Ramadan

Abstinence ou surconsommation ? Le paradoxe du Ramadan

Rédigé par Ismaïl Mounir | Mardi 30 Mai 2017 à 08:55



« Globe » est une œuvre du plasticien Maarten Vanden Eynde, qui agrège sur le site d’un ancien dépotoir de village les rebuts de notre société de consommation en une sphère géante. Cette sculpture symbolise les enjeux écologiques auxquels nos contemporains ne sont pas suffisamment sensibles.
Le mois de Ramadan constitue à l’origine un mois d’adoration, de retour vers Dieu, de purification de l’âme, d’efforts spirituels, mais aussi d’abstinence, de délaissement des plaisirs du corps et de patience. Aujourd’hui, dans nos sociétés modernes telles qu’en France, il représente également une hausse de la consommation de la part des musulmans pratiquants. Ces derniers augmenteraient de 30 % leurs dépenses durant la période du Ramadan (source : Solis). Cela représente 350 millions d’euros de dépenses alimentaires pour ces ménages. Quel paradoxe !

Cette « consumérisation » du jeûne du mois béni de Ramadan soulève de sérieuses questions. En effet, avons-nous compris le sens de ce quatrième pilier de l’islam ? Avec une surconsommation, voire un gaspillage, des denrées alimentaires la nuit, pouvons-nous prétendre aux bénédictions de cette adoration sacrée que représente le jeûne le jour ? Au-delà de ces considérations, cette contradiction n’est-elle pas l’illustration que les musulmans de manière globale manquent cruellement du cœur de l’approche religieuse qui se focalise sur les finalités et les valeurs universelles ?

Comment pouvons-nous prétendre suivre la voie du Prophète ¬ prière et paix sur lui –, qui est, selon le Coran, « une miséricorde pour les mondes » (s. 21, v. 107), si nos modes de vie et de consommation contribuent à détruire la planète ? Le Coran nous informe que Dieu a créé l’homme pour être un gérant sur Terre : « Lorsque Ton Seigneur confia aux anges : “Je vais établir sur la terre un vicaire [khalîfa]”. Ils dirent : “Vas-Tu désigner quelqu’un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?” – Il dit : “En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas !” » (s. 2, v. 30). Depuis la Création divine, depuis Adam et jusqu’à nous, cette parole coranique indique qu’est attribuée aux êtres humains la responsabilité de la Terre en tant que garants et bons gestionnaires.

Le Livre de Dieu nous invite à délaisser l’excès et le gaspillage. « Mangez et buvez en commettant pas d’excès, car Dieu n’aime pas ceux qui commettent des excès » (s. 7, v. 31). « Ne gaspille pas indûment, car les gaspilleurs sont les frères du diable. Et le diable est très ingrat envers son Seigneur » (s. 17, v. 26-27). L’islam nous invite en temps normal à nous écarter de l’excès et du gaspillage, alors que dire du Ramadan ? C’est la juste mesure, la modération que notre noble religion nous propose d’adopter. Le jeûne invite à cultiver en nous la maitrise de soi, le contentement et la reconnaissance des bienfaits dont nous jouissons durant le reste de l’année et qui sont très nombreux.

Manger moins, manger mieux ! Le Coran insiste sur le fait de rechercher la nourriture pure. « Ô vous qui croyez ! Mangez de ces bonnes choses que Nous vous avons accordées ; et rendez grâce à Dieu, si c’est vraiment Lui que vous adorez ! » (s. 2, v. 172). La qualité des produits que nous mangeons est de plus en plus mauvaise pour la santé. La malbouffe, la junk food font des ravages. 50 % des Français souffrent de surpoids (source : Santé publique France, 2016), avec pour conséquences d’être affectés de nombreuses pathologies (maladies cardiovasculaires, diabète, dépression, cancer…).

Le Ramadan est l’école de la réforme par excellence. L’occasion nous est donnée de nous remettre en question et nous avons 30 jours pour prendre résolument de bonnes habitudes. Que ce mois soit une miséricorde pour notre santé, car le bien-être spirituel passe aussi par une bonne hygiène de vie.

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Fondateur de l’Institut Amine et président du Centre socioculturel islamique de Longjumeau, Ismaïl Mounir est l’auteur de Consumérisme et valeurs de l’islam (Éd. Albouraq, 2017).