Sur le vif

Abou Ghraïb: d'anciens prisonniers portent plainte contre des entreprises américaines

| Lundi 30 Juin 2008 à 22:59



Quatre Irakiens affirmant avoir été victimes de tortures dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb ont annoncé lundi à Istanbul avoir porté plainte devant la justice des Etats-Unis contre leurs tortionnaires supposés et les entreprises privées américaines qui les employaient. Les plaintes concernent Daniel E. Johnson et Tim Dugan, employés chargés des interrogatoires à la société CACI International, spécialisée dans la sécurité, ainsi qu'Adel Nakhla, un interprète de l'agence de traduction L3 (anciennement Titan Corp.), a affirmé à l'AFP William F. Gould, un des avocats des plaignants.
Elles devaient être déposées lundi devant des tribunaux du Maryland, de l'Ohio et de l'Etat de Washington, où résident actuellement les trois tortionnaires supposés, et devant une cour du Michigan, Etat dans lequel L3 a recruté la plupart de ses interprètes, selon M. Gould.
"Je pense que nous allons prouver lors des procès que ces gens étaient à Abou Ghraïb, où ils ont été impliqués dans une conspiration qui incluait la torture des plaignants dans cette affaire", a déclaré Me Gould, présent à Istanbul pour rencontrer ses clients venus spécialement d'Irak.
Arrêté en novembre 2003 dans sa maison de la banlieue de Bagdad, Suhail Najim Abdullah Al-Shimari, 49 ans, a passé plus d'un an à Abou Ghraïb, où il dit avoir subi des électrochocs, avoir passé une nuit entière sous une douche glacée en plein hiver, avoir été conduit nu et menotté dans une cellule de femmes prisonnières.
"Nous pensons qu'il y aura des gens là-bas aux Etats-Unis qui auront la volonté de nous rendre notre dignité et notre intégrité en amenant ces gens (les tortionnaires) devant la justice", a-t-il déclaré à l'AFP, selon la traduction en anglais de ses propos.
Sa'adon Ali Hameed Al-Ogaidi, 39 ans, interné à Abou Ghraïb de novembre 2003 à décembre 2004, affirme avoir été battu à de nombreuses reprises après avoir été attaché nu aux barreaux de portes.
"Par moment, il semblait qu'ils torturaient les gens pour s'amuser", a commenté l'ancien prisonnier, évoquant notamment des cas de sodomisation dont il dit avoir été le témoin.
Mohammed Abdwihed Towfek Al-Taee, chauffeur de taxi, 39 ans, a été arrêté en août 2003 à Tikrit, où il venait de déposer un client.
L'homme, qui a exhibé plusieurs cicatrices à la jambe et à la tête, a affirmé avoir été battu à coups de barre de fer avant d'être contraint à boire des litres d'eau jusque à ce qu'il vomisse du sang, son pénis enserré avec une cordelette pour l'empêcher d'uriner.
"J'aimerais être la dernière personnes à être détenue et torturée", a-t-il ajouté.
Des poursuites ont déjà été lancées par des Irakiens contre CACI et L3 en novembre 2007 devant un tribunal de Washington et en mai en Californie.
La prison d'Abu Ghraïb, fermée en 2006, est devenue mondialement célèbre après la publication en 2004 de photos montrant des détenus irakiens humiliés et maltraités par leurs gardiens américains, un scandale qui a conduit à la condamnation de onze soldats américains à des peines allant jusqu'à 10 ans de prison.
La justice militaire américaine a établi que les principaux sévices se sont produits fin 2003, quand des employés de CACI et Titan travaillaient dans la prison.