Sur le vif

Avec l'affaire Cédric Herrou, le délit de solidarité de retour

Rédigé par | Jeudi 5 Janvier 2017 à 13:46



« Ce que je fais n'est pas un sacrifice, c'est un honneur », a déclaré Cédric Herrou avant son procès. Près de 300 personnes avait fait le déplacement au palais de justice de Nice ce mercredi 4 janvier pour soutenir l’agriculteur.

Le procureur de la République a requis huit mois de prison avec sursis contre cet Azuréen de 37 ans. Son crime ? Avoir aidé 200 personnes en situation irrégulière à passer la frontière franco-italienne. L'agriculteur, qui a fondé l'association Roya Citoyenne pour porter secours aux migrants de passage dans la vallée de la Roya, est aussi poursuivi pour avoir ouvert un camp illégal avec 57 migrants dans un bâtiment désaffecté de la SNCF, à Tende, en octobre 2016, pour les soigner, les héberger et les aider à repartir.

« J’ai ramassé des gamines qui ont tenté 12 fois de passer la frontière, il y a eu des morts sur l’autoroute… J’ai fait ce que j’ai fait parce qu’il fallait le faire. Mon inaction me rendrait complice d’un État qui met des frontières en place mais qui ne gère pas du tout leurs conséquences », s’est-il défendu. Avec cette affaire, Cédric Herrou bénéficie d'un soutien populaire. En décembre, plus de 4 000 internautes de Nice-Matin l'élisaient « Azuréen de l’année ».

Un geste qu'il ne regrette pas

Le procureur de la République Jean-Michel Prêtre y voit pour sa part un militantisme actif de la part de l'accusé qui aurait voulu ce procès, « qui procède d'une stratégie générale de communication, de portage militant d'une cause et qui fait que la justice est saisie aujourd'hui de faits reconnus ».

« Cédric Herrou a clairement revendiqué son action et reconnu avoir violé la loi. Cette audience procède d’une intention générale de communication. C’est une tribune politique. Mais ce n’est pas à la justice de donner une leçon de démocratie. On peut critiquer les lois, mais tant qu’elles ne sont pas modifiées, elles doivent être appliquées », a-t-il déclaré.

Pourtant, fin 2012, le gouvernement supprimait le délit de solidarité. Auparavant, les individus ou associations qui venaient en aide à un clandestin risquaient jusqu'à cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende. Cependant, la loi abrogée concernait l'aide au séjour et non l'aide à l’entrée et à la circulation dans le pays à laquelle Cédric Herrou pourrait bien être condamné.

« Je risque la prison pour avoir aidé des migrants : je ne regrette rien et je continuerai », a fait savoir l'agriculteur dans une tribune à L'Obs dans l'attente du verdict qui aura lieu le 10 février. « Moi, j’attends la relaxe : c’est l’État qui est dans l’illégalité, et tous les habitants de la vallée en sont témoins. »

Mise à jour : Cédric Herrou a été condamné en février par le tribunal correctionnel de Nice. Pour en savoir plus.

Lire aussi :
Sans-papiers : fin du délit de solidarité