Religions

Au Forum d'Abu Dhabi pour la paix, l'impératif d'« accélérer le rythme » face à la mondialisation de la guerre

Rédigé par | Mercredi 9 Novembre 2022 à 11:00

Les rendez-vous interreligieux se succèdent en ce mois de novembre. Aux Emirats arabes unis, Abu Dhabi est de nouveau, le temps de trois jours, le centre du dialogue entre les religions pour la paix.



« L'universalisation de la paix face à la mondialisation de la guerre. » Tout juste après le sommet du R20 à Bali et celui de Bahreïn en présence du pape François, qui eux-mêmes suivent celui de Sant'Egidio à Rome, c'est cette fois aux Emirats arabes unis que les acteurs du dialogue interreligieux se sont donnés rendez-vous pour le Forum d'Abu Dhabi pour la paix, connu jusqu'en 2021 sous le nom du Forum pour la promotion de la paix dans les sociétés musulmanes. Sous le patronage de Mohammed Ben Zayed Al Nahyane (MBZ), l'organisation dirigée par le théologien Abdallah Bin Bayyah tient son rendez-vous annuel, le 9e depuis sa création en 2014, du mardi 8 novembre au jeudi 10 novembre, à l'ombre de la COP 27 en Egypte.

Dans l'ambiance feutrée d'une imposante salle de conférences du Ritz Carlton d'Abu Dhabi, une cinquantaine de dignitaires religieux et de personnalités engagées dans le dialogue interreligieux se succèdent pendant trois jours à la tribune pour promouvoir l'agir ensemble au service de la paix.

« La réalisation de la paix et la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme demandent l'engagement de tous », aussi bien dans l'espace politique que religieux, médiatique et citoyen, et « exige une collaboration internationale et interreligieuse », souligne, dès l'ouverture de la conférence, le ministre émirati de la Tolérance et de la Coexistence, Nahyan Bin Mubarak Al Nahyan. « Le Forum est une contribution à la réalisation de la paix et de la stabilité dans le monde. »

Des leaders religieux appelés à engager plus d'efforts

Mohammed Al-Issa, secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, abonde en ce sens. Au-delà de l'amitié entre les peuples, « il y a un besoin d'actions dans le monde » avec « un impact concret qui bénéficie à l'humanité ». « C'est le travail de tous et que personne ne doit monopoliser », estime-t-il.

« Il est l’obligation des chefs religieux de faire face à ces maux (de l’extrémisme et de la guerre) pour ne pas les propager davantage », insiste Abdallah Bin Bayyah. Du haut de ses 87 ans, le très respecté cheikh invoque à l'esprit des participants l'image de l'iceberg à la source du naufrage du Titanic. « Cette fois, nous savons tous qu'il y a un iceberg droit devant et, malheureusement, l'humanité se dirige sur lui très rapidement », affirme-t-il, se questionnant sur l'existence « de chemins alternatifs » à une catastrophe annoncée face aux « défis de la sécurité alimentaire et du changement climatique ».

« On doit accélérer le rythme car la menace est internationale », prévient-il. Aux leaders religieux, « je vous considère comme des messagers de la paix. Je n'exagère pas en disant que l'humanité a besoin de vos efforts » en consacrant leurs écrits et leurs prises de parole dans l'espace médiatique et religieux à promouvoir le bien par la solidarité et la collaboration.

« Nous devons relever ce défi car où nous en sommes n'est toujours pas suffisant », signifie en ce sens le grand rabbin de Grande-Bretagne Ephraim Mirvis. Au Forum, « nous constatons une harmonie entre les dirigeants mais elle doit également s'infuser jusqu'à la base. C'est bien et agréable pour des frères de s'asseoir dans cette salle dans la paix et l'unité, mais nous voulons que cela se produise parmi tous les juifs, tous les chrétiens, tous les musulmans, tous les enfants d'Abraham, pour jouir de ce qui est bon et agréable ».

« Ne pas répéter les erreurs des politiciens »

« Nous plantons des graines pour le futur (...) qui vont créer la paix dans le monde, et c'est l'objectif de ce forum », affirme, après quelques mots du secrétaire général de l'Organisation de coopération islamique (OCI), Hissein Brahim Taha, Rashad Hussain, l'ambassadeur américain chargé de la liberté religieuse internationale. « Chaque effort a son impact, c'est l'état d'esprit qui doit être le nôtre ». Il faut « envoyer des signes positifs aux jeunes », ajoute celui qui ne cache pas son grand respect à Abdullah Bin Bayyah.

« On parle des trains qui viennent en retard mais pas de ceux qui viennent à l'heure et qui représentent une majorité, déclare Abdallah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger, pour déplorer le peu de couverture médiatique des initiatives pour la paix. Si ce forum incitait à la haine, les critiques n'auraient pas manqué ».

Le travail n'en demeure pas moins nécessaire et les leaders religieux se voient adresser des conseils dont un très à-propos d'Azza Al-Karam, secrétaire générale de Religions for Peace, qui figure parmi les quelques femmes à intervenir au forum. Alors que les chefs religieux ont « l’obligation de rétablir la conscience morale des Hommes » pour reprendre les mots d'Abdallah Bin Bayyah, « il faut qu'ils fassent en sorte de ne pas répéter les erreurs des politiciens », soutient-elle avec force.

« La paix est un acte de travail ensemble pour servir l'humanité, comme Dieu l'a voulu », poursuit-elle. Ce travail gagnerait assurément en force et en puissance en se laissant infuser par la spiritualité, qualité qui fait bien défaut de nos jours jusque parmi des religieux. Pour Bob Boisture, le président de l'Institut Fetzer, « le 21e siècle a besoin d'être celui où l'humanité a besoin de se consacrer sur le progrès spirituel ». Un important challenge à relever pour contribuer à la paix.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur