Sur le vif

Au Loiret, élèves et parents musulmans dans le viseur de l'Education nationale

Rédigé par | Vendredi 4 Décembre 2015 à 08:30



Polémique au Loiret. La Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN) incite les chefs d’établissement et les directeurs d’école à lui signaler les faits portant « atteinte aux valeurs de la République » ainsi que les « phénomènes de radicalisation ». Dans sa note du 18 novembre 2015, soit cinq jours après les attentats de Paris, relative au « signalement des faits de violence et événements graves en milieu scolaire », les élèves ne sont plus les seuls concernés ; les parents le sont tout autant.

Dans la sous-section « atteintes au principe de laïcité », la DSDEN du Loiret a demandé que soit signalé tout « élève / groupe d’élèves / parent portant atteinte au principe de laïcité », ce qui inclut « les propos, le port de signes ou de tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ».

La note de la DSDEN ne se limite pas à une surveillance des élèves et de leurs parents. Les faits et gestes du personnel de l’établissement et les enseignants sont aussi scrutés. Dans la partie « atteinte à la sécurité et au climat de l’établissement », les grèves, les blocages, les rassemblements et les perturbations devront être signalés qu’ils aient ou non un lien avec une revendication nationale.

Une note propice aux amalgames

La note de signalement n’a pas tardé à faire réagir le syndicat Sud Éducation Loiret. « Nous refusons de stigmatiser des personnes en raison de leur pratique religieuse, nous refusons de véhiculer ces amalgames et d’entrer dans une démarche de délation généralisée ! », a-t-il fait savoir dès le 1er décembre. Sur la surveillance des enseignants, il estime « qu’un palier est franchi en appelant ainsi des personnels à surveiller d’autres personnels de l’Éducation nationale ».

Appelé à réagir sur le « fichage », le directeur de la DSDEN, Denis Toupry, s’est défendu en disant que « les items sont, certes, ambigus et ont pu prêter à l’interprétation, mais en aucun cas les données ainsi récoltées ne sont nominatives », ils permettraient de « mesurer l’évolution de certains phénomènes dans le temps ». Il a assumé « l’erreur » commise par la DSDEN dans la section concernant les signes religieux et tenues vestimentaires des parents. « Les tenues concernent naturellement les élèves et non les parents. C’est une erreur que nous allons rectifier », a-t-il déclaré à Libération. Cependant, « les "propos" que peuvent tenir les parents sur la laïcité seront, quant à eux, bel et bien signalés, de manière non nominative », est-il précisé à Europe 1.

Un appel au retrait lancé

Une « erreur » pour les parents qui n'est donc pas corrigé pour les élèves... Sur quelles bases des propos ou une tenue vestimentaire sera perçue comme « une atteinte à la laïcité » ou « un phénomène de radicalisation » ? A la longueur de la jupe ? A la couleur du vêtement ? Laissé à la subjectivité des enseignants, le risque d'amalgames est très grand. Cette affaire rappelle une polémique en novembre 2014 à l'académie de Poitiers lorsque des agents avaient été incités à détecter les « signes de radicalisation » selon l'apparence des élèves. Cette demande avait alors provoqué un scandale.

Le syndicat sud Education Loiret, pour qui la fiche est « propice aux amalgames et constituent une atteinte grave à nos libertés démocratiques et syndicales », a appelé l'académie d’Orléans-Tours au retrait de la fiche. Il a aussi invité toutes les organisations syndicales de l’Éducation nationale, les associations de parents d’élèves et les syndicats lycéens à s'associer à sa demande.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur