Culture & Médias

Azhar Usman : humoriste, musulman et citoyen du monde

Rire contre les préjugés

Rédigé par Mariame Tighanimine et Nadya Boumelik | Vendredi 2 Octobre 2009 à 00:28

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais il a inspiré l’anti-héros le plus drôle de la célèbre série télé canadienne « La Petite Mosquée dans la prairie ». Azhar Usman est un comédien qui fait un carton aux États-Unis et qui arrive en Europe. Focus sur ce génie du stand-up, qui allie avec brio humour et intelligence.



Azhar Usman : « Je n’ai pas choisi la comédie, c’est la comédie qui m’a choisie ! »
Quand on demande à Azhar Usman ce qui l’a amené à l’humour et à la comédie, il répond tout en sourire : « Je n’ai pas choisi la comédie, c’est la comédie qui m’a choisie ! » Cet avocat de formation a du talent, beaucoup de talent, et il ne faut surtout pas se méprendre.

Même si son activité principale consiste à faire rire un public hétéroclite, cet « artiste-activiste », comme il aime à se définir, ne fait pas dans la bouffonnerie. « Il n’y a pas trop de différences entre le fait d’exercer le métier d’avocat et celui d’être humoriste. Dans les deux cas, il faut être un bon orateur, savoir contrôler les mots et être très structuré dans sa pensée », confie-t-il à Saphirnews. « En apparence, on pourrait croire que faire rire est chose facile. Mais, en réalité, il y a des techniques derrière tout cela. Pour être un bon avocat − ou un bon humoriste −, il faut avoir une bonne argumentation. »

La critique de l’« oummathéisme »

CNN l’a surnommé le « musulman le plus drôle d’Amérique ». Azhar Usman a monté aux États-Unis deux spectacles devenus très populaires, « Allah made me Funny » (« Allah m’a rendu drôle »), ainsi que « The Official Muslim Comedy Tour » (« La Tournée officielle de la comédie islamique »). Producteur, il est à l’origine d’un documentaire sur la « Tournée officielle », qui a été distribué dans des cinémas américains fin 2008 et est devenu très vite l’un des vingt premiers films d’humoristes américains.

De passage à Paris les 28, 29 et 30 septembre, ce Chicagoan d’origine indienne a pu animer en anglais, au Théâtre Popul’air du Reinitas (20e arrondissement), un débat sur le thème du rire contre les préjugés, devant un public composé pour l’essentiel de comédiens français. L’occasion de se confronter à la tradition humoristique française.

Interrogé sur les différences qui peuvent exister entre la France et les États-Unis dans leur rapport à l’humour et à l’intégration du fait religieux dans celui-ci, Azhar explique qu’il ne rit pas de la religion en elle-même : « Je ne me le permettrai jamais. Ce dont je parle dans mon spectacle, ce que je dénonce, ce sont les dérives des hommes, la bêtise de certains propos, certaines pratiques. » Comme celle qu’il nomme l’« oummathéisme », cette nouvelle tendance qui aurait, selon lui, remplacé le polythéisme de l’époque antéislamique, créant aujourd’hui une obsession pour la « oumma », allant jusqu’à oublier le principal, le Divin. Ces propos, il les tient avec beaucoup d’humilité et de conviction.

Un « artiste global »

Menant une carrière d’envergure internationale, Azhar Usman s’est produit dans plus de vingt pays sur les cinq continents. Rien d’extraordinaire pour un homme cosmopolite, très attentif à la manière dont l’islam et les musulmans sont perçus de par le monde, notamment en France.

« Il y a une certaine absurdité dans le fait de taxer les hommes et les femmes de confession musulmane de communautarisme », dit-il lors d’une discussion engagée avec Saphirnews sur le sort des musulmans de France. « Ce sont ceux qui les accusent de communautarisme qui sont communautaires. Ces hommes et ces femmes de confession musulmane viennent généralement des quatre coins du monde, ont des origines différentes. Ils sont ouverts sur le monde et sont en phase avec la globalisation. »

« Je suis un citoyen du monde », revendique Azhar, une réalité et un vécu qui sera le nom de son prochain projet pour la télévision américaine. Son identité est « multiple », dit-il, fragmentée : une manière très américaine d’appréhender cette question de l’identité − ô combien complexe −, qui a su néanmoins trouver un écho aux États-Unis, là où, en France, le débat reste creux, voire instrumentalisé.

Pourtant, la plupart des penseurs américains qui ont consacré leurs travaux à ces questions ont lu des philosophes… français, dont l’œuvre a été marginalisée dans l’Hexagone. « La France n’a pas la même maturité, le même recul que les États-Unis avec son Histoire, celle de son immigration. Elle finira par l’avoir… », analyse Azhar Usman, même s’il demeure très critique à l’égard des politiques menées par son pays.

Très engagé dans la lutte contre les préjugés, l’artiste est membre du bureau de la fondation Nawawi, qu’il a cofondée, une organisation à but non lucratif dédiée à la recherche sur l’islam.

Humoriste pas comme les autres, humoriste conscientisé, Azhar Usman est un homme de terrain, qui parcourt le monde avec un objectif : celui de faire rire en faisant évoluer les mentalités.


Voir le site d'Azhar Usman : www.azhar.com et le rencontrer sur Facebook.