Religions

Aux 50 ans du SNRM, un dialogue islamo-chrétien aujourd’hui plus que jamais nécessaire

Rédigé par | Mardi 17 Septembre 2024 à 20:00

Le Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) a célébré en ce mois de septembre son cinquantenaire à Paris. Une occasion qui est allée au-delà d'un inventaire d'expériences afin de « réaffirmer la précieuse amitié qui s’est nouée et se développe encore entre catholiques et musulmans » et « exprimer le désir de poursuivre un dialogue en vérité, spirituel et au service de toute la société ».



Le Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM) a célébré, jeudi 12 septembre 2024, ses 50 ans à Paris.
Plusieurs centaines de personnes ont fait le déplacement, jeudi 12 septembre, au siège de la Conférence des évêques de France (CEF) pour y célébrer les 50 années du Service national pour les relations avec les musulmans (SNRM). Initialement prévue en 2023, les organisateurs avec, en tête, Jean-François Bour, actuel directeur de cette instance du dialogue, ont décidé « après l’attaque terroriste mené sur le territoire israélien et l’extrême violence de la riposte contre la bande de Gaza » de reporter la célébration. C’est dire que l’évènement était attendu par tous les acteurs qui travaillent au quotidien la question du dialogue islamo-chrétien.

Un format très studieux a été retenu pour célébrer ces 50 ans. Une succession d’exposés et de tables rondes ont tenté de restituer la grande épopée de la relation islamo-chrétienne, puis du dialogue islamo-chrétien, sous les éclairages historique, sociologique, théologique et spirituel.

Construire « une unité de l’humanité en tenant compte des differences et des tensions qui existent inévitablement »

L’atrium a accueilli plusieurs paroles officielles dont celle de Mgr Eric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la CEF, qui a eu la délicate tâche de lancer la journée. Pour le prélat, ce dialogue participe certes au « bien commun » mais il est aussi « une exigence de la foi » qui vise « à faire monter le niveau spirituel de notre humanité ». L’ambition, affirme-t-il, n’est pas seulement de tenter de façon statique d’obtenir la paix mais plutôt de construire « une unité de l’humanité tout en tenant compte des différences, des tensions et des polarisations qui existent inévitablement ».

Marquer le cinquantenaire du SNRM n’est pas « seulement une commémoration » mais bien « un évènement qui est fêté » avec tout ce qu’il y a « d’inédit et de possibilités nouvelles », indique l’archevêque. « Nous vivons aujourd’hui, ici en France au sein d’une communauté nationale composée de personnes de foi et de croyance différente. Notre société cherche parfois à tâtons à donner à chacun sa place. Cette unité est fondée sur la liberté religieuse et la liberté de conscience. C’est totalement inédit dans l’histoire de l’humanité que des hommes et de femmes de religions différentes existent à égalité de droit ! Cette situation doit nous faire accepter l’existence des couples mixtes, qu’il y ait des conversations et des passages d’une religion à une autre, de pouvoir aussi avoir la possibilité de présenter notre foi de la façon la plus attractive qu’il soit, mais sans esprit de domination », conclut-il, avant de laisser la parole au recteur de la Grande Mosquée de Paris.

« En ce jour de célébration, j’exprime ma profonde gratitude au SNRM pour son engagement permanent en faveur de l’interconnaissance et de la solidarité entre chrétiens et musulmans », fait part Chems-Eddine Hafiz, qui déclare placer « beaucoup de confiance en notre foi commune en Dieu et à la possibilité de cultiver les valeurs humanistes que nous partageons dans le respect des caractéristiques et des richesses propres à nos cultes ».

Un dialogue qui doit « se faire et se donner à voir avec l’ensemble des membres de notre société »

L’État, par la voix de Juliette Part, cheffe du Bureau central des cultes, estime que « le dialogue interreligieux n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui » dans un contexte international crispé par les conflits internationaux mais aussi au sein de notre vie nationale tumultueuse ». La cheffe du BCC prend tout de même le soin de resituer le positionnement de l’État, et ce pour éviter toute ambiguïté : « Il peut l’accompagner mais n’a pas nécessairement vocation à être impliqué, c’est même plutôt l’inverse (…). En effet, il doit exister impérativement sans les services de l’État. »

« Notre conviction aussi, c’est que ce dialogue doit certes se faire entre les hommes et les femmes de foi mais il devrait se faire entre les jeunes générations (….), et enfin se faire et se donner à voir avec l’ensemble des membres de notre société », ajoute Juliette Part, pour qui « ce dialogue peut contribuer à apaiser les tensions au sein de la société ».

Un vibrant hommage a été rendu à Michel Lelong, premier directeur du SNRM (SRI à l’époque), aujourd’hui disparu, par son ami, Mustapha Cherif, avant de laisser place à une messe d’action de grâce présidée par l’archevêque de Rabat.

Le défi de la transmission aux jeunes générations

Cette longue journée aura donné un petit aperçu sur l’étendue et la richesse des connaissances à propos de la relation islamo-chrétien. Une connaissance qui semble emprunter le chemin de la coproduction avec les acteurs musulmans comme peut en témoigner le chantier théologique qui a rendu compte de ses travaux par ce titre très explicite : « Penser ensemble : le défi d’une théologie en dialogue. »

Mais le grand défi qui attend les acteurs tant catholiques que musulmans sera la transmission de cette matière précieuse aux plus jeunes générations qui devront affronter des temps qui risquent d’être sans doute plus difficiles. Or, si au niveau des participants, la jeunesse était complètement absente de la journée, elle était en revanche bien présente dans les discussions. En effet, les enjeux liés à la scolarité en école catholique ou encore la question des mariages mixtes sont des sujets de préoccupation pour les acteurs du dialogue interreligieux.

Le père Vincent Feroldi, ex-directeur du SNRM, évoque entre autres la nécessité de travailler à l’édition d’outils pédagogiques ouvert au pluralisme religieux étant donné que l’école catholique accueille un nombre chaque année plus croissant d’enfants musulmans. Même si les dynamiques de jeunesse existent bien, Ramzi Aït-Djaoud, co-président du Groupe d’amitié islamo-chrétienne (GAIC) a fait part à Saphirnews du long investissement que cela nécessitait pour sensibiliser les jeunes publics à ce type de dialogue qui, au premier abord, ne voient pas d’intérêt particulier à l’épanouissement de leur foi. Il reconnaît cependant que les formats tels que les rencontres de Taizé facilitent le travail d’approche et de transmission, surtout auprès d’un public issu des quartiers populaires.

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