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Chroniques du Ramadan

Au-delà du Ramadan : adorer Dieu en islam

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Dimanche 7 Avril 2024 à 21:55

           


Quand on s'intéresse à l'être humain dans le Coran, son adoration de Dieu s'impose comme critère d'évaluation par excellence. Le meilleur des Hommes est celui qui adore Dieu. Le pire des Hommes est celui qui n'adore pas Dieu. Car, selon le Coran, l'adoration est chose commune à l'ensemble de la Création. Toute la Création adore Dieu par nature. Ce postulat de base complique la compréhension de cette action, la toute première action qui apparaît dans le Coran.

Procédons par un schéma simple en disant qu'il existe une seule et unique énergie, le tawhid. Cette énergie unique est « l'énergie divine » ou « l'énergie universelle » parce qu'elle est l'unique source à tout ce qu'il est possible de rencontrer sur terre et ailleurs dans le cosmos. Notre postulat du tawhid dira donc que l'adoration consiste à s'inscrire dans l'énergie divine, l'énergie de l'unicité du Tout, en dehors tout ce qui se passe se nomme transgression ou « péché ».

De ce fait, les minéraux adorent Dieu. Les plantes et les animaux adorent aussi Dieu, tout comme les étoiles et toutes les planètes du cosmos. Car ces créatures suivent le plan divin de l'énergie unique sans moyen de s'y soustraire. Ce cas vaut aussi pour les anges et autres créatures célestes dont toute l'existence est inscrite dans l'énergie universelle, sauf l'être humain et, accessoirement, les djinns.

Adorer Dieu, une banalité cosmique

Autrement dit, adorer Dieu n'est pas une spécificité humaine mais une banalité cosmique, une chose que fait toute la Création par défaut. La spécificité humaine serait plutôt de ne pas adorer Dieu. Par rapport à l'adoration, l'humain présente une aptitude singulière, une faculté qui le distingue du reste des créatures divines : un humain peut parfaitement mener sa vie en dehors de l'énergie cosmique.

Dans la narration coranique, la création de l'humain a des allures d'expérience de laboratoire. Dieu a les moyens de créer des milliards d'humains, mais Il choisit de n'en créer qu'un seul spécimen qu'Il dote de deux facultés complémentaires mais hautement dissemblables. La première de ces facultés est le libre arbitre, la totale liberté de faire le choix que l'on veut à l'image de Dieu Lui-même.

Rien que le projet d'une telle créature effraie les anges. Eux n'ont pas le libre arbitre, ils n'en veulent pas car ils savent le poids de la responsabilité qu'implique cette faculté. Donner le libre arbitre à une créature, c'est la faire à l'image de Dieu, l'acquitter des limites d'action dans l'énergie universelle. Un tel être est un danger pour lui-même et pour les autres.

Comment une telle créature peut-elle représenter Dieu sur terre ? Les anges s'étonnent de ce calife de Dieu. Au verset 30 de la sourate 2 : « Ils disent : "Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?" » Autrement dit, Vas-Tu prendre le risque d'un être qui pourrait ne pas Te louer alors que nous Te louons par nature ?

Dans ce verset, Dieu répond en annonçant la seconde faculté qui spécifie l'humain par rapport aux autres créatures. « Il dit : "En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas !" » Puis Dieu enseigna la science à Adam et interrogea les anges sur les caractéristiques de la création. Bien entendu, n'ayant pas de facultés cognitive : « Ils dirent : "Gloire à Toi! Nous n'avons de savoir que ce que Tu nous as appris. Certes c'est Toi l'Omniscient, le Sage". » (Sourate 2, verset 32). Bien entendu, Adam savait les réponses.

La capacité de l'être humain d'accéder au savoir et à la connaissance semble son atout majeur face aux autres créatures, fussent-elles célestes. Ce don humain, aptitude à la science, va de pair avec la faculté de faire des choix personnels ; toutes sortes de choix offerts sont des choix possibles à l'humain avec les conséquences évidemment différentes.

Pour en arriver à l'adoration en islam, notre sujet ici, signalons la nature duale de l'humain avec une entité génétique (le corps) et une entité spirituelle (âme). Un être multidimensionnel qui peut semer le désordre sur terre, là où l'ordre est la norme. Le pari de la vie est que l'humain demeurent dans la seule et unique énergie qui soit, malgré ou grâce à ses qualités spécifiques. De ce fait, l'adoration se résume à tout ce qui permet à l'humain d'agir dans le sens des énergies cosmiques, universelles.

De manière concrète, pour vivre selon l'énergie naturelle, il suffit de suivre les consignes divines qui sont communiquées à chaque peuple par les Envoyés de Dieu. En tout temps, tout peuple a reçu des Envoyés de Dieu dont les plus connus sont les wali, les prophètes et les messagers.

Le problème fut de reconnaître un Envoyé de Dieu qui est toujours un humain comme les autres. Il était délicat de reconnaître un prophète dans son rôle d'Envoyé de Dieu. Le Prophète de l'islam est un cas d'exemple, mais il y en a eu d'autres avant lui. « Et nous avons certes envoyé, avant toi, (des Messagers) parmi les peuples des Anciens. Et pas un Messager ne leur est venu sans qu'ils s'en soient moqués. » (Sourate 15, versets 10-11) Celui qui reconnaît le Prophète de l'islam suit alors sa parole.

La ritualisation excessive ouvre la voie à une orthopraxie qui peut être toxique quand les pratiques, les « actes d'adoration », se substituent à l'adoration

Avec la donnée prophétique, l'adoration consiste à respecter l'enseignement du Prophète qui est de devenir un Coran vivant. Si ce « Coran sur pied » semble un idéal, le chemin pour l'atteindre est la réalité la plus partagée des musulmans. Le Prophète de l'islam agit vraiment en « dernier Messager de Dieu » comme la dernière chance de l'humanité pour renouer sa nature profonde. Cette urgence collective se décline, au niveau individuel avec les « actes d'adoration », les ibadats.

Les actes d'adoration ont une place prépondérante en islam. Ils donnent une identité à l'individu, à la fois sociale et spirituelle. Les ibadats structurent le groupe au niveau local et servent de liens à l'ensemble des musulmans au niveau mondial pour former la oumma.

Qu'il s'agisse du rite quotidien de la salat, du jeûne annuel du mois de Ramadan, de l'impôt de la zakat, ou du hajj à La Mecque pour les musulmans, les actes sont nombreux pour adorer Dieu en islam. Certains sont obligatoires ; ceux-là sont codés, ritualisés pour poser un socle commun dans la forme et le contenu pour la oumma ; l'ensemble de la communauté de foi au niveau de la planète.

La ritualisation excessive ouvre la voie à une orthopraxie qui peut être toxique quand les pratiques, les « actes d'adoration », se substituent à l'adoration. C'est alors que le fidèle est scrupuleux dans ses actes d'adorations mais sans le souci de Dieu ; sans aucun espace d'intimité avec Dieu en dehors des moments sociaux inscrits dans le code de conduite rituel. Ce musulman a « mille fleurs dans son jardin extérieure pendant que son jardin intérieur est sec » et laissé à l'abandon.

L'orthopraxie islamique est la volonté d'adorer Dieu selon des règles conformes à la norme fixée par le Prophète ; les règles de la loi religieuse. La science des devoirs religieux est une spécialité des études musulmanes. Elle soutient l'orthopraxie en fixant l'adoration de Dieu à des moments précis et à des conditions déterminées. Par conséquent, entre deux moments d'adoration, il n'y a ni Dieu ni préceptes divins. De là, une schizophrénie sociale convaincue que l'hypocrisie est ontologique dans l'adoration en islam ; la caricature d'adoration qu'on trouve dans la littérature et nos médias.

L'adoration de Dieu, un engagement concret qui pousse le fidèle à des actions de service

« Adorer » au verset 4 de la sourate Fatiha se limite pas un acte précis. « Adorer Dieu » est un acte qui commence par le choix d'agir selon l'énergie universelle, selon la loi divine, la loi du Prophète de l'islam en renonçant à toute autre voie.

« C'est Toi que nous adorons » veut dire : à Toi nous nous soumettons. Nous renonçons librement à notre volonté propre pour nous soumettre à Ta volonté. Nous renonçons à nos opinions, à nos idées pour endosser les Tiennes. Nous plaçons nos désirs, nos plaisirs et ambitions sous la gouverne des Tiens. Car la seule et unique cause que nous puissions servir est Ta cause.

L'adoration de Dieu en islam n'est ni rêveries, ni spéculations philosophiques. L'adoration de Dieu n'est pas une divagation émotionnelle. Elle est plutôt un engagement concret qui pousse le fidèle à des actions de service, des actions concrètes où il renonce à sa volonté propre et devenir un dévoué de Dieu, Son serviteur volontaire à plein temps. Une situation exigeant humilité et modestie face à la Toute-Puissance divine alliée à Son Amour sans borne pour Sa Création.

Adorer Dieu, c'est accepter de devenir Sa propriété, à l'image de l'esclave au service du maître. Cette image est gênante au XXIe siècle, et c'est tant mieux. Les rapports entre maître et esclave sont sortis de nos références. Notre image va plus loin pour parler d'auto-esclavagisation ; une manière un peu choquante de dire qu'adorer Dieu, c'est le placer en priorité première qui ne supporte aucune autre priorité avant elle. C'est pourquoi adorer, c'est initier mais au nom de Dieu. Adorer, c'est renoncer à posséder sauf nom de Dieu. Adorer ranger ses idées, ses responsabilités selon la volonté de Dieu.

Derrière ces positions tranchées, excessives, il y a la notion de « foi musulmane » que nous n'aurons pas l'occasion d'aborder. Mais la foi en Dieu est indispensable pour l'adoration de Dieu. En islam, la foi de référence est la foi de l'enfant à sa naissance. Foi pure et authentique dans un état originel que l'on nomme état de fitra. Autrement, c'est la foi du charbonnier qui ne s'encombre pas de théorie mais qui vit sa vie. La foi islamique est ancrée dans la réalité de la vie matérielle et sociale où elle agit en comptant sur le Secours de Dieu ; le thème de notre prochaine chronique.

Les meilleures louanges sont à Dieu. Puisse-t-Il affermir nos cœurs dans l'adoration. Fasse que nos vies se déroulent dans le courant de l'énergie universelle. Que nos êtres vibrent à la fréquence de la foi pleine et totale en Dieu. Paix et miséricorde divines sur tous les Envoyés de Dieu et tous ceux qui les aiment. Prenons rendez-vous dans nos dou’as à l'heure de l'iftar.

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur


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