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Barnier swing entre Sharon et Arafat

Rédigé par Bamba Amara | Mardi 19 Octobre 2004 à 00:00

La visite officielle de M. Michel Barnier en Israël prend fin ce mardi. Pendant deux jours, le ministre français des Affaires étrangères aura essayé de poser des gestes symboliques pour montrer à Israël que la France n’est pas antisémite. Au terme de cette visite qui se déroule au lendemain de l’opération « jours de pénitences » (120 tués et 500 blessés), M. Barnier prononcera un discours très attendu aujourd’hui à l’Université de Tel-Aviv. Un discours aux allures de « grand oral » puisque le ministre se propose de répondre aux questions du public.



La visite officielle de M. Michel Barnier en Israël prend fin ce mardi. Pendant deux jours, le ministre français des Affaires étrangères aura essayé de poser des gestes symboliques pour montrer à Israël que la France n’est pas antisémite. Au terme de cette visite qui se déroule au lendemain de l’opération ' jours de pénitences ' (120 tués et 500 blessés), M. Barnier prononcera un discours très attendu aujourd’hui à l’Université de Tel-Aviv. Un discours aux allures de ' grand oral ' puisque le ministre se propose de répondre aux questions du public.

A Ramallah avant d’aller à Tel-Aviv
La mission de M. Barnier n’est pas des plus faciles. Car, dans l’opinion publique israélienne, la France est un pays dont les positions sont plus favorables à la Palestine qu’à Israël. Il est vrai que la France n’encourage pas à la création ou à l’expansion des colonies. Il est vrai aussi que la France est plutôt opposée à la construction du mur de séparation. Mais, l’attitude gaulliste française qui n’accorde pas un soutien systématique et automatique à Israël dont elle a soutenu la création, contribue à dresser l’opinion publique israélienne contre les hommes politiques français. Et, comme pour lui donner raison, M. Barnier s’est déjà rendu en visite officielle à Ramallah le 29 juin dernier pour rencontrer Yasser Arafat, président de l’Autorité palestinienne. Cette visite avait été vivement désapprouvée par le chef du gouvernement israélien qui, en principe, ne veut pas serrer une main qui a déjà serré la main de Yasser Arafat. Mais ce lundi, trois mois après avoir rencontré M. Arafat, M. Barnier a serré la main à M. Sharon. La rencontre s’est néanmoins passée dans une ambiance de réconciliation car elle intervient après une série d’accusations d’antisémitisme portées par M. Sharon contre le gouvernement français. Au mois de juillet, au lendemain de la visite de M. Barnier en Palestine, Ariel Sharon avait invité les Juifs de France à fuir l’antisémitisme de leur pays pour aller s’installer en Israël. Ces propos avaient autant choqué la classe politique que les représentants de la communauté juive qui n’ont pas manqué de renvoyer M. Sharon à ses propres occupations. Mais, quelques semaines plus tard, le même Ariel Sharon rendait hommage aux efforts faits en France pour lutter contre l’antisémitisme.

Israël, le rêve déçu de la France
Historiquement, l’idée de création d’un Etat israélien était très populaire en France. En plus d’être une réaction au nazisme, le soutien français à la création d’Israël s’inscrit aussi dans le rêve d’un exemple de société de partage et de liberté. Un désir très présent dans le discours de la gauche politique française. Aujourd’hui encore, cette opinion est très vivante surtout au PS. Certains de ses cadres locaux, nous affirment que l’expression d’un soutien sans concession à Israël est l’un des critères d’évolution dans l’appareil du parti. Bien entendu, ce critère n’est pas officiel. En publiant Est-il permis de critiquer Israël  (Robert Laffont, 2003), Pascal Boniface s’est auto-exclu du PS. Enseignant et spécialiste des questions de géopolitique, M. Boniface avait aussi une carte du PS. Après le succès de son livre, il n’a pas eu d’autre choix de rendre sa carte du parti où il était désormais marginalisé.

Ce rêve d’un exemple de démocratie dans un pays nouveau qu’était Israël a conduit des centaines de milliers de jeunes français à se rendre en Israël pour expérimenter la vie en communauté, dans les exploitations agricoles collectives d’Israël que sont les Kibboutz. Aujourd’hui, cet idéal israélien est cependant confisqué par les mouvements religieux juifs en Israël. Ces mouvements extrémistes qui rêvent encore du ' Grand Israël ' et qui observent l’actualité au travers des lunettes des textes bibliques ont envahi le monde politique israélien qu’ils prennent quasiment en otage. Leur conviction fonde la création des colonies, leur discours a créé les conditions favorables à l’assassinat d’Itsak Rabbin. Leur arrogance et leurs peurs ont mis fin au processus d’Oslo et ont fait construire le mur de séparation qui rend impossible la création d’un Etat palestinien. Et leur lecture de la situation pose la guerre comme seule et unique issue du conflit avec leurs voisins.
Autant dire que pour les hommes politiques français, Israël d’aujourd’hui est à l’image du monstre de Frankenstein. D’où la complexité de la position de M. Barnier sur le dossier israélien. La question que chacun se pose désormais est : à quand Sharon à Paris ?