Société

Avec Baytouna, un toit pour les femmes sans-abris

Rédigé par Imane Youssfi | Vendredi 3 Février 2017 à 08:00

L'hiver ne fait pas de cadeaux aux sans-abris et aux personnes les plus vulnérables. Créée en 2014 à partir d’un collectif d’associations, Baytouna vient en aide aux femmes qui se retrouvent à la rue. L’association musulmane a mis en place un centre d’hébergement qui permet le suivi de ces femmes sans domicile. Mais aujourd'hui, elle peine à régler ses factures, nécessaires au maintien de leur centre. Rencontre.



Le centre d'hébergement de l'association Baytouna à Argenteuil (Val d'Oise).
« Ça pourrait être moi, ça pourrait être ma mère, ma sœur… ça peut être tout le monde », s’indigne Virginie P., présidente de l’association Baytouna. La jeune femme, qui souhaite ne pas faire connaître son nom, s’y investit à temps plein et se bat au quotidien pour permettre à des femmes sans toit de vivre dans la dignité.

Depuis 2015, la structure francilienne a hébergé 21 femmes dans un pavillon situé à Argenteuil, dans le Val d’Oise, qui peut héberger jusqu'à huit femmes. « Il y a des femmes dont les parents sont décédés qui se retrouvent dehors, des femmes divorcées, des mères dont les enfants ne s’occupent plus », explique Virginie. Les trajectoires de vie sont différents mais les femmes recueillies ont des caractéristiques communes : elles n'ont pas d’enfants, ne sont pas enceintes, sont en situation régulière et en pleine capacité de leur moyens physiques et intellectuels.

L’association, reconnue d’intérêt général depuis novembre 2016, permet aux personnes aidées d'être suivis par des éducatrices et assistantes sociales bénévoles. Sur les 21 femmes hébergées depuis 2015, quatre d’entres elles ont trouvé une colocation après leur départ et quatre autres ont trouvé leur propre appartement.

Le parcours du combattant pour Baytouna

Depuis ses débuts, Baytouna se voit confronter à de véritables obstacles. Après une longue attente, l’organisation réussit à obtenir un logement dès décembre 2014 mais ne pouvait commencer concrètement à offrir un service d'hébergement qu’en mars 2015 car le pavillon nécessitait des travaux.

Coup du sort, quelques mois plus tard, après les attentats du 13 novembre 2015, la police effectuait une perquisition dans les locaux de l’association. « Sur l’avis de perquisition, il était marqué que Baytouna était fréquenté par des personnes menaçant l’ordre et la sécurité publique », indique Virginie, toujours dans l'incompréhension treize mois après les faits. Etait visé le président de l'époque de Baytouna dont le frère était accusé d'être parti en Syrie. Il n'en fut rien. « On ne fait rien de mal. Nous hébergeons des femmes qui n'ont rien. Qui sont à la rue, ou pratiquement. On nous a laissé un document où il est indiqué que nous représentons un danger. S'ils s'étaient renseignés avant, ils auraient su qu'il n'y avait rien à trouver », avait-elle déclaré à l’époque. Plusieurs portes avaient été enfoncées.

Depuis, c’est silence radio du côté des autorités auprès de qui Virginie voudrait obtenir des explications quant au fondement de la perquisition à l'issue de laquelle il n'y a eu ni garde à vue, ni convocation au commissariat : « Nous avons envoyé une lettre recommandée à la préfecture du Val d’Oise mais nous n’avons jamais eu de réponses. Ils ne sont jamais revenus vers nous. » L’association estime ne rien avoir à se reprocher et doit faire des pieds et des mains pour débloquer une situation qui l'empêche de mener à bien ses actions. En effet, depuis la perquisition, leur compte Paypal bloqué et Baytouna fait face à des difficultés pour obtenir des subventions.

En cette période de grand froid, les difficultés financières ont obligé Baytouna à stopper l'accueil de nouvelles personnes pour ne se concentrer que sur les quatre hébergées présentes en date de février. « C’est dommage parce que c’est vraiment la période où on en a le plus besoin », se désole Virginie. Des associations partenaires leur viennent en aide en leur livrant des colis alimentaires et en contribuant au paiement d’une partie du loyer.
Mais cette aide reste insuffisante. Espérant obtenir de l'aide du plus grand nombre, une cagnotte sur la plateforme de crowdfunding Cotizup a été créée. « Nous avons des échéances, si nous ne payons pas EDF, l’eau, le loyer, ce sont les filles que nous hébergeons qui vont se retrouver dehors ». Les charges mensuels incompressibles sont effectivement très élevées, « 2500€ par mois » mentionne Baytouna sur les réseaux sociaux.

« J’aimerais avoir mon indépendance »

Une des chambres où sont hébergées les femmes SDF.
Naïma* est hébergée au pavillon d’Argenteuil depuis septembre 2016. Après une rupture avec son conjoint, la jeune femme, à l'aube de la trentaine, s’active depuis plusieurs mois à chercher un toit. Impossible de retourner chez sa famille qui habite à des kilomètres du nord de Paris.

Après deux colocations en quelques mois, elle s'est retrouvée face à un dilemme qui l'a obligé à quitter l’appartement où elle co-habitait. « J’ai failli me retrouver à la rue », témoigne-t-elle auprès de Saphirnews. Une connaissance l’a mise en contact avec Baytouna, « ça s’est fait rapidement, j’ai vite anticipé. J’aurais pu ne pas avoir eu cette chance » que Baytouna a donné avant qu'elle ne puisse cesser d'accueillir plus de femmes.

Aujourd’hui, Naïma n’a qu’une envie, aller de l’avant. De nouveaux rebondissements dans sa vie personnelle l’aide à avancer depuis son hébergement à Baytouna, comme cette nouvelle formation dans le secteur médical qu’elle vient de commencer. Pour autant, elle souhaite que cette situation ne soit que temporaire : « J’aimerais avoir mon indépendance et mon logement. »

Baytouna, qui signifie en arabe « notre maison », est certes une association musulmane mais Virginie, elle-même convertie à l'islam, assure que les femmes de toutes convictions sont les bienvenues pour solliciter de l'aide. Encore faut-il que Baytouna puisse être aidée dans son activité à but social. La situation des femmes sans domicile fixe reste alarmante en France. Selon l’INSEE, elles représentent 40 % des SDF, soient deux personnes sur cinq sans-abris.