Sur le vif

Autriche : une « carte de l’islam » présentée par le gouvernement provoque l’indignation des musulmans

Rédigé par Myriam Attaf (avec AFP) | Lundi 31 Mai 2021 à 13:30



En Autriche, la présentation jeudi 27 mai d’une « carte de l’islam » a provoqué un véritable tollé parmi les musulmans, dénonçant « une stigmatisation » les « exposant massivement à l’insécurité ». Dans un communiqué de presse, la principale fédération musulmane d'Autriche, (IGGÖ) a pointé du doigt une initiative qui « témoigne d’une intention manifeste du gouvernement de stigmatiser tous les musulmans comme un danger potentiel ».

La ministre de l’intégration, Susanne Raab, avait annoncé la mise en ligne d’un nouvel outil nommé « carte nationale de l’islam » permettant de trouver les noms et adresses de plus de 600 mosquées et associations du pays, ainsi que l’identité de leurs responsables et leurs liens éventuels avec des pays étrangers. Si cette carte a suscité une vive inquiétude, Susanne Raab a assuré qu’il ne s’agissait pas de « lancer un soupçon généralisé sur les musulmans », mais de repérer dans les « arrière-cours » des « idéologies » remettant en cause « les valeurs de la démocratie libérale ».

« Imagineriez-vous que l’on puisse produire une telle carte du judaïsme ou de la chrétienté en Autriche ? », s’est indigné Tarafa Baghajati, militant, écrivain et membre fondateur de l’organisation Initiative des Autrichiens musulmans (IMO), évoquant un amalgame entre le terrorisme et une religion pratiquée par près de 8 % de la population autrichienne. « C’est inquiétant et je suis déçu par ce gouvernement qui reprend le programme de l’extrême droite », a-t-il ajouté.

Les participants au projet s'en désolidarisent

Cette carte, qui est le résultat d’une collaboration entre l’Université de Vienne et le Centre de documentation sur l’islam politique, un organisme créé en 2020 par la coalition entre les Conservateurs et les Verts, a également poussé ces derniers à prendre leurs distances avec le projet. « Aucun ministre ou député écologiste n’a été ni impliqué ni informé », a affirmé la porte-parole de l’Intégration au sein du parti écologiste des Verts, Faika el-Nagashi. « Ce projet qui mélange musulmans et islamistes est le contraire de ce à quoi devrait ressembler la politique d’intégration. »

Sa création survient après qu’une attaque terroriste perpétrée en novembre 2020 en plein cœur de Vienne a coûté la vie à quatre personnes. Depuis ce drame, une augmentation des attaques physiques et verbales contre les musulmans a été observée sur le territoire.

Selon une association chargée de recenser les signalements des agressions islamophobes, près de 1 402 actes, majoritairement sur la Toile, ont été notifiés en 2020. Une hausse de 33 % qui ne risque pas d’être endiguée par une initiative qui, selon l'IGGÖ, ne fera « qu’alimenter le racisme qui ne cesse de croître à l’encontre des musulmans, exposés à un risque de sécurité majeur ». L’association dénonce, par ailleurs, une « instrumentalisation du savoir » de l’Université de Vienne, associée à la création du document, ainsi que des informations partiellement fausses. Elle dit avoir été contacté par de « nombreuses personnes dont le nom figure sur le site ».

Loin de s’en tenir à de simples protestations, l’organisation La jeunesse musulmane d’Autriche (MJO) a annoncé son intention de porter plainte contre le gouvernement samedi 29 mai. L’Université de Vienne a choisi, pour sa part, de se distancier du projet controversé et demandé à ce que le logo de son établissement soit retiré de la carte. La Turquie a également protesté contre l'initiative gouvernementale, la jugeant « inadmissible » par la voix du ministère des Affaires étrangères.

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