Religions

Aïd el-Fitr 2009, jour de recueillement et de fête

Aïd el-Fitr 2009

Rédigé par La Rédaction | Lundi 21 Septembre 2009 à 11:18

Les millions de musulmans de France ont célébré ce dimanche 20 septembre l’Aïd el-Fitr. Qu’ils soient pratiquants ou non, l’heure est au rassemblement festif. Reportages et ambiances sur l’axe Lille-Paris-Marseille.



Près de dix mille fidèles, venus de Lille et des villes environnantes, sont rassemblés au Grand Palais. (Photo : ici, en 2007.)
À Marseille, l’Aïd se prépare déjà la veille. Samedi 19 septembre, 19 heures. Les téléphones sonnent depuis près d’une demi-heure. « Il paraît que l’Aïd, c’est pour demain. L’info vient d’Arabie Saoudite… » « Hé ! Au Maroc, l’Aïd est fêté lundi ! » Les calculs vont bon train : 29 jours ou 30 jours ?

Approche l’heure du ftour, le Conseil français du culte musulman (CFCM) annonce officiellement la fin de ce mois de jeûne pour dimanche 20 septembre. Et à Marseille et en France en général, il faut dire que s’accorder sur une date pour le jour de l’Aïd est déjà en soi un événement. L’année dernière, certains avaient suivi La Mecque, tandis que d’autres, leur pays d’origine…

2009 – ou 1430 – est enfin l’année où Marseille s’unit pour fêter l’Aïd el-Fitr en un seul et même jour. Et dès le samedi soir, on va chez le coiffeur, qui, pour l’occasion, est ouvert jusqu’à 1 heure du matin. En bas, les hommes se font couper les cheveux, alors qu’à l’étage les sèche-cheveux n’ont pas une seconde de répit pour des brushings à la chaîne.

Jour J

Dimanche 20, ou le jour J. On se rend à la mosquée en famille. Tout le monde a choisi ses habits avec soin, qu’il s’agisse de qamis, de djellabas, de grands boubous ou de vêtements de la dernière tendance mode.

Pour la première fois, l'Aid el-Fitr est retransmis en direct à la télévision. Ici la capture d'écran de l'émission rediffusée sur le site de France 2.
Signe des temps, pour la première fois sur une chaîne de télévision nationale, l’Aïd el-Fitr – célébré à la Grande Mosquée de Paris – est retransmis en direct, dans l’émission « Islam » sur France 2.

Comme toujours, les mosquées de France font salle comble le jour de l’Aïd pour la prière traditionnelle du matin.

Pourtant, à quelques exceptions près telles que les Grandes Mosquées (Lyon, Paris...) ou encore la nouvelle mosquée de Gennevilliers, les lieux de culte musulmans ne peuvent accueillir tous les fidèles.

C’est pourquoi nombre de leurs responsables demandent des autorisations auprès des autorités publiques, en premier lieu la mairie, pour qu’il leur soit accordé, pour quelques heures, des terrains, des grandes salles, des gymnases ou des chapiteaux pour cette occasion.

Les musulmans de Denain, par exemple, près de Valenciennes, se sont vu accorder le complexe sportif de la ville pour cette matinée.

Deux poids, deux mesures

D’autres n’ont pas cette chance. C’est le cas de l’Association de la Communauté musulmane de Carrières-sous-Poissy (ACMC). Pour la deuxième année consécutive, celle-ci a sollicité – en vain – la municipalité afin que lui soit mise à disposition une salle ou un gymnase pour deux heures. Selon le maire, « les conditions de sécurité exigées par la législation recevant du public ne permettent pas [...] de disposer de salles d’une capacité d’accueil supérieure à 400 personnes ».

À Carrières-sous-Poissy, les banderoles ont été déployées face à la non-réponse aux lettres adressées au préfet Anne Bocquet et au sous-préfet Yannick Imbert sur la situation de la salle de prière.
Pourtant, deux semaines plus tôt, près de 5 000 personnes ont assisté au Village des associations dans le même gymnase. Il semble que le « deux poids, deux mesures » est de rigueur pour les musulmans du coin.

Face au refus de la mairie, les tapis de prière ont été déployés à l’extérieur du foyer ADEF de travailleurs migrants… à deux pas d’un chantier. L’argument de la sécurité a donc été mis à mal : difficulté de circulation aux alentours de la salle de prière du fait des voitures stationnées, agacement des riverains, bus bloqué, présence notoire d’officiers de la sécurité publique…

Passé les festivités, « l’ACMC interpellera les candidats dans le cadre des élections législatives anticipées d’octobre prochain », annonce à Saphirnews Rachid Toub, membre cofondateur de l’ACMC, porteuse d’un projet de mosquée face à « la disparition programmée de la salle de prière de l’ADEF ».

Deux espaces sacrés : le cœur et la mosquée

Les prêches – désormais pour la plupart bilingues arabe-français − qui ont suivi la prière collective de l’Aïd ont aussi été l’occasion d’évoquer les projets de construction de mosquées.

« Cela fait 40 ans que cette mosquée ne cesse d’attirer l’attention sur ces deux espaces sacrés que sont le cœur et la mosquée », proclame cheikh Larbi Kechat, recteur de la mosquée Addawa, à Paris, dans le 19e arrondissement. « Le cœur est l’espace invisible, la mosquée est l’espace visible. »

Le budget de reconstruction de la mosquée Addawa, dont les travaux ont un temps été arrêtés, sont pour le moins conséquent : 18 millions d’euros, faisant de ce projet (prévu sur sept étages) l’un des plus gros d’Europe. Pour l’heure, ce sont plus de 3 000 personnes qui se sont rassemblées sur un terrain provisoire prêté par la Ville de Paris. Un provisoire qui risque de durer, l’aménagement de ce nouvel espace ayant déjà coûté 500 000 euros pour continuer à accueillir les fidèles de la mosquée Addawa.

À Tremblay-en-France, plus de 3 000 fidèles étaient présents à la prière de l'Aïd el-Fitr 2009, dont près de 40 % de femmes.
Même affluence notable à Tremblay-en-France. Mais là les fidèles ont la joie de prier dans une mosquée flambant neuve, tout juste ouverte depuis ce mois de Ramadan 2009. Lors de son allocution, le maire de la ville François Asensi se dit « satisfait de l’équipe qui a géré ce projet ». « Vous avez créé une dynamique que vous avez financée sou par sou », poursuit Abdelghani Bentrari, le président de l’Union des musulmans de Tremblay-en-France (UMTEF).

« La mosquée a son club d’admirateurs qui augmente de jour en jour », reconnaît-il, sollicitant par là les fidèles à poursuivre leurs efforts pour parachever la mosquée, quand bien même « sa beauté extérieure et son expression architecturale » ne rencontrent pas l’assentiment de « gens qui ont pour fonds de commerce la peur de l’autre, la confrontation entre les peuples, le conflit des cultures et des religions ».

À Lille, les grands moyens

Comme chaque année, les musulmans du Nord, quant à eux, sont plusieurs milliers rassemblés ce matin à Lille Grand Palais, un espace habitué à accueillir congrès et salons professionnels d’envergure régionale.

Venus des quatre coins de la Région Nord, les musulmans ont pour la plupart quitté la mosquée de leur quartier ou de leur ville – volontairement fermées – pour prier ensemble dans un immense espace aménagé pour l’occasion. Récolter les fonds, la centaine de bénévoles en a bien des années d’expérience. « Un euro chacun pour rembourser la salle ! » Nul besoin de s’égosiller. Les quelque 13 000 euros nécessaires seront bel et bien amassés.

Pour Sarah et Anne-Sophie, toutes deux Monsoises, passer l’Aïd au Grand Palais est devenu une habitude. Pour Lamia et son fils de 12 ans, c’est une grande première, « vivement l’année prochaine ! », dit-elle, enthousiaste.

Plusieurs personnalités politiques sont présentes. Parmi elles, Jean-Michel Stievenard, ex-maire de Villeneuve-d’Ascq, la commune de la future « plus grande mosquée de la Région », qui compte une communauté musulmane importante. Pour l’ex-maire, il lui est désormais impossible de « rater un Aïd ». L’habitude l’a piqué.

Pas encore Gérard Caudron, son successeur, qui n’aurait sans doute pas vu d’un bon œil les images de synthèse défiler sur les écrans plasma, au-dessus des têtes des fidèles. Trop tard, le projet est lancé, et d’ailleurs bientôt fini. « Il est quand même venu aux journées portes ouvertes de la mosquée », assure un responsable de la nouvelle mosquée à Saphirnews. Du haut de son minbar improvisé, Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille et président du CRCM Nord-Pas-de-Calais, exhorte les fidèles à prier.

Après le recueillement, la fête

Après la prière et le discours de l’imam, on pianote, partout en France, des « Mabrouk Aïd » par textos tous azimuts. Quand certains rentrent à la maison pour prendre le petit déjeuner en famille ou partager thé et gâteaux avec quelques amis, d’autres n’arrivent pas à avaler quoi que ce soit, par perte d’habitude.

Les enfants ouvrent leurs cadeaux. Souleïmane, 5 ans, venu de Hem avec ses parents à Lille Grand Palais, a déjà ouvert son cadeau, ce matin.

Sur la Canebière, à Marseille, les parents emmènent leurs enfants au grand carrousel. Cela se bouscule, autant dans le manège que partout en ville. Rares sont les cafés ou les bars vides. Peut-être est-ce dû au fait qu’à Marseille il y avait longtemps que les musulmans n’avaient pas fêté l’Aïd tous ensemble…

La journée en famille se suit généralement d’une soirée entre amis, qu’on n’a pas vus souvent en ce mois sacré, les sorties nocturnes étant moins fréquentes, mis à part les prières de tarawîh à la mosquée pour les plus assidus.

La routine se réinstalle, mais même si le Ramadan est terminé pour cette année, le défi reste de taille pour les musulmans. Il va falloir garder les bonnes habitudes prises pendant le jeûne et continuer à vivre sa foi autant qu’en ce mois saint. En attendant, rendez-vous l’année prochaine pour le prochain Ramadan !


Reportages de Leïla Belghiti, Hanan Ben Rhouma, Sonia Carrère et Huê Trinh Nguyên


Lire aussi :
L’Aïd el-Fitr, une communion pluriculturelle
Les gâteaux de l’Aïd, miam !
Cadeaux, déco : l’Aïd tendance