Economie

Aïd el-Kébir: quelles alternatives à l'abattage rituel pour les musulmans de Flandre ?

Aïd al-Adha 2014

Rédigé par | Mercredi 24 Septembre 2014 à 10:00

L'abattage rituel sans étourdissement dans les abattoirs temporaires vit ses derniers jours dans la région flamande, en Belgique. Passé l'édition 2014 de l'Aïd el-Kébir, cette pratique sera interdite dès 2015 sur décision du ministre régional du bien-être animal. Un véritable casse-tête pour les responsables musulmans locaux qui ont la dure charge de trouver des alternatives. Une mission (presque) impossible ?



L’Aïd el-Kébir, prévu le 4 octobre, approche à grands pas avec, au rendez-vous, son lot de polémiques. Interdire des sites d’abattage temporaires en région flamande à moins que les animaux ne soient étourdis au préalable, telle est la décision mi-septembre du ministre flamand du bien-être animal, Ben Weyts, qui fait bondir les musulmans de Belgique.

Cette nouvelle législation entrera en vigueur en 2015. Ouf pour les musulmans, l’Aïd el-Kébir 2014 n’est pas concerné car « une introduction soudaine de l'interdiction aurait causé le chaos vu que tous les animaux ont déjà été achetés et que les abattoirs reconnus ne pourront pas traiter plus de 20 000 animaux supplémentaires dans un court laps de temps », a signifié le ministre, vice-président depuis 2011 de la N-VA (Nieuw-Vlaamse Alliantie), le parti séparatiste flamand grand vainqueur des élections régionales et fédérales de mai 2014.

Des abattoirs fixes dépassés par l'Aïd en Belgique

En vertu de la législation européenne, tous les animaux en abattoir doivent être étourdis avant leur mise à mort en Belgique, exception faite aux abattages rituels juif et musulman afin de garantir le libre exercice du culte. Suivant la décision prise par Ben Weyts, seuls les abattoirs fixes agrées par l’Etat pourront continuer à pratiquer le rituel sans étourdissement lors de l'Aïd el-Kébir. Or, leur nombre est très insuffisant en Flandre (24) comme ailleurs dans le pays (12 en Wallonie et 1 à Bruxelles), un constat appuyant la nécessité de mettre en place des abattoirs temporaires dont l'agrément est accordé en Belgique uniquement pour la période de la fête du sacrifice, à savoir trois jours.

En 2013, la Wallonie en disposait de 12, Bruxelles 4 et la Flandre 57 selon l'Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) mais ils ne satisfaisaient déjà pas la demande des quelque 600 à 700 000 musulmans. La future interdiction dans la région flamande aggravera une situation considérée comme précaire par les responsables musulmans tout autant qu'elle favorisera l’abattage clandestin, illégal, de la part de familles qui, soucieuses de maintenir le rite de l’égorgement in vivo, ne se verront pas proposer d'alternative convenable.

Trouver une alternative... mais laquelle ?

L’Exécutif des Musulmans de Belgique (EMB) n’a pas tardé à réagir à la décision ministérielle, saluée par des associations pour la protection animale. Si l’instance « comprend le souci du ministre concernant la nécessité d’améliorer les conditions d’abattage rituel lors de la fête du sacrifice » et qu’elle est « consciente des difficultés techniques » liées à son organisation, « la fermeture des sites provisoires ne peut être envisagée que si des alternatives sont proposées afin de permettre aux musulmans de pratiquer leur culte, dans le respect des dispositions légales, celles relatives au bien-être animal notamment ».

Un an, le délai est bien court pour trouver des solutions matérielles au casse-tête posé par les autorités. Favoriser la création en nombre de nouveaux sites d'abattage fixes ne saurait être viable dès lors que la demande n'est pas étalée dans l'année. Augmenter les capacités d'abattage des structures existantes appelle leurs gérants à des investissements qu'ils ne sont pas forcément prêts à financer pour l'Aïd uniquement. L'interdiction est bien de nature à mettre en péril une tradition religieuse importante en islam. Au moins une alternative devrait faire surface : celle qui consiste à promouvoir davantage le sacrifice par procuration à destination de populations défavorisées.

La Belgique divisée sur l'opportunité de l'interdiction

L’EMB, exprimant à travers la voix de son président Noureddine Smaili « sa volonté d’ouvrir un dialogue avec toutes les autorités publiques concernées pour mettre en place ces alternatives », rappelle l’arrêté royal du 11 février 1988 qui prévoit que l’institution est le seul organe habilité à délivrer des certificats d’abattage rituel islamique à des sacrificateurs, valables trois ans et renouvelables. En France, cette charge revient aux trois Grandes Mosquées de Paris, Evry et Lyon. « L’EMB veillera à ne délivrer ces certificats qu’à des sacrificateurs ayant suivi une formation relative au bien-être animal, dans le cadre d’un partenariat avec un organisme agréé », déclare-t-il encore.

La Flandre est compétente depuis juillet pour le bien-être animal dans le cadre de sa régionalisation. On compte ainsi deux autres ministres qui ont les mêmes attributions que Ben Weyts, en Wallonie et à Bruxelles. Mais aucun de ses homologues n’a émis à ce jour le souhait d’interdire la pratique de l’abattage sans étourdissement dans les abattoirs temporaires, ceux-ci mettant en doute l'opportunité d'une interdiction dont les conséquences pour les pouvoirs publics seront bien plus difficiles à gérer.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur