Soupçonné de terrorisme, le physicien Adlène Hicheur est enfermé depuis plus de deux ans.
Depuis octobre 2009, Adlène Hicheur vit un cauchemar éveillé. Incarcéré en détention « provisoire » dans la prison de Fresnes, sans grand contact avec le monde extérieur, il va enfin pouvoir faire valoir sa version des faits lors de son procès ce jeudi 29 et ce vendredi 30 mars.
Son brillant parcours universitaire et professionnel en ferait rêver plus d’un. Après sa thèse soutenue en 2003 dans le LAPP, un des plus grands laboratoires de physique des particules français situé à Annecy-le-Vieux, il travaille trois ans, en qualité de postdoctorant, dans un autre grand institut de physique, près de l’université anglaise d’Oxford. C’est en 2006 qu’il rejoint la Suisse pour enseigner à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, tout en travaillant au Centre européen de la recherche nucléaire (CERN), à Genève. Une vie sans histoire comme celle que vivent des millions de citoyens français de confession musulmane.
Tout a basculé le 8 octobre 2009. Le physicien, alors âgé de 35 ans, est interpellé à Vienne, dans l’Isère, au domicile de ses parents et mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Des accusations graves lancées par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui affirme que le physicien se préparait à commettre un attentat sur le sol français, et plus exactement contre le 27e bataillon de chasseurs alpins d’Annecy (Rhône-Alpes), à Cran-Gevrier, chargé d'entraîner des militaires avant leur envoi en Afghanistan.
Son brillant parcours universitaire et professionnel en ferait rêver plus d’un. Après sa thèse soutenue en 2003 dans le LAPP, un des plus grands laboratoires de physique des particules français situé à Annecy-le-Vieux, il travaille trois ans, en qualité de postdoctorant, dans un autre grand institut de physique, près de l’université anglaise d’Oxford. C’est en 2006 qu’il rejoint la Suisse pour enseigner à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, tout en travaillant au Centre européen de la recherche nucléaire (CERN), à Genève. Une vie sans histoire comme celle que vivent des millions de citoyens français de confession musulmane.
Tout a basculé le 8 octobre 2009. Le physicien, alors âgé de 35 ans, est interpellé à Vienne, dans l’Isère, au domicile de ses parents et mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Des accusations graves lancées par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui affirme que le physicien se préparait à commettre un attentat sur le sol français, et plus exactement contre le 27e bataillon de chasseurs alpins d’Annecy (Rhône-Alpes), à Cran-Gevrier, chargé d'entraîner des militaires avant leur envoi en Afghanistan.
Des courriels pour seules « preuves »
Jean-Pierre Lees, président du comité de soutien à Adlène Hicheur.
Pour « preuves », des échanges de courriels sur un site jugé « islamiste » avec un certain Mustapha Debchi, présenté par l’accusation comme un responsable d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) vivant en Algérie, dans lequel M. Hicheur aurait accepté d'intégrer une « unité activant en France ». La défense reconnaît certes le caractère « contestable » des courriels mais elle affirme haut et fort qu’il n’a jamais eu l’intention de commettre un attentat, évoquant notamment des « manipulations » policières et des traductions arabe-français « tendancieuses ».
De plus, selon la défense, le prévenu a correspondu avec un « pseudo » rencontré via le forum d'un site et insiste sur le caractère « virtuel » des échanges. L’existence même de M. Debchi n’est pas avérée et les résultats de son prétendue audition en Algérie, confirmant selon la DCRI les accusations, se révèlent légers. « Les PV envoyés d’Algérie ne mentionnent aucune preuve de son identité, ni copie du passeport ou de la carte d’identité, ni même les questions qui lui ont été posées », affirme à Saphirnews Jean-Pierre Lees, président du comité de soutien, également directeur adjoint du LAPP avec qui M. Hicheur a travaillé.
« Il est étonnant que pour une accusation d’"association de malfaiteurs" M. Hicheur comparaisse seul et que M. Debchi, s’il existe, n’ait pas été mis en examen en Algérie ni poursuivi pour les mêmes faits qu’on reproche à notre client », nous indique une source proche de la défense.
Au bout de deux ans et demi d'enquête, « que reste-t-il ? Des échanges de mails. Mais tout cela est resté au stade de l'échange. (…) Il refuse tout, il n'accepte rien. Il n'y a jamais de sa part de début d'intention de mise en œuvre d'un projet précis terroriste. (…) On l'a présenté dès le départ comme le coupable idéal. La justice, lorsqu'elle s'emballe, a du mal à reconnaître ses erreurs », affirme son avocat Me Patrick Baudoin.
De plus, selon la défense, le prévenu a correspondu avec un « pseudo » rencontré via le forum d'un site et insiste sur le caractère « virtuel » des échanges. L’existence même de M. Debchi n’est pas avérée et les résultats de son prétendue audition en Algérie, confirmant selon la DCRI les accusations, se révèlent légers. « Les PV envoyés d’Algérie ne mentionnent aucune preuve de son identité, ni copie du passeport ou de la carte d’identité, ni même les questions qui lui ont été posées », affirme à Saphirnews Jean-Pierre Lees, président du comité de soutien, également directeur adjoint du LAPP avec qui M. Hicheur a travaillé.
« Il est étonnant que pour une accusation d’"association de malfaiteurs" M. Hicheur comparaisse seul et que M. Debchi, s’il existe, n’ait pas été mis en examen en Algérie ni poursuivi pour les mêmes faits qu’on reproche à notre client », nous indique une source proche de la défense.
Au bout de deux ans et demi d'enquête, « que reste-t-il ? Des échanges de mails. Mais tout cela est resté au stade de l'échange. (…) Il refuse tout, il n'accepte rien. Il n'y a jamais de sa part de début d'intention de mise en œuvre d'un projet précis terroriste. (…) On l'a présenté dès le départ comme le coupable idéal. La justice, lorsqu'elle s'emballe, a du mal à reconnaître ses erreurs », affirme son avocat Me Patrick Baudoin.
La lutte anti-terroriste et ses dérives
« La justice antiterroriste reste une justice d'exception qui ignore largement, et c'est peu de le dire, les droits de la défense et piétine un certain nombre de nos principes », a déploré le président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme (LDH), Michel Tubiana, lors d'une conférence de presse donnée le 15 mars.
Pour Me Baudoin, l'affaire Hicheur est « emblématique des dérives de la lutte antiterroriste », dont les Arabo-musulmans – ou ceux qui paraissent l’être – sont les premières victimes. Il existe déjà « un arsenal législatif sans qu'on ait recours à cette justice d'exception (...) qui s'avère contre-productive et a pour effet principal de radicaliser ceux qu'on veut poursuivre ou leur entourage », a-t-il déclaré.
Enfermé sur la base de simples soupçons, M. Hicheur n’a bénéficié jusque-là d’aucune remise en liberté depuis plus de deux ans. Malgré le peu d’éléments dont l’accusation dispose, toutes ses demandes ont été rejetées sans qu’aucun élément matériel tangible soit venu étayer les accusations dont il fait l’objet, selon son comité de soutien qui juge la détention abusive et injustifiable. La présomption d’innocence ne semble pas avoir de valeur dès lors que l’accusé est jugé « coupable » d’être musulman et de surcroît d’origine maghrébine, en l’occurrence algérienne.
Pour Me Baudoin, l'affaire Hicheur est « emblématique des dérives de la lutte antiterroriste », dont les Arabo-musulmans – ou ceux qui paraissent l’être – sont les premières victimes. Il existe déjà « un arsenal législatif sans qu'on ait recours à cette justice d'exception (...) qui s'avère contre-productive et a pour effet principal de radicaliser ceux qu'on veut poursuivre ou leur entourage », a-t-il déclaré.
Enfermé sur la base de simples soupçons, M. Hicheur n’a bénéficié jusque-là d’aucune remise en liberté depuis plus de deux ans. Malgré le peu d’éléments dont l’accusation dispose, toutes ses demandes ont été rejetées sans qu’aucun élément matériel tangible soit venu étayer les accusations dont il fait l’objet, selon son comité de soutien qui juge la détention abusive et injustifiable. La présomption d’innocence ne semble pas avoir de valeur dès lors que l’accusé est jugé « coupable » d’être musulman et de surcroît d’origine maghrébine, en l’occurrence algérienne.
Adlène Hicheur, nouvelle victime de l’après-Toulouse ?
Son procès ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Après les drames de Toulouse et de Montauban, la DCRI, qui disait surveiller Mohamed Merah depuis plusieurs années, n’est pas prête à faire marche arrière dans ses accusations contre M. Hicheur et à « perdre la face », nous indique la défense.
Bernard Squarcini, chef de la DCRI, et Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale (DGPN), sont partis pour le présenter auprès du tribunal comme un « Mohamed Merah » que l'antiterrorisme a su arrêter à temps.
Le procès, programmé quelques jours après les annonces de Nicolas Sarkozy appelant à réprimer sévèrement toute personne consultant régulièrement « des sites Internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence », fait craindre le pire. Une volonté politique impossible à réaliser juridiquement : comment distinguer les curieux des journalistes ou des pseudo-« djihadistes » que Sarkozy veut désormais traquer ?
Adlène Hicheur encourt aujourd’hui dix ans de prison. M. Lees se dit « inquiet » d’une telle condamnation « sans raison valable » mais, « en même temps, tout le monde verra bien que ces deux affaires (Merah/Hicheur, ndlr) n'ont strictement rien à voir. Celui qui aurait dû être surveillé ne l'a pas été et a eu tout loisir de s'armer et de commettre ses méfaits, celui qui n'avait aucune raison d'être arrêté a été maintenu en détention provisoire pendant deux ans et demi sans aucune raison valable ».
Bernard Squarcini, chef de la DCRI, et Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale (DGPN), sont partis pour le présenter auprès du tribunal comme un « Mohamed Merah » que l'antiterrorisme a su arrêter à temps.
Le procès, programmé quelques jours après les annonces de Nicolas Sarkozy appelant à réprimer sévèrement toute personne consultant régulièrement « des sites Internet qui font l'apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence », fait craindre le pire. Une volonté politique impossible à réaliser juridiquement : comment distinguer les curieux des journalistes ou des pseudo-« djihadistes » que Sarkozy veut désormais traquer ?
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Lire aussi :
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