Arts & Scènes

Ali, l’énergie positive

Rédigé par Fatima Khaldi | Jeudi 5 Mars 2015 à 00:44

Après « Chaos et Harmonie » (2005) et « Le Rassemblement » (2011), l’ancien membre du célèbre groupe Lunatic, formé avec le sulfureux rappeur Booba, revient avec « Que la paix soit avec vous », un nouvel album qui marque un véritable tournant dans la carrière de l’artiste, où sagesse et spiritualité sont les maîtres mots.



Pour le rappeur Ali, qui sort en 2015 un nouvel album « Que la paix soit avec vous », c'est « à nous, musulmans, d’expliquer à nos frères en humanité ce qu’est l’islam ».

Saphirnews : Ce nouvel album est très éclectique et très coloré avec des sons nineties, très marqués jazz pour certains, pouvez-vous nous en parler ?

Ali : A part le titre « Bonne Nouvelle » qui est un hommage à un ami décédé, l’album est très lumineux, c’est un choix. Après l’album Le Rassemblement, je ne voulais plus d’obscurité, car le danger est de rester enfermé. Je voulais m’ouvrir à mon rythme et apporter quelque chose de lumineux et de coloré avec des titres comme « On ne s’oublie pas » qui fait référence à l’importance de la mémoire. On n’est plus dans la déprime et la grisaille, c’est un album de continuité. Il y a certains titres qui rappellent les précédents, mais c’est une sorte de relais plutôt qu’une volonté de refaire ce qui a déjà été.

Ce troisième album représente-t-il une étape importante dans votre carrière ?

Ali : C’est un album en cohérence avec mon âge (39 ans, ndlr). Souvent, une fois marié, on commence à se poser les bonnes questions. Comme on dit : en islam, se marier équivaut à la moitié de sa religion. C'est un épanouissement, un élargissement du cœur. C'est une très belle chose de se marier et d'avoir des enfants, c'est magnifique et cela nous rappelle une fois de plus Dieu. Aujourd'hui, malheureusement, les gens ne croient plus au miracle mais le fait de voir un bébé naître est le plus beau des miracles.

Il paraît que vous vivez en Indonésie, le plus grand des pays musulmans, est-ce vrai ?

Ali : Oui, je suis entre la France et l'Indonésie. Je vis à Jakarta, la capitale. Ma femme et mes enfants sont là-bas. J'ai un rapport familial très fort avec ce pays, on va dire très intime.

Pourquoi n'avez-vous pas choisi le Maroc, le pays de vos parents ?

Ali : C'était un choix de vie. A un moment, ma femme qui vivait en France a voulu retourner vivre en Indonésie. Par amour, je l'ai suivie.

De quel milieu social êtes-vous issu ?

Ali : Je suis né dans le 14e arrondissement de Paris. Mon père a effectué beaucoup de travaux avant de pouvoir ouvrir un commerce. Il a eu une intégration difficile. À ma naissance, il était déjà commerçant. Ma mère était professeure de langue marocaine à Colombes (Hauts-de-Seine).

Quelle relation entretenez-vous avec l'islam ?

Ali : L'islam étant un, malgré les différentes écoles, groupes et confréries, je ne me définis d'aucun courant religieux, je suis musulman. On reconnaît tous les prophètes depuis Adam, Abraham, Moïse et Jésus, le Prophète Muhammad – que la paix de Dieu soit sur lui – est le dernier prophète. On a aussi le Dieu unique qui nous relie avec nos frères juifs et à nos frères chrétiens qui, eux, le définissent en tant que Père. Je garde vraiment l'essentiel et le socle premier qui sont ces éléments-là. L'essentiel, je ne m'en éloigne pas. Les groupes, les divergences sont des portes dans lesquelles je n'entre pas. Le premier repère que j'ai, c'est mon père, tout simplement, et ma mère : la famille est très importante. C'est ce chemin-là que je suis, celui de l'héritage. Le fait de voir mon père pratiquer sa religion et la vivre sereinement est mon premier repère.

Un mot sur les derniers événements qui ont frappé la France ?

Ali : Tout ce que j’ai à dire, c’est ce qui vient de mon Créateur ; le premier commandement que nous avons tous en commun, c’est : « Tu ne tueras point. »

Ces atrocités n’ont fait qu’aggraver l’islamophobie qui plane sur la France depuis quelques années, qu’auriez-vous envie de dire à ceux qui font des amalgames ?

Ali : Je les invite à apprendre à connaître l’islam non pas à travers les médias, mais à travers leurs démarches personnelles. On ne peut pas juger quelque chose que l’on ne vit pas. La première des choses est de revenir à soi et de se dire je veux voir ce qu’il en est vraiment, d’aller vers l’autre et de poser des questions. Aujourd’hui, les gens peuvent communiquer entre eux, et à nous, musulmans, d’expliquer à nos frères en humanité ce qu’est l’islam.

Il y a aussi une part de responsabilité commune : c’est qu’au-delà de la quête personnelle il y a un rapport de cœur. Être hautain envers l’autre et le voir comme un barbare nous ramène à notre propre arrogance et à notre orgueil ; les cœurs sont fermés, il n’y a plus de dialogue possible.

C’est vraiment un travail à faire par tout le monde et non pas que des musulmans. Il y a quatre ans, on m’a demandé de signer une pétition rédigée par des musulmans contre l’extrémisme musulman et j’ai simplement refusé en me faisant la réflexion suivante : pourquoi l’extrémisme est-il forcément lié à l’islam, alors qu’il n’existe pas dans cette religion ? L’islam est clair, c’est une religion de juste milieu. Le jour où on me demandera de signer une pétition contre tous les extrémismes, qu'ils soient juif, chrétien, musulman, laïcard, athée, sous toutes leurs formes, soit l’extrémisme de l’homme, ce jour-là, oui, je signerai une telle pétition.