interpelle autant les consciences chrétiennes que musulmanes.
L’ouvrage se présente d’ailleurs une contribution au dialogue islamo-chrétien. L’ermite a, en effet, su incarner des valeurs chrétiennes fondamentales, communes avec l’islam, démontre Ali Merad : « La confiante remise de soi à Dieu, la simplicité, la recherche des perfections morales, en même temps que la ferme résolution de contribuer – fut-ce d'une manière obscure et modeste – à rendre la société humaine plus juste et plus fraternelle. »
Une présence chrétienne singulière en terre d'islam
C’est un portrait à la fois équilibré et complexe que dresse Ali Merad de Charles de Foucauld, un homme qui « appartient à ce monde des figures irremplaçables » et qui « s'est adressé aux hommes, aux chrétiens et aux musulmans dans le langage de l'Évangile ».
L’universitaire explique ainsi que « les marques de respect, de confiance et d'affection » dont les Touaregs entouraient « le marabout chrétien » sont liées au fait que ce dernier a choisi de renoncer aux avantages de sa condition et de venir partager le pauvre sort des populations musulmanes du désert. Il fut « un marabout serviteur, contrairement à l'image traditionnelle du marabout au regard duquel tous les fidèles sont par essence des serviteurs ». Le religieux, né dans une famille aisée, a choisi d’épouser « la condition des humbles » et s’est efforcé à leur rendre service, « ne reculant pas devant les tâches les plus serviles ».
Comme en islam, « la piété ne s'indique pas exclusivement dans la vie contemplative ou dans l'observance des rites. Elle est essentiellement agissante et rayonnante, créatrice de bonheur et inspiratrice de bien aux hommes », lit-on. « Par la vertu de son exemple, Charles de Foucauld a certainement contribué, aux yeux des musulmans, à rétablir l’échelle des valeurs dans son vrai sens ».
L’universitaire explique ainsi que « les marques de respect, de confiance et d'affection » dont les Touaregs entouraient « le marabout chrétien » sont liées au fait que ce dernier a choisi de renoncer aux avantages de sa condition et de venir partager le pauvre sort des populations musulmanes du désert. Il fut « un marabout serviteur, contrairement à l'image traditionnelle du marabout au regard duquel tous les fidèles sont par essence des serviteurs ». Le religieux, né dans une famille aisée, a choisi d’épouser « la condition des humbles » et s’est efforcé à leur rendre service, « ne reculant pas devant les tâches les plus serviles ».
Comme en islam, « la piété ne s'indique pas exclusivement dans la vie contemplative ou dans l'observance des rites. Elle est essentiellement agissante et rayonnante, créatrice de bonheur et inspiratrice de bien aux hommes », lit-on. « Par la vertu de son exemple, Charles de Foucauld a certainement contribué, aux yeux des musulmans, à rétablir l’échelle des valeurs dans son vrai sens ».
Un rapport particulier à l’entreprise coloniale française
Toutefois, les rapports entre les Touaregs et l’ermite « n'ont guère dépassé les limites d'une amitié respectueuse. Le rapprochement, nous semble-t-il, n'a pas été total », selon Ali Merad. « S'il a fait preuve de bienveillance et de constante disponibilité à l'égard des Touaregs, on peut se demander s'il a réellement éprouvé pour eux une grande estime tant sa vision de la société musulmane était entachée d'un profond pessimisme. » Charles de Foucauld, « victime des apparences », voyait en les Touaregs un peuple « païen superficiellement islamisés » et s’était mis en tête de « préparer les âmes sahariennes à la parole de l'Évangile ».
En face, l’œuvre personnelle de Charles de Foucauld, « tout admirable qu’elle fût sous l’angle de la charité, n’aurait pu en quelques années opérer le miracle de transformer la méfiance instinctive des populations sahariennes en manifestations d’enthousiasme pour le régime militaire français, et pour les normes administratives et culturelles qu’il était en voie d’établir (…) en faisant table rase des données culturelles multiséculaires qui avaient façonné l’âme des peuples musulmans du Sahara ».
Si « son idéal de vie (…) était l’imitation de Jésus », Charles de Foucauld, à travers ses actes à valeur sociale et politique, « avait présentes à l’esprit une certaine image de la France » et « se faisait un devoir de représenter les valeurs françaises » dans son comportement vis-à-vis des populations locales. Il identifiait ainsi l’œuvre coloniale à « une mission d’émancipation humaine et de civilisation (…) sans quoi l’action proprement missionnaire et l’œuvre d’évangélisation n’auraient aucun effet sur les peuples musulmans ». Dans le même temps, il avait une « capacité d’influence modératrice sur certains tempéraments militaires » et était de ces voix capables aussi de « dire non à l’arbitraire ».
La voie choisie par Charles de Foucauld n'était « pas de nature à lui attirer les encouragements des milieux français de la colonie » ni à « lui valoir la sympathie agissante des milieux musulmans, aux yeux desquels le "marabout chrétien" se présentait d'abord sous les traits d'un Français », qui plus est « entouré, honoré et respecté par les responsables militaires », lui qui a été, dans une ancienne vie, un officier de la cavalerie.
En face, l’œuvre personnelle de Charles de Foucauld, « tout admirable qu’elle fût sous l’angle de la charité, n’aurait pu en quelques années opérer le miracle de transformer la méfiance instinctive des populations sahariennes en manifestations d’enthousiasme pour le régime militaire français, et pour les normes administratives et culturelles qu’il était en voie d’établir (…) en faisant table rase des données culturelles multiséculaires qui avaient façonné l’âme des peuples musulmans du Sahara ».
Si « son idéal de vie (…) était l’imitation de Jésus », Charles de Foucauld, à travers ses actes à valeur sociale et politique, « avait présentes à l’esprit une certaine image de la France » et « se faisait un devoir de représenter les valeurs françaises » dans son comportement vis-à-vis des populations locales. Il identifiait ainsi l’œuvre coloniale à « une mission d’émancipation humaine et de civilisation (…) sans quoi l’action proprement missionnaire et l’œuvre d’évangélisation n’auraient aucun effet sur les peuples musulmans ». Dans le même temps, il avait une « capacité d’influence modératrice sur certains tempéraments militaires » et était de ces voix capables aussi de « dire non à l’arbitraire ».
La voie choisie par Charles de Foucauld n'était « pas de nature à lui attirer les encouragements des milieux français de la colonie » ni à « lui valoir la sympathie agissante des milieux musulmans, aux yeux desquels le "marabout chrétien" se présentait d'abord sous les traits d'un Français », qui plus est « entouré, honoré et respecté par les responsables militaires », lui qui a été, dans une ancienne vie, un officier de la cavalerie.
Que faut-il retenir de sa mission ?
Avec Charles de Foucauld au regard de l’islam, « loin de nous l'idée de jeter un voile sur tout ce que, dans le zèle missionnaire de Charles de Foucauld, était de nature à blesser la sensibilité musulmane ». D'un point de vue algérien, « il peut paraître légitime de considérer les attitudes du père de Foucauld en termes critiques » car il fut « jusqu'au bout partisan de l'expansionnisme français en Afrique et sa solidarité de fait avec le régime colonial dont la véritable nature lui a sans doute échappé ».
Mais pour Ali Merad, il est « injuste de faire grief à un religieux comme Charles de Foucauld de n'avoir pas été en mesure de devancer la mentalité de son époque, en faisant éclater aux yeux du monde des vérités politiques que les consciences algériennes et françaises mettront plus d'un demi-siècle pour reconnaître ». Il n’a pas été « un génial précurseur » mais a néanmoins été « plus lucide que la plupart des responsables coloniaux de sa génération et ne s'est pas privé d'avertir ses compatriotes qu'ils perdraient leur empire africain, faute d'une politique de justice et de progrès, et d'une réelle volonté d'émancipation des populations autochtones ».
Ali Merad, qui note « combien était illusoire son espoir de convertir les populations musulmanes du Sahara (…) qu’il aurait voulu tirer de leur "délaissement spirituel" », a tout de même laissé le souvenir d'une « figure exemplaire » sur le plan spirituel, en assumant « toutes les vertus reconnues aux chrétiens dans la révélation coranique ». Il a aussi été un homme empreint d’une fidélité « à la terre africaine à laquelle il a donné le meilleur de lui-même » et « où il a fait vœu d' "y reposer jusqu'à la résurrection" ». C’est dans le sud algérien que son corps repose depuis.
Mais pour Ali Merad, il est « injuste de faire grief à un religieux comme Charles de Foucauld de n'avoir pas été en mesure de devancer la mentalité de son époque, en faisant éclater aux yeux du monde des vérités politiques que les consciences algériennes et françaises mettront plus d'un demi-siècle pour reconnaître ». Il n’a pas été « un génial précurseur » mais a néanmoins été « plus lucide que la plupart des responsables coloniaux de sa génération et ne s'est pas privé d'avertir ses compatriotes qu'ils perdraient leur empire africain, faute d'une politique de justice et de progrès, et d'une réelle volonté d'émancipation des populations autochtones ».
Ali Merad, qui note « combien était illusoire son espoir de convertir les populations musulmanes du Sahara (…) qu’il aurait voulu tirer de leur "délaissement spirituel" », a tout de même laissé le souvenir d'une « figure exemplaire » sur le plan spirituel, en assumant « toutes les vertus reconnues aux chrétiens dans la révélation coranique ». Il a aussi été un homme empreint d’une fidélité « à la terre africaine à laquelle il a donné le meilleur de lui-même » et « où il a fait vœu d' "y reposer jusqu'à la résurrection" ». C’est dans le sud algérien que son corps repose depuis.
Ali Merad, Charles de Foucauld au regard de l’islam, Desclée de Brouwer, première édition en 1972, réédition en 2016, 140 pages, 15,90 €