Points de vue

Aïd al-Adha 2020 : face au Covid-19, les recommandations du CFCM

Aïd el-Kébir 1441/2020

Rédigé par Saphirnews | Lundi 20 Juillet 2020 à 08:00

Le Conseil français du culte musulman a adressé aux musulmans de France ses préconisations quant à la célébration de l'Aïd al-Adha 1441/2020, qui se déroule cette année dans un contexte de crise sanitaire liée au nouveau coronavirus. Voici plus bas l'avis détaillé de l'instance qu'elle a adressé à ses antennes régionales, résumé aussi ici.




I. Port du masque, distanciation physique et gestes barrières

La fête de l’Aïd al-Adha, qui débutera très probablement le 31 juillet 2020, est l’occasion de grands rassemblements tels la prière de l’Aïd, l'acte sacrificiel dans les abattoirs, les les repas familiaux, et pour cette année la prière du vendredi.

Lire aussi : Quelle date pour l’Aïd al-Adha 1441/2020 en France ?

- Le décret n° 2020-884 du 17 juillet 2020 a étendu la liste des établissements recevant du public (ERP) dans lesquels le port du masque de protection est obligatoire pour toute personne âgée de 11 ans et plus, incluant les établissements de divers cultes, établissements sportifs couverts, établissements de plein air, chapiteaux, tentes et structures toile. Le port du masque pour toute personne âgée de 11 ans et plus reste, par ailleurs, obligatoire dans les transports.

- Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène et de distanciation physique, d’au moins un mètre entre deux personnes, dites « barrières », doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. Toutefois, cette distanciation n’est pas obligatoire entre les personnes appartenant au même foyer.

- La sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire, à compter du 10 juillet 2020 à minuit jusqu’au 30 octobre 2020, ne signifie nullement la fin de la pandémie de Covid-19. Il s’agit tout simplement de la levée progressive du régime d’exception instauré par la loi du 23 mars 2020 qui permettait au gouvernement notamment de limiter certaines libertés : liberté d'aller et venir, liberté d'entreprendre et liberté de réunion ainsi que des mesures d'interdiction de déplacement hors du domicile.

- L'interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes est toujours en vigueur.

- Nous savons que dans le contexte actuel tout rassemblement est une situation à risques et que de nombreux foyers de contamination (clusters) se sont déclarés autour des abattoirs. C'est dire que l'extrême vigilance doit donc être notre devise tout au long de cette joyeuse fête. Se protéger mutuellement restera notre devoir premier.

Aussi, le CFCM rappelle que :

- La prière de l'Aïd al-Adha et la prière du vendredi ne doivent pas réunir plus de 5000 personnes même lorsque celles-ci sont organisées dans des espaces non fermés de type plein air.

- Éviter les embrassades et se saluer sans contact.

- Le port du masque pour toute personne âgée de 11 ans et plus ainsi que la distanciation physique d’un mètre entre deux personnes sont obligatoires en tout lieu et en toute circonstance.

- Ces recommandations, élaborées sur la base des connaissances disponibles à la date de publication de cet avis (19/07/2020), peuvent évoluer en fonction de l’actualisation des connaissances et des données épidémiologiques.

II. Une fête de sacrifice et de partage

Cette fête, la plus importante du calendrier musulman, commémore l’œuvre et le sacrifice du Prophète Abraham (Ibrahim) et son fils Ismaïl, Paix et Bénédictions soient sur eux, touchés par la Miséricorde divine à la suite d'une épreuve manifeste (voir Coran 37. 102-109) : « Mon cher fils ! J'ai vu en songe que je t'immolais. Vois ce qu'il y a lieu de faire ! » – « Père , dit l'enfant, fais ce qui t'est ordonné. Tu verras, s'il plaît à Dieu, que je suis de ceux qui savent s'armer de patience dans l'épreuve (…) Nous rachetâmes l'enfant par une offrande de grande valeur (…) Paix sur Abraham ! »

L'esprit de cette fête appelle donc à davantage de partage, d’attention et de compassion envers toutes celles et tous ceux qui sont éprouvés au quotidien.

Les neuf jours et dix nuits précédant la fête du sacrifice, mentionnées dans le verset 2 de la sourate 89 (Al-Fajr) du Saint Coran, font partie des moments spirituels les plus importants du calendrier musulman. La pratique du jeûne y est très recommandée, notamment le neuvième jour, coïncidant pour les pèlerins avec le moment le plus important qu'est celui du jour d’Arafat.

Lire aussi : Le jeûne du jour d’Arafat, un bienfait avant l’Aïd el-Kébir

Le jeûne des jours précédant la fête nous donne l’occasion de mesurer la souffrance et la détresse de ceux qui subissent au quotidien les affres de la pauvreté. Aussi, la tradition prévoit qu'un tiers de l'animal sacrifié à l'occasion de la fête soit donné au pauvres, un tiers servi aux amis et proches et le dernier tiers pour la consommation familiale : « Invoquez le Nom de Dieu sur ceux qui sont prêts à être sacrifiés. Et une fois que la bête est abattue, vous pourrez vous nourrir de sa chair et en distribuer aux nécessiteux discrets et aux pauvres mendiants. C'est dans ce but que Nous vous avons assujetti ces animaux. Peut-être en serez-vous reconnaissants. » (Coran : 22. 36).

III. Quelques préconisations

1. Faire la prière de l'Aïd ou celle du de vendredi ou les deux ?

Lorsque la fête de l'Aïd (al-Fitr ou al-Adha) intervient un vendredi, les écoles juridiques musulmanes ont différentes positions quant à la célébration des deux prières correspondantes. L'avis majoritaire, celui des chafiites, hanafites et malékites est de célébrer les deux prières dans leurs conditions habituelles. Les hanbalites quant à eux considèrent que l'accomplissement de la prière de l'Aïd peut remplacer celui de la prière de vendredi. Comme dans tous les cas de divergence, le fidèle doit suivre l'avis de son imam habituel qui reste sa référence en la matière.

2. Comment, où et quand, faire l'acte sacrificiel ?

L’acte sacrificiel consistant à l'abattage d'un ovin (un par famille) ou un bovin (un pour au plus sept familles) est fortement recommandé pour celui qui en a les moyens. Il doit être effectué par des sacrificateurs habilités, dans des abattoirs pérennes ou temporaires agréés par l'État, dans le respect des réglementations relatives à la sécurité sanitaire des aliments, à la santé, à la protection animale et à la protection de l’environnement : l’abattage des animaux en dehors des abattoirs est interdit et constitue un délit.

- L’acte sacrificiel peut intervenir sur les trois jours de l’Aïd al-Adha.

- De même, le sacrifice par délégation, unanimement autorisé, permet de limiter la fréquentation des abattoirs. La délégation pourrait être donnée à une personne physique ou à une ONG humanitaire reconnue pour ce service

L'abattage en France de plus de 100 000 ovins, et près de 10 000 bovins, constitue un véritable défit logistique pour l’ensemble des parties prenantes : communautés musulmanes, professionnels de l’élevage et de l’abattage, collectivités territoriales, État...

Outre une organisation optimale des flux d’animaux au niveau régional et interrégional, permettant d’utiliser les abattoirs existant au maximum de leur capacité, il s’avère nécessaire, pour faire face à l’augmentation importante du nombre d’animaux devant être abattus sur un laps de temps court, de disposer d’abattoirs dits « temporaires » agrées spécifiquement pour cette occasion, dont la liste est actualisée chaque année.

Les abattoirs « temporaires » sont des structures ayant vocation à fonctionner uniquement pendant la durée de la fête. Chaque année, en France, environ soixante abattoirs de ce type sont agrées pour la fête de l’Aïd al-Adha. La mise en place de ces structures et leur bon fonctionnement pendant toute la durée de la fête mobilisent des porteurs de projets qui peuvent être des prestataires privés, des associations musulmanes ou des associations d’éleveurs. Ces porteurs de projets travaillent en collaboration avec les collectivités territoriales, l’État, notamment les services vétérinaires présents en permanence dans les abattoirs, les professionnels de l’élevage, les responsables de centres de rassemblement et de marchés et les abatteurs.

Il est indispensable d’anticiper l’organisation de cette fête et que l’ensemble de ces acteurs, chacun dans leur champ de compétence, soit pleinement impliqué dans sa bonne mise en œuvre. L’implication forte des Conseils régionaux du culte musulman (CRCM) et des communautés musulmanes et le soutien des collectivités territoriales sont des éléments importants de réussite. Tout cela est rappelé dans le guide élaboré dans le cadre des travaux de l'instance du dialogue de 2015 et consultable dans le site du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt et le site du CFCM.

3. Des questions autour de l'animal

- L'âge de l'animal Les animaux sacrifiés en France pendant la fête sont en général un mouton ou une chèvre ou un veau. Ils doivent répondre à des conditions liées à l’âge et à l’intégrité physique (Ils ne doivent pas être borgnes, aveugles, boiteux...). S'agissant de l'âge, le bovin doit avoir plus de deux ans et l'ovin au moins six mois.

Il se trouve qu’en France et en Europe d’une manière générale, les naissances d’agneaux se situent entre janvier et avril. Or, vu que chaque année l’Aïd al-Adha se rapproche de cette période, il devient de plus en plus difficile de trouver des agneaux qui auraient atteint l’âge de six mois avant l’Aïd.

Une analyse des textes de la tradition en rapport avec l'âge des animaux de sacrifice, a conduit la majorité des savants contemporains à dire que l’âge des animaux cité dans la tradition n'est qu'une indication sur la taille de l’animal et non une condition recherchée en elle-même. L'essentiel est que l'animal ne soit pas trop petit.

- Mode d'abattage et le respect du bien-être animal

Le Code rural et de la pêche maritime (article R. 214-70) prévoit, comme le droit européen le permet (règlement (CE) no1099/2009), une dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux lorsque celui-ci n’est pas compatible avec les prescriptions rituelles comme c'est le cas pour l'abattage selon le rite musulman. Pour ce dernier, l'étourdissement ou l'assommage quel qu'en soit le moyen introduit une souffrance inutile et incompatible avec le respect du bien-être animal et empêche de vider l'animal de son sang. Les abattoirs qui imposent l'assommage avant la saignée doivent être rappelés à l'ordre.

- Pour ce dernier, l'étourdissement ou l'assommage quel qu'en soit le moyen introduit une souffrance inutile et incompatible avec le respect du bien-être animal et empêche de vider l'animal de son sang. Les abattoirs qui imposent l'assommage avant la saignée doivent être rappelés à l'ordre.

- Face à la tentation de faire vite, les responsables musulmans doivent rappeler aux professionnels que le respect du bien-être animal est au cœur de cette fête : les animaux doivent être conduits à l'abattage avec respect et sans brutalité. Un animal ne doit pas être abattu en présence d'un autre animal.

- Le sacrifice d’un animal n’est pas une fin en soi.

Comme la plupart des rites, l’abattage d’un animal qui reste une recommandation forte voire une obligation pour certaines écoles, n’est qu’un moyen et non une finalité : « Ni la chair ni le sang de ces animaux n'ont d'importance pour Dieu. Seule compte pour Lui votre piété. Aussi a-t-Il mis ces animaux à votre service, afin que vous Le glorifiez pour vous avoir dirigés sur le droit chemin. Prophète ! Annonce à ceux qui font le bien. » (Coran- 22-37)

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