Salamnews : Dans quelle mesure vous reconnaissez-vous dans le personnage de Samy Diakhaté ?
Ahmed Sylla : L’Ascension raconte beaucoup de choses de ma vie personnelle. J’ai grandi dans une cité sensible de Nantes : Les Dervallières. Elle a son lot de délinquance, de bâtiments enclavés… Le film fait écho à des passages de ma vie, notamment dans cette volonté du personnage d’aller vers son objectif et de s’en donner les moyens. Je ressemble beaucoup à Samy Diakhaté.
Au-delà de cela, j’ai grandi dans des écoles privées catholiques. J’y ai fait le primaire, le collège et le lycée jusqu’à ce que je redouble ma 1re. Ma mère voulait nous inculquer une éducation et qu’on ait les meilleures armes pour s’en sortir dans la vie. Même si cela devait passer par des écoles qui étaient les plus chères de Nantes, là où une place importante était accordée à l’éducation et à la discipline.
Au-delà de cela, j’ai grandi dans des écoles privées catholiques. J’y ai fait le primaire, le collège et le lycée jusqu’à ce que je redouble ma 1re. Ma mère voulait nous inculquer une éducation et qu’on ait les meilleures armes pour s’en sortir dans la vie. Même si cela devait passer par des écoles qui étaient les plus chères de Nantes, là où une place importante était accordée à l’éducation et à la discipline.
Comment Samba Kanté, producteur du « Samba Show », vous repère-t-il ?
Ahmed Sylla : Il me repère sur Internet vers 2010, grâce à une vidéo que j’ai mise sur Facebook pendant la période du Ramadan. J’imitais Nicolas Sarkozy et cela a fait un buzz. Samba Kanté m’a proposé de faire des sketchs. Je n’en avais jamais écrits alors. Je me croyais intelligent et je me faisais appeler Ahmed Sarko [grimace]. Voilà, je suis arrivé tout naïvement, il n’y a pas eu de déclic.
Comment expliquez-vous ce succès dans « On n’demande qu’à en rire » ?
Ahmed Sylla : C’est de l’ordre du divin, je ne saurais pas l’expliquer ! J’ai beaucoup travaillé pour que cela marche. Quand on m’a donné la chance de passer à la télévision pour faire des sketchs, je me suis bougé. Je suis arrivé avec des choses pas toujours préparées, mais j’avais à cœur de plaire et de bien faire.
Vous avez réussi à séduire Catherine Barma et Laurent Ruquier par vos sketchs.
Ahmed Sylla : Ils avaient envie de m’aider car ils voyaient que je pouvais aller plus loin que ce que je proposais. C’était un peu amateur au début. Je me suis fait aider par Sacha Judaszko, notamment, qui m’a aidé à écrire mes textes. Ils avaient envie que je réussisse, je le sentais.
Qu’avez-vous retiré de votre rencontre avec Nadir Dendoune, premier franco-algérien à avoir gravi l’Everest et qui a inspiré le film ?
Ahmed Sylla : C’est un gentil fou, un mec hyper téméraire, très courageux et insaisissable. Nadir Dendoune est là où tu ne l’attends pas et je pense que c’est cela qui le motive dans la vie. Il a été assez fou pour gravir l’Everest. J’ai juste conservé l’aspect humain de la rencontre. Ce n’est pas Nadir le personnage que j’ai joué. On a gardé beaucoup de choses de son aventure au Népal, mais le film raconte avant tout l’histoire d’un mec amoureux. Il m’a cependant vraiment touché avec sa volonté de faire quelque chose de sa vie.
Son militantisme vous parle ?
Ahmed Sylla : Je ne saurais répondre. Il y a des gens qui ont une parole engagée et parlent très bien comme Nadir Dendoune ou Jamel Debbouze quand il incite au vote mais, moi, je ne m’en sens pas capable. En tout cas, pas pour l’instant. Je n’ai pas envie d’être un étendard. On me dit que, dans le film, il y a des messages d’espoir. Je me mets derrière ce personnage du film et, s’il vous touche, je n’ai pas besoin de venir enfoncer le clou et dire : « Bougez-vous. » Peut-être que je le ferai à 35-40 ans et que j’aurai cette envie de faire bouger les choses. On sait que je viens d’un quartier, que je suis Noir, où j’en suis aujourd’hui et ce que j’ai fait pour y arriver. C’est ma manière à moi de militer.
Et si, dans trois mois, Marine Le Pen est élue ?
Ahmed Sylla : Oui, peut-être que si ça change brutalement le cours de l’Histoire et notre manière de vivre : dans un cas extrême, peut-être que j’arrêterais de faire du cinéma et serais un militant. Aujourd’hui, quand on me demande de parrainer une association, je refuse. Et ce n’est pas parce que je ne me sens pas concerné par les enfants malades. Par exemple, j’ai donné de ma personne pour l’association Cékedubonheur, j’ai été à leur rencontre. Si je fais une action, ce n’est pas pour les médias ni pour me mettre en valeur. Je ne critique pas ceux qui le font, mais ce n’est pas ma vision des choses, je reste très discret.
Dans le making-of du film, on vous voit communier avec des orphelins népalais.
Ahmed Sylla : Ludovic Bernard, le réalisateur, tenait à ce qu’on visite un orphelinat et je ne pouvais pas lui dire non. C’était une leçon de vie, comme lorsque je fais Cékedubonheur. Je m’attendais à voir des enfants tristes et, à chaque fois, je suis bluffé parce qu’ils dégagent de la force. Si tu m’enlèves mes parents, je ne pense pas que tu vas me revoir sourire avant un bon moment. On a tenu à les intégrer dans le film et ce sont eux que l’on voit autour de moi dans une scène.
D’où vient votre relatif bon niveau d’arabe ?
Ahmed Sylla : Tout simplement de mes vacances au Maroc. Je suis mort de rire quand je vois sur les réseaux sociaux des gens qui pensent que je suis Marocain ! Et j’ai fait l’école arabe quand j’étais plus jeune. J’aime bien parler les langues. Quand j’étais au Maroc pendant deux mois, j’ai appris quelques phrases en demandant à des potes quelques traductions. Après, j’essaye de mettre le bon accent. Mais, normalement, un magicien ne raconte pas ses tours de magie !
Quelles sont vos véritables origines alors ?
Ahmed Sylla : Je suis wolof. Ma mère avait un grand-père libanais et un père mauritanien-sénégalais. Mon père est Casamançais, il parle le mandingue.
Quelle place a la spiritualité dans votre vie ?
Ahmed Sylla : J’ai un rapport à la religion qui est hyper pudique. Je ne parle jamais de ma religion dans les médias. J’ai une spiritualité qui m’aide beaucoup au quotidien. Je sens que j’ai besoin de Dieu pour me guider tous les jours.
Cela fait partie de ma culture, je suis Sénégalais donc musulman, même s’il y a aussi des chrétiens avec qui il y a une bonne coexistence au Sénégal. Quand je parle de Dieu, c’est comme si je me mettais à nu. Aujourd’hui, la spiritualité, j’en ai besoin plus qu’hier. Je me raccroche à des choses plus essentielles comme ce rapport à Dieu. Je suis très croyant.
Je me demande comment des gens qui ont grandi au fin fond de la campagne peuvent avoir une autre image de l’islam que celle qui est retranscrite à la télévision. Je m’interroge sur ce que je peux faire pour empêcher les gens de faire l’amalgame.
Cela fait partie de ma culture, je suis Sénégalais donc musulman, même s’il y a aussi des chrétiens avec qui il y a une bonne coexistence au Sénégal. Quand je parle de Dieu, c’est comme si je me mettais à nu. Aujourd’hui, la spiritualité, j’en ai besoin plus qu’hier. Je me raccroche à des choses plus essentielles comme ce rapport à Dieu. Je suis très croyant.
Je me demande comment des gens qui ont grandi au fin fond de la campagne peuvent avoir une autre image de l’islam que celle qui est retranscrite à la télévision. Je m’interroge sur ce que je peux faire pour empêcher les gens de faire l’amalgame.
Les religions ne sont pas toujours bienvenues dans le monde de l’humour, cela créé-t-il parfois des tensions ?
Ahmed Sylla : Sans faire de démagogie, je n’ai jamais ressenti un début de conflit. Mes valeurs, mes convictions et mon éducation font qu’il y a certaines choses qui me gênent. Par exemple, je ne me permettrais pas de faire des vannes sexuelles ou en dessous de la ceinture. Non pas que je n’en suis pas capable, mais je veux que ma mère puisse voir mon spectacle et qu’elle soit fière de moi. Je ne parle pas de religion dans mes sketchs, parce que je suis très pudique et que je n’ai pas envie de blesser les gens.
BIO EXPRESS
Né à Nantes (Loire-Atlantique) le 10 mars 1990, Ahmed Sylla se définit comme comédien-humoriste. À 20 ans, alors qu’il suit un BTS commerce international, il est renvoyé pour des problèmes de discipline. Il en profite pour monter à Paris et tenter sa chance dans le domaine du stand-up. Ses imitations de Nicolas Sarkozy font fureur sur le Net et il se fait appeler Ahmed Sarko dans les soirées du « Samba Show » au Cabaret sauvage.
En 2011, il se fait connaitre du grand public grâce à ses apparitions dans le télécrochet « On n’demande qu’à rire » sur France 2. Il effectue une quarantaine de sketchs en deux ans, où il incarne une grande diversité de personnages. En 2012, il présente « À mes délires ! », son premier one-man-show. Un deuxième spectacle intitulé « Avec un grand A » suit en 2014. La même année, il joue au cinéma le rôle d’un footballeur dans Goal of the Dead, un film d’horreur. Le 25 janvier 2016 sort L’Ascension, où il incarne Samy Diakhaté, un banlieusard qui décide de grimper l’Everest par amour. Le film remporte le prix du public et le prix spécial du jury au festival de l’Alpe d’Huez 2016.
Les 24 et 25 décembre prochain, il jouera son spectacle « Ahmed Sylla avec un grand A » à l’Olympia.
Né à Nantes (Loire-Atlantique) le 10 mars 1990, Ahmed Sylla se définit comme comédien-humoriste. À 20 ans, alors qu’il suit un BTS commerce international, il est renvoyé pour des problèmes de discipline. Il en profite pour monter à Paris et tenter sa chance dans le domaine du stand-up. Ses imitations de Nicolas Sarkozy font fureur sur le Net et il se fait appeler Ahmed Sarko dans les soirées du « Samba Show » au Cabaret sauvage.
En 2011, il se fait connaitre du grand public grâce à ses apparitions dans le télécrochet « On n’demande qu’à rire » sur France 2. Il effectue une quarantaine de sketchs en deux ans, où il incarne une grande diversité de personnages. En 2012, il présente « À mes délires ! », son premier one-man-show. Un deuxième spectacle intitulé « Avec un grand A » suit en 2014. La même année, il joue au cinéma le rôle d’un footballeur dans Goal of the Dead, un film d’horreur. Le 25 janvier 2016 sort L’Ascension, où il incarne Samy Diakhaté, un banlieusard qui décide de grimper l’Everest par amour. Le film remporte le prix du public et le prix spécial du jury au festival de l’Alpe d’Huez 2016.
Les 24 et 25 décembre prochain, il jouera son spectacle « Ahmed Sylla avec un grand A » à l’Olympia.
Première parution de l'article dans Salamnews, n° 61, février-mars 2016.
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