« Apatride ». Sans patrie. Sans identité. Comment construire sa personnalité lorsqu'on n'est rattaché à un aucun Etat connu sur Terre ?
« Désolé Mademoiselle, mais votre pays d''origine n''existe pas dans le menu déroulant de ma base de données. » C'est par cette phrase absurde que mon banquier m'a appris qu'il ne pouvait mentionner sur son ordinateur ma nationalité de l'époque : « Palestinienne ». J'avais 18 ans. Et pour la énième fois dans ma courte existence, j'avais ressenti ce pincement au cœur, cette frustration de ne pas me sentir exister. Quelle est mon identité ?
« Désolé Mademoiselle, mais votre pays d''origine n''existe pas dans le menu déroulant de ma base de données. » C'est par cette phrase absurde que mon banquier m'a appris qu'il ne pouvait mentionner sur son ordinateur ma nationalité de l'époque : « Palestinienne ». J'avais 18 ans. Et pour la énième fois dans ma courte existence, j'avais ressenti ce pincement au cœur, cette frustration de ne pas me sentir exister. Quelle est mon identité ?
A-t-on un jour pensé à ce que pouvaient ressentir les peuples dont les pays ont été rayés de la carte ?
Jusqu'à mes 22 ans, date à laquelle j'ai obtenu ma nationalité française, j'étais « réfugiée apatride d'origine palestinienne ». Je suis Palestinienne, de parents palestiniens. Je mange palestinien, je parle palestinien. Je rêve en palestinien. J'ai toujours baigné dans cette riche culture palestinienne. Mais mon pays d'origine lui, n'existe pas sur les papiers officiels. Mon peuple et mon pays n'existaient pas dans l''esprit du Français lambda de l'époque.
Ma réponse à la question « Tu es de quelle origine ? » posée par mes camarades de classe était toujours suivie d’un froncement de sourcils et de regards interloqués. « Palestine ? C'est quoi ça ? C'est à côté de l'Inde ? », répondaient-ils parfois. Confondre deux pays pour leur ressemblance phonétique peut prêter à sourire, mais révélait surtout une ignorance totale d'un pays qui, non seulement, n’apparaît pas sur les cartes du monde, mais aussi dans l'imaginaire de beaucoup de personnes.
Dans ces moments, la frustration et la tristesse emplissaient mon cœur, puis laissaient place à d'innombrables questionnements existentiels qui taraudaient mon esprit. A-t-on un jour pensé à ce que pouvaient ressentir les peuples dont les pays ont été rayés de la carte ? A-t-on un jour tenté de comprendre la douleur de celui ou de celle dont le statut est « apatride » ?
Ma réponse à la question « Tu es de quelle origine ? » posée par mes camarades de classe était toujours suivie d’un froncement de sourcils et de regards interloqués. « Palestine ? C'est quoi ça ? C'est à côté de l'Inde ? », répondaient-ils parfois. Confondre deux pays pour leur ressemblance phonétique peut prêter à sourire, mais révélait surtout une ignorance totale d'un pays qui, non seulement, n’apparaît pas sur les cartes du monde, mais aussi dans l'imaginaire de beaucoup de personnes.
Dans ces moments, la frustration et la tristesse emplissaient mon cœur, puis laissaient place à d'innombrables questionnements existentiels qui taraudaient mon esprit. A-t-on un jour pensé à ce que pouvaient ressentir les peuples dont les pays ont été rayés de la carte ? A-t-on un jour tenté de comprendre la douleur de celui ou de celle dont le statut est « apatride » ?
Un Etat palestinien pour construire durablement la partie manquante de leur identité
« Apatride ». Sans patrie. Sans identité.
Comment construire sa personnalité lorsqu''on n''est rattaché à un aucun Etat connu sur Terre ? A 15 ans, éclatait la seconde Intifada. Je voyais défiler, médusée, les informations sur la « guerre des pierres » dans les territoires occupés. Des Palestiniens qui se levaient contre le joug de l'occupation. Des morts, des blessés. Du sang, des pierres, des bombes. Des images insoutenables qui renforcèrent davantage mon sentiment patriotique. Je commençai à me renseigner davantage sur ce conflit, ses origines,
Pourquoi s'est-on fait prendre notre terre ? Comment des personnes venues d'Europe, du Maghreb, du Moyen-Orient et même d’Erythrée pouvaient-ils prétendre avoir un droit sur cette terre et y chasser ses habitants d’origine, sous prétexte que leurs ancêtres s'y trouvaient il y a 2 000 ans ? L'absurdité et l'injustice de la situation me révoltaient. Mais à 15 ans, qui de mes amis ou de mes camarades pouvaient s'en soucier ? Je gardais donc cette tristesse au fond de mon être, tout en étant frustrée de ne pas pouvoir partager ce que je ressentais à ceux et celles dont les préoccupations se limitaient aux désagréments de l'adolescence.
Quelques années plus tard, grâce au travail actif des associations de défense des droits des Palestiniens en France, les termes de « Palestine » et de « Palestiniens » sont devenus peu à peu plus connus du grand public. Avec cette avancée, je ressentais petit à petit, à mesure que l'on connaissait ces termes, que mes origines étaient enfin connues. J'existais enfin aux yeux des Français lambda. Et aujourd’hui, je reste optimiste quant à la reconnaissance possible et proche d'un Etat palestinien.
Reconnaître officiellement l'Etat palestinien est non seulement un rêve, mais serait aussi un accomplissement pour bon nombre de Palestiniens dans le monde, qui verront leur dignité et leur identité enfin respectées et reconnues. C'est faire valoir enfin leurs droits si longtemps bafoués, et leur existence trop longtemps malmenée. C'est reconnaître l'existence d'un peuple multiconfessionnel, à la culture extrêmement riche, à la civilisation millénaire et raffinée. Et c'est permettre à des millions de Palestiniens, éparpillés sur les quatre coins de la Terre, de construire pleinement et durablement la partie manquante de leur identité. C'est reconnaître qu'en tant que peuple, nous existons.
*****
Najlaa Shehada est une jeune franco-palestinienne. Titulaire d'un master en Sciences politiques (relations internationales), elle est documentaliste dans un lycée et membre de plusieurs associations.
Lire aussi :
Le statut des réfugiés palestiniens en question
Gaza, l’Eurovision et nous
70 ans de la Nakba : l’injustice se poursuit pour les Palestiniens
Comment construire sa personnalité lorsqu''on n''est rattaché à un aucun Etat connu sur Terre ? A 15 ans, éclatait la seconde Intifada. Je voyais défiler, médusée, les informations sur la « guerre des pierres » dans les territoires occupés. Des Palestiniens qui se levaient contre le joug de l'occupation. Des morts, des blessés. Du sang, des pierres, des bombes. Des images insoutenables qui renforcèrent davantage mon sentiment patriotique. Je commençai à me renseigner davantage sur ce conflit, ses origines,
Pourquoi s'est-on fait prendre notre terre ? Comment des personnes venues d'Europe, du Maghreb, du Moyen-Orient et même d’Erythrée pouvaient-ils prétendre avoir un droit sur cette terre et y chasser ses habitants d’origine, sous prétexte que leurs ancêtres s'y trouvaient il y a 2 000 ans ? L'absurdité et l'injustice de la situation me révoltaient. Mais à 15 ans, qui de mes amis ou de mes camarades pouvaient s'en soucier ? Je gardais donc cette tristesse au fond de mon être, tout en étant frustrée de ne pas pouvoir partager ce que je ressentais à ceux et celles dont les préoccupations se limitaient aux désagréments de l'adolescence.
Quelques années plus tard, grâce au travail actif des associations de défense des droits des Palestiniens en France, les termes de « Palestine » et de « Palestiniens » sont devenus peu à peu plus connus du grand public. Avec cette avancée, je ressentais petit à petit, à mesure que l'on connaissait ces termes, que mes origines étaient enfin connues. J'existais enfin aux yeux des Français lambda. Et aujourd’hui, je reste optimiste quant à la reconnaissance possible et proche d'un Etat palestinien.
Reconnaître officiellement l'Etat palestinien est non seulement un rêve, mais serait aussi un accomplissement pour bon nombre de Palestiniens dans le monde, qui verront leur dignité et leur identité enfin respectées et reconnues. C'est faire valoir enfin leurs droits si longtemps bafoués, et leur existence trop longtemps malmenée. C'est reconnaître l'existence d'un peuple multiconfessionnel, à la culture extrêmement riche, à la civilisation millénaire et raffinée. Et c'est permettre à des millions de Palestiniens, éparpillés sur les quatre coins de la Terre, de construire pleinement et durablement la partie manquante de leur identité. C'est reconnaître qu'en tant que peuple, nous existons.
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Najlaa Shehada est une jeune franco-palestinienne. Titulaire d'un master en Sciences politiques (relations internationales), elle est documentaliste dans un lycée et membre de plusieurs associations.
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