Politique

Après les européennes et la victoire de l'extrême droite, le pari très risqué de la dissolution

Rédigé par | Lundi 10 Juin 2024 à 07:05

Alors que les élections européennes ont donné une large victoire à l'extrême droite, Emmanuel Macron a créé la surprise en annonçant la dissolution de l'Assemblée nationale. Face à la perspective de voir une vague bleu marine déferler dans l'hémicycle, une nouvelle campagne s'ouvre pour l'ensemble des partis, tout particulièrement dans les rangs de la gauche, appelée urgemment à se rassembler pour faire barrage au Rassemblement national.



A l'issue des élections européennes du 9 juin en France, Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l'Assemblée nationale. © Elysée
La séquence politique du moment est historique et fait craindre le pire. Les élections européennes, qui se sont déroulées dimanche 9 juin en France, ont signé une nouvelle victoire pour l'extrême droite. Au sortir des urnes, c'est le Rassemblement national (RN) qui remporte largement la mise en obtenant 31,5 % des suffrages, progressant de 8 points depuis le dernier scrutin en 2019. En cumulant les voix de Reconquête dont la tête de liste est Marion Maréchal Le Pen (5,3 %), l'extrême droite culmine à 37 %. Elle confirme ainsi sa forte progression en France et sur le Vieux continent. Le résultat est d'autant plus important que le taux de participation s'est élevé à 52,5 %, un taux sans précédent depuis 1994 pour des élections européennes.

Très loin derrière apparaît Renaissance, qui n'a obtenu que 14 % des voix (22,4% en 2019). Face à la « déroute » de la liste du parti présidentiel, en recul au nombre de sièges au Parlement européen, le président du RN, Jordan Bardella, a appelé Emmanuel Macron à « prendre acte de cette nouvelle donne politique » en organisant de nouvelles élections législatives. Dans la foulée, le chef de l'Etat a annoncé, à la surprise générale, la dissolution de l'Assemblée nationale. Des élections ont été convoquées pour le 30 juin et le 7 juillet.

Quelle place pour les autres partis aux européennes ? La liste Renaissance est arrivée en deuxième position après la liste socialiste emmenée par Raphaël Glucksmann, qui a quasiment doublé son score par rapport à 2019 en passant de 6,9 % à 14 % des suffrages. La France Insoumise (LFI), avec Manon Aubry, progresse aussi avec 10,1 % des suffrages (contre 6,3 % en 2019) et parvient ainsi à placer de nouveaux eurodéputés. Quant aux écologistes, emmenés par Marie Toussaint, ils obtiennent 5,5 % des voix, parvenant difficilement à se placer devant Reconquête. La droite représentée par Les Républicains (LR) et Xavier Bellamy, s'est adjugée, quant à elle, 7,2 % des voix.

Une élection chamboule-tout

Après la victoire écrasante du RN, « je ne saurais donc faire comme si de rien n’était », a déclaré un Emmanuel Macron qui avait été réélu en 2022 en promettant notamment de faire barrage à l'extrême droite. Les années Macron sont malheureusement celles d'une banalisation du RN jamais égalée qui lui a permis de s'installer confortablement dans le paysage politique français.

En annonçant la dissolution, et face au nouveau succès électoral de l'extrême droite, le chef de l'Etat prend le pari risqué de voir Renaissance se prendre une tôle en juillet avec son parti ; de voir en conséquence le RN obtenir une majorité à tout le moins relative dans l'hémicycle, ce qui entraînerait alors une cohabitation inédite. Jordan Bardella, futur Premier ministre ? L'extrême droite aux commandes du gouvernement ? A moins que les législatives anticipées soient l'occasion de voir un important sursaut de la gauche ?

Des centaines de personnes se sont rassemblées spontanément en plusieurs endroits à Paris, principalement place de la République, pour dire non à l'extrême droite. Nombreux sont ceux qui appellent urgemment à l'union des gauches, voire même à reconstituer la NUPES pour espérer bâtir une alternative politique autre que celle qui semble se profiler avec le RN.* Un véritable casse-tête s'ouvre pour dépasser les clivages mais la responsabilité des partis de gauche est grande : le rassemblement apparaît plus que jamais nécessaire pour mettre un stop à l'ascension de l'extrême droite. L'heure va être aux grandes tractations à gauche, mais aussi en face car une alliance des droites qui amplifirait la victoire de l'extrême droite n'est pas à exclure. Une nouvelle campagne, intense, s'ouvre, avec des enjeux politiques cruciaux pour l'avenir du pays.

*Mise à jour mardi 11 juin : Les partis de gauche ont acté la création d'un nouveau front populaire, ce que le principe d'union implique.

En face, Eric Ciotti a annoncé son souhait de voir naître une alliance des droites avec le RN, plongeant LR dans une crise interne profonde.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur