Finance éthique

Banque islamique : mode d'emploi

Entretien avec Imane Karich, spécialiste du système financier islamique

Rédigé par Propos reccueillis par Assmaâ Rakho Mom | Mardi 1 Avril 2008 à 18:48

La finance islamique vous intéresse mais vous n'en saisissez pas toutes les subtilités ou des termes la caractérisant ne vous parlent franchement pas. Saphirnews a posé quelques questions pour vous éclairer à Imane Karich, spécialiste de la finance islamique et auteur d'un ouvrage intitulé "Finances et islam" (Le Savoir, 2004). Entretien.



Saphirnews : A quoi correspondent les différents instruments de la banque islamique ? (mourabaha, moucharaka, salam, moudaraba, ijara)

Imane Karich : La Mousharaka et la Moudharaba sont les deux produits de base de la finance islamique car basés sur le principe de partage des pertes et profits. Ce sont des contrats de participation qui mettent en relation deux parties.
Dans la moudharaba, l'une des parties apporte les fonds (Rab al Mal) et l'autre partie apporte son savoir (entrepreneur). Le profit du contrat n'est pas déterminé et dépend de l'activité du projet. Seule la quote part, c'est-à-dire la manière dont ce profit sera divisée entre les parties, doit etre prédéfinie dans le contrat.
Dans la mousharaka, les deux parties s'associent en apportant chacune tant les fonds que leur expertise. Le profit éventuel est partagé selon leur apport financier.

La Murabaha est une forme particulière de contrat de vente d'un bien réel (tout bien sauf l'argent qui n'a pas de valeur réelle). Le vendeur octroie une facilité de paiement à l'acheteur. Cette facilité doit être définie dans le contrat, et l'acheteur connaît le prix d'achat du bien et négocie avec le vendeur la marge bénéficiaire.

Le contrat de ijara est un contrat de location. Aujourd'hui, il est associé à un contrat de vente qui vient s'ajouter en fin du contrat de location. Ceci est alors équivalent au contrat de leasing contemporain.

Concrètement, que peut faire un musulman européen qui souhaiterait acquérir un bien immobilier tout en respectant ses principes islamiques ?

I. K. : Je ne connais pas la situation de la France, mais en Belgique, les possibilités d'acquisition immobilière conformes aux principes de l'Islam sont aujourd'hui limitées.
Soit il faut faire appel à un crédit conventionnel en se basant sur la fatwa du majliss européen, qui est très contestée, soit faire appel à une vente en viager, sous la condition que la période de remboursement soit prédeterminée dans le contrat ( et ne pas dépendre de la mort de la partie vendeuse). Cependant, il peut être stipulé dans le contrat que si le vendeur décède avant la fin de cette période, le vendeur annule la dette de l'acheteur.
De plus en plus de personnes font appel à la tontine : système qui permet à un ensemble de personnes de mettre en commun une certaine somme sur une période définie et à une fréquence définie. Chaque personne a droit à tour de rôle à la somme totale.

Quelles possibilités de placements financiers offrent les banques islamiques ?

I. K. : Il existe diverses formes de placement financier actuellement. Principalement via des fonds de placement. Autrefois essentiellement composés uniquement d'actions, ils sont de plus en plus sophistiqués et certains permettent par exemple de protéger le placement initial, tout en restant conformes aux principes islamiques.

Quels sont les principes fondamentaux régissant la finance islamique ?

I. K. : L'équité, la justice sociale et la participation des différentes parties. Le rejet de toute source de création de richesse injustifiée, dont l'intérêt, car l'argent n'est pas un bien que l'on peut vendre, acheter ou sur lequel on peut donner un prix.
Enfin, l'interdiction du gharar : éviter dans un contrat qu'il n'y ait des éléments flous, inconnus, ou dépendants d'un événement ultérieur.

Enfin, que sont les Shariah Board ?

I. K. : Les sharia board sont la particularité des banques islamiques : ce sont des comités indépendants de savants versés tant dans la finance que dans les sciences religieuses et qui contrôlent la conformité de l'organisation de la banque, de ses produits, techniques, etc., aux principes islamiques. Ce contrôle est continu, à l'initiation du contrat mais également durant toute sa durée de vie.