A quelques jours de la fête du sacrifice, un grand nombre d’organisations musulmanes de Belgique ont appelé à un boycott du sacrifice suite à l’interdiction d’abattre les animaux sans étourdissement préalable dans les abattoirs temporaires. Un mouvement de boycott agite également certaines communautés du sud de la France.
Si l’on peut se réjouir de la volonté de citoyens de manifester leur mécontentement à l’encontre de mesures sanitaires ou du manque de places dans les abattoirs agréés qui semblent mettre en danger le libre exercice de leur pratique religieuse telle qu’elle est consacrée par la Charte européenne des Droits Fondamentaux, en ce compris par la législation européenne en matière d’abattage des animaux qui accepte un certain degré de dérogation au principe d’étourdissement pour des raisons religieuses, il n’en reste pas moins que les initiatives belges et françaises se caractérisent par une désorganisation évidente.
Le point positif à retenir, c’est que les appels au boycott diminueront sensiblement les problèmes logistiques liés à des pics de demande d’abattage. On peut rester plus circonspect quant à l’efficacité politique de ces démarches s’il est question d’interpeller les décideurs quant à la demande de pérennisation de l’abattage rituel ou aux conditions réelles de l’exercice de ce droit, tant pour les croyants que les animaux. L’espoir d’une mobilisation spontanée des éleveurs qui viendrait soutenir les demandes spirituelles d’une petite partie de la population semble peu réaliste, à brève échéance qui plus est. De telles campagnes nécessitent une préparation de longue haleine pour se donner des chances de succès véritables.
Au-delà des mobilisations politiques, il me paraît tout autant impératif d’aborder le versant jurisprudentiel et métaphysique de cette problématique. Bien qu’extrêmement intéressant, cet aspect est peu abordé dans les conversations intra-communautaires.
Dans le feu de l’action, on constate que d’aucuns n’hésitent pas à s’emporter, rêvant d’une unification de la oumma européenne qui boycotterait toute viande halal pendant un mois pour mettre la pression sur le politique en vue d’empêcher l’interdiction, à terme, de tout abattage rituel sans étourdissement électrique.
Si ce genre de discours relève plus pour moi de la pathologie du « tawhîd al-umma » traduisant un grand sentiment d’impuissance face aux événements et à l’action politique, il permet surtout de ne pas s’interroger sur la question du halal et de l’importance démesurée que prend cette dimension pour les musulmans en contexte minoritaire. Plus qu’une affaire de rituel, il s’agit d’une véritable question identitaire qui doit être traitée de son plein droit dans un article qui lui serait exclusivement dédié.
Si l’on peut se réjouir de la volonté de citoyens de manifester leur mécontentement à l’encontre de mesures sanitaires ou du manque de places dans les abattoirs agréés qui semblent mettre en danger le libre exercice de leur pratique religieuse telle qu’elle est consacrée par la Charte européenne des Droits Fondamentaux, en ce compris par la législation européenne en matière d’abattage des animaux qui accepte un certain degré de dérogation au principe d’étourdissement pour des raisons religieuses, il n’en reste pas moins que les initiatives belges et françaises se caractérisent par une désorganisation évidente.
Le point positif à retenir, c’est que les appels au boycott diminueront sensiblement les problèmes logistiques liés à des pics de demande d’abattage. On peut rester plus circonspect quant à l’efficacité politique de ces démarches s’il est question d’interpeller les décideurs quant à la demande de pérennisation de l’abattage rituel ou aux conditions réelles de l’exercice de ce droit, tant pour les croyants que les animaux. L’espoir d’une mobilisation spontanée des éleveurs qui viendrait soutenir les demandes spirituelles d’une petite partie de la population semble peu réaliste, à brève échéance qui plus est. De telles campagnes nécessitent une préparation de longue haleine pour se donner des chances de succès véritables.
Au-delà des mobilisations politiques, il me paraît tout autant impératif d’aborder le versant jurisprudentiel et métaphysique de cette problématique. Bien qu’extrêmement intéressant, cet aspect est peu abordé dans les conversations intra-communautaires.
Dans le feu de l’action, on constate que d’aucuns n’hésitent pas à s’emporter, rêvant d’une unification de la oumma européenne qui boycotterait toute viande halal pendant un mois pour mettre la pression sur le politique en vue d’empêcher l’interdiction, à terme, de tout abattage rituel sans étourdissement électrique.
Si ce genre de discours relève plus pour moi de la pathologie du « tawhîd al-umma » traduisant un grand sentiment d’impuissance face aux événements et à l’action politique, il permet surtout de ne pas s’interroger sur la question du halal et de l’importance démesurée que prend cette dimension pour les musulmans en contexte minoritaire. Plus qu’une affaire de rituel, il s’agit d’une véritable question identitaire qui doit être traitée de son plein droit dans un article qui lui serait exclusivement dédié.
Il m’importe plus ici de questionner les éléments « religieux » autour desquels s’articule ce discours identitaire.
Comme j’ai pu le rappeler dans différentes interviews, le souci du bien-être animal n’est pas la chasse gardée (si je puis dire) des militants du respect de la vie animale. Tout le monde a à cœur de prendre soin de leur bien-être, les sacrificateurs musulmans y compris. Ensuite, il est important de rappeler que tous les animaux sont saignés pour être vidés de leur sang, qu’ils soient destinés à la consommation casher/halal ou non. La seule question qui compte, in fine, c’est de savoir si l’étourdissement (par choc électrique) permet, ou non, de diminuer la souffrance animale.
Les partisans de chaque méthode (avec ou sans étourdissement) fournissent un ensemble d’études scientifiques toutes aussi concluantes les unes que les autres, selon les indicateurs de souffrance choisis. Ces études, malheureusement, servent surtout à renforcer les convictions de chaque camp sans pour autant remporter l’avantage décisif, chacun n’hésitant pas à faire dans la campagne de communication « trash » sur les médias sociaux à grand renfort de vidéos plus violentes les unes que les autres.
J’ai également appelé à ce que les autorités responsables mettent sur pied des commissions réunissant des scientifiques pour et contre l’étourdissement pour analyser de manière collective et pluridisciplinaire les évidences scientifiques disponibles, sans tabou.
Il n’en reste pas moins que la souffrance, au-delà de certains indicateurs neurobiologiques, reste fondamentalement une question philosophique, voire métaphysique. Il nous est impossible d’arriver à une définition commune de ce qu’est notre propre souffrance, chaque être humain ayant une perception, voire une capacité de résistante différente face à un même stimulus de souffrance, avec des conséquences variées sur nos comportements. Si l’on ne veut pas se borner à une conception mécaniste de l’animal, ne serait-il pas concevable de faire également l’hypothèse d’un rapport différencié de chaque animal face à la souffrance, ce qui rend dès lors la délimitation d’un seuil de souffrance effective plus difficile qu’il n’y paraît de prime abord. Une telle approche, soit dit en passant, n’est d’ailleurs pas incompatible avec la théologie musulmane qui n’exclut pas l’existence d’un devenir pour les animaux dans l’Outre-Monde après leur Résurrection (versets 6:38 et 81:5), ce qui suppose au moins l’existence d’une âme individuelle pour chaque animal avec tout ce que cela implique (Tareq Oubrou, L’Unicité de Dieu, Gédis, 2006, pp. 141-145).
Si l’on se soucie véritablement du bien-être animal, on admettra que la question vaut mieux que l’assénement d’études scientifiques sans débat contradictoire, débat qui pourrait permettre d’identifier des aspects encore à explorer de la question de la souffrance animale.
Si les conclusions d’une telle entreprise pluridisciplinaire devaient être que les animaux souffrent effectivement moins lorsqu’ils sont préalablement étourdis, cela imposerait aux théologiens musulmans (et juifs) de reconsidérer l’approche de leurs Textes de référence.
En ce qui concerne l’islam, le travail semble déjà bien entamé. Les oulémas de Nouvelle-Zélande, par exemple, un des plus gros exportateurs de viande halal, ont validé le principe de l’électronarcose : celle-ci fait en sorte que les fonctions vitales de l’animal restent intactes. L’animal est inconscient pendant quelques dizaines de secondes. S’il n’est pas égorgé, il se ranime et peut reprendre une vie normale.
Il se fait cependant que persiste chez de nombreux musulmans une mauvaise lecture littérale du verset 5:3, elle-même largement soutenue par une longue série d’oulémas étoilés au Guide Michelin du conformisme religieux (taqlîd). Le Coran énonce une série d’animaux impropres à la consommation, souvent pour des raisons de santé et d’hygiène liées à la présence de sang dans le corps de l’animal qui ne serait pas saigné.
Les partisans de chaque méthode (avec ou sans étourdissement) fournissent un ensemble d’études scientifiques toutes aussi concluantes les unes que les autres, selon les indicateurs de souffrance choisis. Ces études, malheureusement, servent surtout à renforcer les convictions de chaque camp sans pour autant remporter l’avantage décisif, chacun n’hésitant pas à faire dans la campagne de communication « trash » sur les médias sociaux à grand renfort de vidéos plus violentes les unes que les autres.
J’ai également appelé à ce que les autorités responsables mettent sur pied des commissions réunissant des scientifiques pour et contre l’étourdissement pour analyser de manière collective et pluridisciplinaire les évidences scientifiques disponibles, sans tabou.
Il n’en reste pas moins que la souffrance, au-delà de certains indicateurs neurobiologiques, reste fondamentalement une question philosophique, voire métaphysique. Il nous est impossible d’arriver à une définition commune de ce qu’est notre propre souffrance, chaque être humain ayant une perception, voire une capacité de résistante différente face à un même stimulus de souffrance, avec des conséquences variées sur nos comportements. Si l’on ne veut pas se borner à une conception mécaniste de l’animal, ne serait-il pas concevable de faire également l’hypothèse d’un rapport différencié de chaque animal face à la souffrance, ce qui rend dès lors la délimitation d’un seuil de souffrance effective plus difficile qu’il n’y paraît de prime abord. Une telle approche, soit dit en passant, n’est d’ailleurs pas incompatible avec la théologie musulmane qui n’exclut pas l’existence d’un devenir pour les animaux dans l’Outre-Monde après leur Résurrection (versets 6:38 et 81:5), ce qui suppose au moins l’existence d’une âme individuelle pour chaque animal avec tout ce que cela implique (Tareq Oubrou, L’Unicité de Dieu, Gédis, 2006, pp. 141-145).
Si l’on se soucie véritablement du bien-être animal, on admettra que la question vaut mieux que l’assénement d’études scientifiques sans débat contradictoire, débat qui pourrait permettre d’identifier des aspects encore à explorer de la question de la souffrance animale.
Si les conclusions d’une telle entreprise pluridisciplinaire devaient être que les animaux souffrent effectivement moins lorsqu’ils sont préalablement étourdis, cela imposerait aux théologiens musulmans (et juifs) de reconsidérer l’approche de leurs Textes de référence.
En ce qui concerne l’islam, le travail semble déjà bien entamé. Les oulémas de Nouvelle-Zélande, par exemple, un des plus gros exportateurs de viande halal, ont validé le principe de l’électronarcose : celle-ci fait en sorte que les fonctions vitales de l’animal restent intactes. L’animal est inconscient pendant quelques dizaines de secondes. S’il n’est pas égorgé, il se ranime et peut reprendre une vie normale.
Il se fait cependant que persiste chez de nombreux musulmans une mauvaise lecture littérale du verset 5:3, elle-même largement soutenue par une longue série d’oulémas étoilés au Guide Michelin du conformisme religieux (taqlîd). Le Coran énonce une série d’animaux impropres à la consommation, souvent pour des raisons de santé et d’hygiène liées à la présence de sang dans le corps de l’animal qui ne serait pas saigné.
Voici une traduction du verset par Rachid Benzine : « Vous sont interdits : la bête morte (il s'agit évidemment ici de la consommation de sa chair) ; le sang (on le dit réservé aux dieux dans tout le Proche-Orient pastoral, mais en fait il risque d'empoisonner les hommes), la chair du porc (absent en Arabie à l’époque du Prophète, mais interdit dans Deutéronome, 14:7-8, Lévitique, 11:7) ; ce (les animaux sacrifiés) sur quoi a été prononcé un autre nom (divin) que Dieu, la bête étranglée (on traduit souvent étouffée), morte sous un coup (mawqûdha), d'une chute, encornée ; ce (les animaux) que les fauves ont dévorés, sauf la bête que vous avez purifiée (c'est-à-dire égorgée vous-mêmes avant qu'elle ne soit morte, précision avec raison de Muhammad Hamidullah ; ce qui est sacrifié (par égorgement) sur la/les pierre(s) (le mot nusub pose problème on ne sait si c'est un singulier ou un pluriel ; nasaba donne l'idée de planter une pierre dans le sol ou simplement la poser pour marquer) ; (vous est interdit) de partager les lots (des bêtes égorgées) en tirant les flèches (passages en lien avec le maysir : 2:219 ; 5:90) : tout cela est transgression. »
Un terme fait toute la différence dans le cas qui nous concerne : mawqûdha. La plupart des gens traduisent par « [la bête] assommée », comprenant dès lors que le Coran refuserait l’idée de tout étourdissement avant égorgement. Un retour au Lisân al-‘Arab, le dictionnaire le plus complet et le plus proche de la langue arabe du moment coranique, démontre que mawqûdha ne signifie pas « assommée » mais « morte à la suite de coups répétés ». L’interdiction de ce type de viande se justifie pleinement puisque la saignée n’aurait pas été effectuée avant le décès de l’animal pour rendre sa viande propre à la consommation – y compris selon les règles d’hygiène les plus contemporaines. Il n’est dès lors pas étonnant que les oulémas néo-zélandais aient pu arriver à la conclusion qu’une électronarcose ne pose pas de problème en soi si elle est réalisée dans des conditions idéales pour le bien-être animal.
Il semble donc que l’on est face à une véritable maldonne que n’hésitent malheureusement pas à entretenir certains entrepreneurs identitaires ou certains entrepreneurs (tout court) ayant de juteux intérêts financiers dans la consommation massive d’aliments prétendument « halal ».
Selon Rachid Benzine, l'interdiction de consommer l'animal déjà attaqué par un fauve (loup, lion d'Arabie, panthère d'Arabie, guépard) est certainement dans la continuité de la pratique locale. Elle se ramène sans doute au fait que l'animal n'a pas été immédiatement vidé de son sang dans les cas évoqués : strangulation, mort sous les coups, sous l'effet d'une chute ou trouvé mort. Dans ces cas, la viande peut se corrompre très rapidement. Or, dans la coutume tribale ancestrale, on connaissait le risque d'empoisonnement qu'il y avait à consommer un animal encore en sang. Le type de consommation de la viande en Arabie consistait à égorger pour ensuite découper la viande en lanières que l'on mettait à sécher au soleil. La viande ainsi séchée pouvait être consommée sans problème. On retrouve cette coutume dans les jours du pèlerinage qui succèdent au sacrifice et qu'on appelle ayyâm al-tashrîq, sharraqa signifiant le fait de découper la viande des bêtes sacrifiées en lanières pour la mettre à sécher au soleil et la consommer plus tard. Cela se fait immédiatement après que l'animal ait été vidé de son sang pour éviter le pourrissement, la contamination et l'empoisonnement.
Le Coran ne fait que confirmer la pratique locale de la conservation des viandes à des fins de consommation, sans introduire de dimension spirituelle spécifique à la pratique de l’abattage dit rituel.
Un terme fait toute la différence dans le cas qui nous concerne : mawqûdha. La plupart des gens traduisent par « [la bête] assommée », comprenant dès lors que le Coran refuserait l’idée de tout étourdissement avant égorgement. Un retour au Lisân al-‘Arab, le dictionnaire le plus complet et le plus proche de la langue arabe du moment coranique, démontre que mawqûdha ne signifie pas « assommée » mais « morte à la suite de coups répétés ». L’interdiction de ce type de viande se justifie pleinement puisque la saignée n’aurait pas été effectuée avant le décès de l’animal pour rendre sa viande propre à la consommation – y compris selon les règles d’hygiène les plus contemporaines. Il n’est dès lors pas étonnant que les oulémas néo-zélandais aient pu arriver à la conclusion qu’une électronarcose ne pose pas de problème en soi si elle est réalisée dans des conditions idéales pour le bien-être animal.
Il semble donc que l’on est face à une véritable maldonne que n’hésitent malheureusement pas à entretenir certains entrepreneurs identitaires ou certains entrepreneurs (tout court) ayant de juteux intérêts financiers dans la consommation massive d’aliments prétendument « halal ».
Selon Rachid Benzine, l'interdiction de consommer l'animal déjà attaqué par un fauve (loup, lion d'Arabie, panthère d'Arabie, guépard) est certainement dans la continuité de la pratique locale. Elle se ramène sans doute au fait que l'animal n'a pas été immédiatement vidé de son sang dans les cas évoqués : strangulation, mort sous les coups, sous l'effet d'une chute ou trouvé mort. Dans ces cas, la viande peut se corrompre très rapidement. Or, dans la coutume tribale ancestrale, on connaissait le risque d'empoisonnement qu'il y avait à consommer un animal encore en sang. Le type de consommation de la viande en Arabie consistait à égorger pour ensuite découper la viande en lanières que l'on mettait à sécher au soleil. La viande ainsi séchée pouvait être consommée sans problème. On retrouve cette coutume dans les jours du pèlerinage qui succèdent au sacrifice et qu'on appelle ayyâm al-tashrîq, sharraqa signifiant le fait de découper la viande des bêtes sacrifiées en lanières pour la mettre à sécher au soleil et la consommer plus tard. Cela se fait immédiatement après que l'animal ait été vidé de son sang pour éviter le pourrissement, la contamination et l'empoisonnement.
Le Coran ne fait que confirmer la pratique locale de la conservation des viandes à des fins de consommation, sans introduire de dimension spirituelle spécifique à la pratique de l’abattage dit rituel.
Quelques considérations pour la route
1) Comme on peut le lire au travers du verset 5:3, le « halal » ne relève pas du domaine du sacré, mais de la simple licéité de consommation pour des questions essentiellement hygiéniques, confirmant les pratiques (‘urf, mar‘ûf) de l’époque préislamique. La saignée de l’animal ne sanctifie pas sa viande en quelque sorte. Elle revêt encore moins une quelconque dimension identitaire qui servirait à différencier le musulman du non musulman. Tous les habitants de Médine et de La Mecque, païens, musulmans et juifs consommaient leur viande de manière identique. Il est donc urgent de reconsidérer la notion de « halal » telle qu’elle est comprise et vécue par de nombreux musulmans vivant en contexte minoritaire, en particulier en Europe. Et ce d’autant que le surinvestissement émotionnel dans le « halal » suscite, en retour, un surinvestissement identitaire et émotionnel dans la consommation de porc et de ses dérivés ainsi que de l’alcool au sein de la population majoritaire non musulmane. Une réaction en chaîne d’actions et de contre actions identitaires autour des régimes alimentaires a été enclenchée. Il me semble urgent de la ramener à de justes proportions.
2) Quelle énergie convient-il encore de consacrer à l’organisation de la fête du sacrifice et du déploiement d’abattoirs temporaires ? La pratique du sacrifice est une affaire générationnelle qui tend progressivement à disparaître, les 2e et 3e générations n’ayant plus trop le goût à passer les jours de fêtes les mains dans les entrailles de mouton à préparer le méchoui familial. Les dons à l’étranger sont en augmentation et l’on peut parier que la tendance n’est pas prête de s’inverser. Les autorités communautaires n’auraient-elles pas intérêt à favoriser la transition en encourageant les dons plutôt que de soutenir à tout prix la pratique du sacrifice ?
3) D’une manière plus générale, ne conviendrait-il pas de s’interroger en profondeur – et sans tabou – sur le bien-être animal en général : ne pas se focaliser uniquement sur l’abattage rituel musulman (et juif), et décider de cesser les « accommodements raisonnables » culturels quand il s’agit des cuisses de grenouilles, de la cuisson des homards et du gavage des oies. Revoir en profondeur l’élevage intensif et les souffrances incommensurables que ces pratiques industrielles infligent aux animaux au seule titre de la rentabilité des investissements, les conditions de leur transport, les conditions réelles de l’abattage, y compris avec électronarcose, dans les abattoirs fixes commerciaux où il n’est pas rare que les animaux soient découpés alors que la narcose n’est plus opérante à 100 % car cela coûterait trop cher de les y soumettre une deuxième fois…
La liste est longue des conditions inhumaines et des humiliations qui sont infligées aux animaux pour satisfaire les besoins en viande d’une société de consommation et de gaspillage, qu’il soit halal, casher ou « philosophiquement neutre ».
Si à l’aune du prescrit coranique du respect de l’animal, quasi aucune viande labellisée « halal » ne l’est en vérité vu les conditions de sa production, la recherche du respect de l’environnement et de la vie en général ne devrait-elle pas pousser à une incitation à une consommation accrue de végétaux et à une diminution drastique de toute forme de régime carné ? Et cela vaut, bien entendu, pour l’ensemble de la société, étant compris qu’une telle remise en cause est simplement encore plus impérative pour celles et ceux qui se revendiquent porteur d’une éthique du respect de la Vie.
Au-delà d’un boycott pour se donner bonne conscience, ou de l’enfermement dans une halalattitude intransigeante, ce sont, à mon sens, quelques-unes des questions prioritaires que devraient se poser les oulémas d’Europe. Malheureusement, leur silence reste, lui, étourdissant.
****
Michael Privot est islamologue et directeur du Réseau européen contre le racisme (ENAR).
2) Quelle énergie convient-il encore de consacrer à l’organisation de la fête du sacrifice et du déploiement d’abattoirs temporaires ? La pratique du sacrifice est une affaire générationnelle qui tend progressivement à disparaître, les 2e et 3e générations n’ayant plus trop le goût à passer les jours de fêtes les mains dans les entrailles de mouton à préparer le méchoui familial. Les dons à l’étranger sont en augmentation et l’on peut parier que la tendance n’est pas prête de s’inverser. Les autorités communautaires n’auraient-elles pas intérêt à favoriser la transition en encourageant les dons plutôt que de soutenir à tout prix la pratique du sacrifice ?
3) D’une manière plus générale, ne conviendrait-il pas de s’interroger en profondeur – et sans tabou – sur le bien-être animal en général : ne pas se focaliser uniquement sur l’abattage rituel musulman (et juif), et décider de cesser les « accommodements raisonnables » culturels quand il s’agit des cuisses de grenouilles, de la cuisson des homards et du gavage des oies. Revoir en profondeur l’élevage intensif et les souffrances incommensurables que ces pratiques industrielles infligent aux animaux au seule titre de la rentabilité des investissements, les conditions de leur transport, les conditions réelles de l’abattage, y compris avec électronarcose, dans les abattoirs fixes commerciaux où il n’est pas rare que les animaux soient découpés alors que la narcose n’est plus opérante à 100 % car cela coûterait trop cher de les y soumettre une deuxième fois…
La liste est longue des conditions inhumaines et des humiliations qui sont infligées aux animaux pour satisfaire les besoins en viande d’une société de consommation et de gaspillage, qu’il soit halal, casher ou « philosophiquement neutre ».
Si à l’aune du prescrit coranique du respect de l’animal, quasi aucune viande labellisée « halal » ne l’est en vérité vu les conditions de sa production, la recherche du respect de l’environnement et de la vie en général ne devrait-elle pas pousser à une incitation à une consommation accrue de végétaux et à une diminution drastique de toute forme de régime carné ? Et cela vaut, bien entendu, pour l’ensemble de la société, étant compris qu’une telle remise en cause est simplement encore plus impérative pour celles et ceux qui se revendiquent porteur d’une éthique du respect de la Vie.
Au-delà d’un boycott pour se donner bonne conscience, ou de l’enfermement dans une halalattitude intransigeante, ce sont, à mon sens, quelques-unes des questions prioritaires que devraient se poser les oulémas d’Europe. Malheureusement, leur silence reste, lui, étourdissant.
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Michael Privot est islamologue et directeur du Réseau européen contre le racisme (ENAR).
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