Confiée aux députés Isabelle Florennes et Ludovic Mendès en décembre 2021, la mission ministérielle de lutte contre les actes antireligieux a rendu ses conclusions à moins d’un mois de l’élection présidentielle. Elle devait contribuer à mieux comprendre le phénomène et à présenter des propositions pour mieux recenser, prévenir et punir.
Avec l’absence d’une « qualification pénale autonome » qui englobe l’ensemble des faits antireligieux et complique le recensement, les deux parlementaires ont d’abord tenu à commencer leur rapport par une clarification de ce qu'est un acte antireligieux : « un acte ciblant une personne en raison de son appartenance réelle ou supposée à une religion, ou un bien en raison de sa dimension cultuelle ». Ils précisent au passage qu’il faut « bien distinguer les actes antireligieux des propos contre la religion, qui relèvent de la liberté d’expression ».
« Les actes antireligieux sont une manifestation de la montée de la violence dans la société », expliquent-ils. Une violence « qui touche à la liberté de conscience, de culte, de réflexion, d’engagement de chaque individu. Des cimetières sont profanés, des legs précieux de notre héritage culturel sont pris pour cible ».
Avec l’absence d’une « qualification pénale autonome » qui englobe l’ensemble des faits antireligieux et complique le recensement, les deux parlementaires ont d’abord tenu à commencer leur rapport par une clarification de ce qu'est un acte antireligieux : « un acte ciblant une personne en raison de son appartenance réelle ou supposée à une religion, ou un bien en raison de sa dimension cultuelle ». Ils précisent au passage qu’il faut « bien distinguer les actes antireligieux des propos contre la religion, qui relèvent de la liberté d’expression ».
« Les actes antireligieux sont une manifestation de la montée de la violence dans la société », expliquent-ils. Une violence « qui touche à la liberté de conscience, de culte, de réflexion, d’engagement de chaque individu. Des cimetières sont profanés, des legs précieux de notre héritage culturel sont pris pour cible ».
La sous-estimation d’un phénomène d’une « gravité croissante »
Au total, 1659 actes antireligieux ont été recensés en France au cours de l’année 2021 : 857 ont été dirigés contre des chrétiens, 589 contre des juifs et 213 contre des musulmans. Dans le détail, si les faits antimusulmans sont en nombre inférieur à ceux visant les autres religions, ils sont en forte augmentation par rapport à 2019 : + 38 %, sachant que l’année 2020 n’a pas été prise en compte en raison de la crise sanitaire. Concrètement, ces faits se traduisent par « des atteintes médiatiques contre les mosquées et les lieux de rassemblement des croyants musulmans. Les menaces et insultes s’adressant directement aux membres de la communauté sont également persistantes ».
« Ces chiffres sont très certainement une sous-estimation, du fait de la non-systématicité de dépôt de plaintes par les victimes, du caractère souvent multifactoriel des atteintes et de l’absence d’interlocuteur du SORT (le Service central du renseignement territorial, ndlr) du côté du culte musulman », souligne le rapport. Ces chiffres constituent néanmoins « une source précieuse pour analyser les tendances ».
Ces faits antireligieux s’inscrivent dans un environnement de plus en plus violent, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), qui a enregistré 12 500 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux en 2021, d’après une synthèse publiée mi-mars par la Direction de l’information légale et administrative rattachée à Matignon.
Dans le détail, il y a eu 6 300 crimes ou délits (+ 13% par rapport à 2019) et 6 200 contraventions (+ 26 %). Des statistiques qui pourraient être fortement sous-évaluées si l’on tient compte qu’une enquête réalisée sur la période 2013-2018 avait révélé que seules 25 % des victimes de menaces ou violences physiques racistes et 5 % des victimes d’injures racistes avaient déclaré avoir déposé plainte.
« Ces chiffres sont très certainement une sous-estimation, du fait de la non-systématicité de dépôt de plaintes par les victimes, du caractère souvent multifactoriel des atteintes et de l’absence d’interlocuteur du SORT (le Service central du renseignement territorial, ndlr) du côté du culte musulman », souligne le rapport. Ces chiffres constituent néanmoins « une source précieuse pour analyser les tendances ».
Ces faits antireligieux s’inscrivent dans un environnement de plus en plus violent, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI), qui a enregistré 12 500 infractions à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux en 2021, d’après une synthèse publiée mi-mars par la Direction de l’information légale et administrative rattachée à Matignon.
Dans le détail, il y a eu 6 300 crimes ou délits (+ 13% par rapport à 2019) et 6 200 contraventions (+ 26 %). Des statistiques qui pourraient être fortement sous-évaluées si l’on tient compte qu’une enquête réalisée sur la période 2013-2018 avait révélé que seules 25 % des victimes de menaces ou violences physiques racistes et 5 % des victimes d’injures racistes avaient déclaré avoir déposé plainte.
Une lutte qui passe par des actions renforcées de prévention
Sur les onze propositions à court, moyen et plus long terme présentées par les deux députés, plusieurs mettent l’accent sur la prévention. En 2020, 2 560 lieux chrétiens, 1 130 sites musulmans et 830 lieux juifs ont bénéficié d’une surveillance. « Les services de l’Etat font preuve d’une réelle mobilisation, qui pourrait souvent être davantage connue », souligne le rapport, qui devrait être remis en mains propres au Premier ministre Jean Castex dans les prochains jours.
Il s’agit en premier lieu de « continuer l’effort de sécurisation des lieux cultuels » et des grands évènements religieux sur la voie publique à travers notamment l’accroissement du programme K du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), « accompagné d’une démarche d’aller-vers et d’accompagnement des préfectures ». En 2021, il était crédité de cinq millions d’euros et a été intégralement utilisé pour financer 193 projets de sécurisation de sites à caractère cultuel, dont 104 pour la communauté juive (3,6 millions d’euros), 54 pour la communauté chrétienne (826 000 euros) et 35 pour la communauté musulmane (506 000 euros).
« Les cultes sont diversement organisés pour en bénéficier », fait-on savoir. « Le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) fait un énorme travail en amont pour accompagner les communautés dans la constitution des dossiers et faire l’interface avec le CIPDR. (…) Un tel dispositif fait en particulier totalement défaut à la communauté musulmane, ce qui est d’autant plus regrettable qu’il participe de la bonne connaissance du fonds auprès des communautés locales. En 2021, seules 21 % des sollicitations de financements ont émané de la communauté musulmane. » Le programme K est « insuffisamment connu », insistent les parlementaires. « Ce constat appelle une communication nationale et territoriale plus poussée, sur le modèle de ce qui a été fait dans le Rhône. »
Lire aussi : Vers la création d’une organisation de lutte contre l’islamophobie avec le FORIF ?
Il s’agit en premier lieu de « continuer l’effort de sécurisation des lieux cultuels » et des grands évènements religieux sur la voie publique à travers notamment l’accroissement du programme K du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), « accompagné d’une démarche d’aller-vers et d’accompagnement des préfectures ». En 2021, il était crédité de cinq millions d’euros et a été intégralement utilisé pour financer 193 projets de sécurisation de sites à caractère cultuel, dont 104 pour la communauté juive (3,6 millions d’euros), 54 pour la communauté chrétienne (826 000 euros) et 35 pour la communauté musulmane (506 000 euros).
« Les cultes sont diversement organisés pour en bénéficier », fait-on savoir. « Le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) fait un énorme travail en amont pour accompagner les communautés dans la constitution des dossiers et faire l’interface avec le CIPDR. (…) Un tel dispositif fait en particulier totalement défaut à la communauté musulmane, ce qui est d’autant plus regrettable qu’il participe de la bonne connaissance du fonds auprès des communautés locales. En 2021, seules 21 % des sollicitations de financements ont émané de la communauté musulmane. » Le programme K est « insuffisamment connu », insistent les parlementaires. « Ce constat appelle une communication nationale et territoriale plus poussée, sur le modèle de ce qui a été fait dans le Rhône. »
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Mieux réprimer les actes antireligieux sur le Net
Dans le Rhône, le dispositif « Vigidel 69 » de la gendarmerie nationale utilise une messagerie électronique pour permettre aux commerçants et chefs d’entreprise de prévenir de « tout phénomène délictuel local » et de « les sensibiliser sur les mesures à prendre pour mieux se protéger ». Les responsables de lieux de culte du département intégrés dans le dispositif peuvent désormais recevoir des alertes. En Alsace, un réseau de « Veilleurs de Mémoire » regroupe depuis 2019 80 bénévoles qui surveillent plus de la moitié des lieux de sépulture de la région.
« Les représentants et des fidèles des cultes sont un maillon essentiel de la chaîne de prévention », indique le rapport. C'est pourquoi la mission « recommande fortement à tous les cultes de nommer un référent sécurité dans chaque département, qui fera l’interface avec les services de l’État », comme c'est le cas dans le Rhône où un référent sécurité a été récemment désigné par le diocèse et un autre par le Conseil des mosquées du département.
Au terme des entretiens, « la mission rejoint le constat des cultes qui ne demandent pas de nouvelle qualification pénale », pas nécessaire en l’état du droit actuel qui convient à tous. Toutefois, « les efforts doivent être poursuivis pour que les qualifications pénales actuelles soient effectivement et systématiquement appliquées tout au long de la chaîne judiciaire, et le droit appliqué ».
Autre piste, mieux connaître, prévenir et réprimer les actes antireligieux sur le Net, « un nouveau front majeur de la lutte » contre ce phénomène. Outre le renforcement de la plateforme Pharos et du pôle du tribunal judiciaire de Paris spécialisé dans la lutte
contre la haine en ligne, la mission recommande de réactiver l’Observatoire de la haine en ligne de l’autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Prévu à l’article 16 de la loi du 24 juin 2020, il a été lancé mais son activité s’est arrêtée début 2022 après la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) qui a présidé à la naissance de l’ARCOM.
Les auteurs appellent à l’instauration « de règles claires et simples » et au recrutement en nombre suffisant de modérateurs sur les plateformes numériques. « Les progrès au fil des ans sont réels, mais les auditions et déplacements nous ont confirmé qu’il reste énormément à faire », affirme le rapport, qui rappelle que la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République introduit une procédure civile en référé permettant de faire retirer un contenu illicite.
« Les représentants et des fidèles des cultes sont un maillon essentiel de la chaîne de prévention », indique le rapport. C'est pourquoi la mission « recommande fortement à tous les cultes de nommer un référent sécurité dans chaque département, qui fera l’interface avec les services de l’État », comme c'est le cas dans le Rhône où un référent sécurité a été récemment désigné par le diocèse et un autre par le Conseil des mosquées du département.
Au terme des entretiens, « la mission rejoint le constat des cultes qui ne demandent pas de nouvelle qualification pénale », pas nécessaire en l’état du droit actuel qui convient à tous. Toutefois, « les efforts doivent être poursuivis pour que les qualifications pénales actuelles soient effectivement et systématiquement appliquées tout au long de la chaîne judiciaire, et le droit appliqué ».
Autre piste, mieux connaître, prévenir et réprimer les actes antireligieux sur le Net, « un nouveau front majeur de la lutte » contre ce phénomène. Outre le renforcement de la plateforme Pharos et du pôle du tribunal judiciaire de Paris spécialisé dans la lutte
contre la haine en ligne, la mission recommande de réactiver l’Observatoire de la haine en ligne de l’autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Prévu à l’article 16 de la loi du 24 juin 2020, il a été lancé mais son activité s’est arrêtée début 2022 après la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) qui a présidé à la naissance de l’ARCOM.
Les auteurs appellent à l’instauration « de règles claires et simples » et au recrutement en nombre suffisant de modérateurs sur les plateformes numériques. « Les progrès au fil des ans sont réels, mais les auditions et déplacements nous ont confirmé qu’il reste énormément à faire », affirme le rapport, qui rappelle que la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République introduit une procédure civile en référé permettant de faire retirer un contenu illicite.
L’éducation au fait religieux mise sur la table
Isabelle Florennes et Ludovic Mendès à l'IFCM de Lyon.
Les parlementaires souhaitent aussi que des efforts soient faits pour « mieux éduquer au fait religieux et réaffirmer ce qu’est le principe de laïcité » en s’appuyant pour cela sur les ressources associatives et de la société civile en général. « Les initiatives telles que l’Institut culturel du judaïsme ou l’Institut français de civilisation musulmane à Lyon, le conventionnement entre des associations et des collectivités ou les visites de lieux de culte ou de lieux de mémoire par des élèves, gagneraient à être développés sur tout le territoire », précisent-ils.
« De façon encore plus structurelle », ils préconisent une évolution des programmes scolaires afin de « davantage intégrer l’enseignement laïc du fait religieux, de manière à ce que la thématique traverse les matières (histoire, lettres, art…) de façon cohérente ». « Il faut réaffirmer aussi que la laïcité ne signifie pas reléguer la religion à l’espace privé, et que l’esprit de la loi d’Aristide Briand était une "République apaisée". »
Dans une dernière recommandation, les rapporteurs estiment qu’« une réflexion approfondie paraît essentielle sur le financement de la construction de nouveaux lieux de cultes. Une piste serait d'abaisser la TVA sur les constructions et d’exonérer totalement ces projets de la taxe d’aménagement », et ce « dans le prolongement de la loi confortant le principe des respects de la République qui doit continuer à être expliquée et appliquée ». A leurs yeux, « la bonne relation globale entre les cultes et la puissance publique passera aussi par une réponse apportée aux enjeux qu’ils soulèvent, au-delà des actes antireligieux ».
Lire aussi :
Vœux de l’Elysée aux religions : une année charnière pour une nouvelle organisation de l'islam de France
Les actes antimusulmans en hausse en 2021, une mission contre les actes antireligieux lancée
« De façon encore plus structurelle », ils préconisent une évolution des programmes scolaires afin de « davantage intégrer l’enseignement laïc du fait religieux, de manière à ce que la thématique traverse les matières (histoire, lettres, art…) de façon cohérente ». « Il faut réaffirmer aussi que la laïcité ne signifie pas reléguer la religion à l’espace privé, et que l’esprit de la loi d’Aristide Briand était une "République apaisée". »
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