Cela fait longtemps que l’on essaye d’occulter le sujet « Arabophone/Francophone », trop sensible trop d’actualité. Pourtant nous nous devons de l’aborder. L’aborder d’une manière ferme et sereine. La négligence de ce sujet peut constituer, pour la communauté musulmane de France, un point de faiblesse que certains pourraient s’empresser d’exploiter. Malheureusement quant l’on évoque ce sujet, cette simple évocation, a tendance à déclencher un flot de réactions plus ou moins irrationnelles qui, souvent, engendre la rupture de toute discussion et de tout dialogue.
Il y a danger à entretenir le faux tabou
La raison principale en est que l’on refuse d’admettre qu’il existe deux mentalités. La première est celle de ceux qui sont arrivés en France en provenance de pays musulmans et qui ont importé, avec eux, leurs divisions et une certaine conception de l’Islam souvent déconnectée de la réalité des Musulmans d’Europe. La seconde mentalité est celle de ceux qui sont nés en France, ont grandi sur les bancs de la République et dont une majorité a bien compris et assimilé les subtilités de la société française en intégrant surtout les paramètres organisationnels indispensables pour une adaptation réussie et efficace. Ces derniers, sans complexe aucun, arrivent à faire abstraction de tout conditionnement et de tout colonialisme intellectuel.
Quelle qu’en soit la raison, colonialiste ou autre, la pensée musulmane traditionnelle contemporaine n’est qu’un résidu subsistant de la décadence du monde musulman. Nous nous devons donc de rompre avec cette forme de pensée à tout prix. Car la pensée traditionnelle musulmane contemporaine est polluée par le non sens qui se manifeste, en partie, par une incapacité à déterminer les compétences des individus. Cette incapacité se pose, par la suite, en obstacle à une application pratique et objective de la religion. Une attitude qui se trouve bien souvent en opposition totale avec la pensée musulmane originelle.
Les mérites des premiers Musulmans sans Islam
L’on ne va pas jeter la pierre aux Musulmans venus en France. Certains on fait le voyage pour des raisons économiques, d’autres pour des raisons d’études, ou encore pour fuir des régimes oppresseurs. Beaucoup d’entre eux ont découvert sur le sol français, des Musulmans sans Islam. Avec un bagage religieux souvent modeste, ils se sont vus investis de l’énorme responsabilité de former et de structurer une communauté musulmane en perdition.
L’on devrait plutôt les remercier et les respecter pour leur travail. Mais aujourd’hui, ils leur faut prendre conscience de l’existence d’une élite musulmane au sein de la deuxième et troisième génération des enfants d’immigrés. Ils doivent savoir que l’élite d’aujourd’hui doit être intégrée, prise au sérieux et en considération afin qu’un jour elle prenne le relais. La situation est comparable à un feu qui, si on s’en occupe, devient source de chaleur et de bien être. Par contre s’il est abandonné, livré à lui-même, il risque de déborder et dévorer son environnement, en cherchant sa nourriture pour survivre. Ou bien, s’il n’est pas entretenu, se consume et s’éteint. Par élite musulmane, il faut distinguer avec modestie entre des wagons et des locomotives. Un wagon n’est pas une locomotive et une locomotive ne peut être indéfiniment un wagon. La règle étant que les compétences finissent toujours par s’imposer d’elles mêmes.
Les pères fondateurs contre la nouvelle élite
Après près de 25 années de travail islamique en France, il existe encore des retraités et des rentiers de la Dawwa. C’est ainsi que l’on voit apparaître, dans la grande majorité de structures musulmanes, des responsables associatifs rivés, sans partage aucun, à leurs privilèges et leurs pouvoirs. Ne prenant nullement en compte les nécessités du moment et encore moins les réalités ambiantes. Leur comportement s’apparente à celui des dirigeants politiques de nos pays d’origines, qui sont souvent des obstacles ou des freins, voire même les deux, au progrès et à l’évolution de leurs peuples. Leur unique objectif et leur seul espoir se résument en la perspective de voir un jour leurs progénitures prendre leur succession.
Il est entendu, que nous n’aurons jamais assez de gratitude envers ces aînés qui nous ont permis, avec beaucoup d’obstacles et de difficultés, de faire nos premiers pas dans la religion musulmane et d’acquérir un certain degré de reconnaissance. Ils sont et seront pour nous, sous cet angle, une référence sûre.
Néanmoins, aujourd’hui, l’incompréhension grandissante qui existe entre les deux composantes de l’Islam de France avec pour conséquence la mise à l’écart permanente de la nouvelle élite ne cesse de s’amplifier. Elle génère une contestation et une frustration qu’il serait dangereux d’ignorer. Car, comme on l’a découvert récemment à l’Institut des Européen des Sciences Humaines de Château Chinon, il est facile pour une personnalité possédant une légitimité religieuse de « surfer » sur cette vague contestataire au point de pouvoir la canaliser en vu d’intérêts personnels ou à des fins déstructurantes.