Chroniques du Ramadan

Au nom de Dieu, bismillah - La basmala de tout les débuts

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Mardi 26 Mars 2024 à 16:25



La basmala est le nom arabe d'une expression coranique qui balise le Coran, s'installe dans le Livre pour ensuite exploser dans l'usage en s'éparpillant dans une foule de sens à faire oublier ses eaux de naissance. En arabe, la basmala se dit « Bismillahi, Ar-Rahmani, Ar-Rahimi ».

« Au nom de Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux » est la traduction du professeur Muhammad Hamidullah. L’islamologue Salah Eddine Kechrid traduit cette locution par : « Au nom de Dieu, le Miséricordieux par essence et par excellence. » Quant à sa consœur Denise Masson, elle entend la basmala comme : « Au nom de Dieu, celui qui fait miséricorde, le Miséricordieux. »

Dalil Boubakeur, recteur de la Grande mosquée de Paris, fut la référence de l'islam en France avant la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) mais après Hamza Boubakeur, son père. Le père Boubakeur a laissé une traduction du Coran où la basmala se dit : « De par le nom de Dieu, Tout-Miséricordieux, Tout-Compatissant. »

Loin du cercle des musulmans, les traducteurs du Coran en français sont chrétiens, juifs, voire athées. C'est ainsi que l’anthropologue orientaliste Jacques Berque rend la basmala par « Au nom de Dieu, le Tout miséricordieux, le Miséricordieux ». Le penseur israélien André Chouraqui s'est penché sur le Coran pour le traduire, il rend la basmala par « Au nom d'Allah, le Matriciant, le Matriciel ».

Une formule qui devient un trieur permettant d'identifier le divin ou de l'introduire

Le message de la basmala est intéressant. L'importance se trouve cependant dans la relation entre le Coran et la basmala. Le Prophète reçoit deux types de révélations : les hadiths qutsi et les versets coraniques. Les deux sont proches mais de natures très différentes.

Le hadith qutsi est inspiré ; l'idée et le message sont divins. Les phrases pour les dire sont celles du Prophète, elles sont de lui. L'approche que les chrétiens ont des Évangiles : inspirées par Dieu pour une formulation humaine. Alors que la forme et le fond du Coran sont tous divins. Après quelques révélations, la confusion fut levée car la révélation de versets commençait alors par la basmala. Les compagnons furent rassurés. Les versets devaient être écrits et codifié. On faisait venir les scribes pour ce travail qui n'existait pas autour du hadith qutsi.

« Bismillahi ar-Rahmani ar-Rahimi » devient un tamis, un trieur permettant d'identifier le divin ou de l'introduire. C'est ainsi que la basmala annonce chaque sourate du Coran sauf une, la sourate 9 ; le Repentir. C'est ainsi que la piété commence par la basmala. Car toute action qui commence sans la basmala est une action handicapée par manque de bénédictions (barakat) ; « une action amputée » dit le Prophète.

On dit la basmala pour sortir de son lit le matin. On dit « bismillah » pour faire sa toilette, pour manger comme pour sortir de chez soi. « bismillah » aussi pour prendre le bus ou démarrer sa voiture... Le lecteur du Coran dit « bismillah » avant de lire... Et le soir, on dit « bismillah » pour se mettre au lit.

La basmala pour le top départ de toute action bénéfique

Dans la tradition, avant le téléphone portable pour prendre rendez-vous, le visiteur débarquait sans prévenir. On l'accueillait avec les formules de politesse conventionnelle. Puis, une fois épuisée la convention, on lui disait « bismillah » pour connaître l'objet de la visite. C'était une invitation mais aussi une prière d'invocation de l'aide de Dieu pour l'entretien, quel qu'en soit le caractère. Certaines familles indiennes organisent la « cérémonie de la basmala » quand un enfant commence l'apprentissage du Coran. On lui met de beaux habits et on prépare certains plats spéciaux pour cette occasion. On invite la famille et l'enfant a l'honneur de réciter la Fatiha pour ouvrir la fête. La basmala est installé dans les usages comme une prière de bénédiction montrant qu'on reconnaît ses limites, qu'on invoque Dieu pour s'en remettre à Lui en toute confiance. Au point que « bismillah » signifie désormais « on peut commencer », comme le top départ de toute action bénéfique.

L'exégèse du Coran relève la basmala dans la première révélation : « Lis au nom de ton Seigneur qui a créé. » (sourate 96, verset 1) Un verset révélé à un moment où le Prophète ne sait rien du Coran ni de la religion islam. Preuve qu'il faut d'abord connaître Dieu avant de connaître le Coran et l'islam. « Connaître Dieu » est la constante au cœur de la mystique musulmane. Le mystique cherche à incarner le Coran pour devenir un « Coran sur pied », à l'image du le Prophète. Il commence donc sa quête par incarner « bismillah » ; d'où la place exceptionnelle de la basmala dans la mystique. Selon le calife Ali, l'un des plus grands mystiques parmi les compagnons du Prophète : « La totalité du Coran se trouve dans Sourate Fatiha. Et toute la Fatiha se trouve dans bismillah...»

Pourquoi la basmala fait défaut à la sourate At-Tawba ? Les arguments avancés sortent du cadre de la fatihalogie. Pour éviter cette polémique disons que la sourate 27 (An-Naml, Les fourmis) compte une basmala en entête et une au verset 30. En définitif, il y a 114 basmala dans le Coran, autant que de sourates et ce détail rétablit une cohérence chère aux approches ésotériques du Coran.

Impossible cependant d'éviter la divergence sur la nature de la basmala dans la sourate Fatiha. Deux avis sont tranchés. L'un considère la basmala comme le premier verset de la Fatiha et l'autre dit que la basmala est une en-tête à la Fatiha comme aux autres sourates du Coran. Dans notre étude de la sourate Fatiha, la basmala est une en-tête qui annonce la parole divine, nous ne la comptons pas parmi les sept versets de la Fatiha. Au mieux, dans la Fatiha comme dans d'autres sourates, la basmala est le verset numéro zéro.

La basmala finit par « Ar-Rahman, Ar-Rahim », qui est le verset 2 de la sourate Fatiha. Nous y reviendrons plus tard pour établir combien la basmala est désormais dans une place centrale pour l'avenir de l'islam au XXIe siècle. Avant cela, nous porterons un regard global sur la structure thématique de la Fatiha pour montrer sa nature de contrat divin.

Les meilleurs des louanges sont à Dieu. Il est le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux qui se suffit à Lui-même. En Lui nous avons foi. Puisse nos actions se déployer en son nom sublime. Paix à tous Ses Envoyés et leurs successeurs. Rendez-vous dans nos dou’as à l'iftar.

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de… En savoir plus sur cet auteur