Points de vue

Béziers : les musulmans dénoncent le danger Ménard

Rédigé par Mehdi Roland | Mercredi 26 Mars 2014 à 06:00



Robert Ménard, candidat à la mairie de Béziers.
Ses méthodes sont celles du Front national. Mais à part ça, il n’a pas d’étiquette. C’est lui qui l’affirme. Son parti, « c’est Béziers ». Tout Béziers ? Non, des irréductibles citoyens résistent encore et encore à l’envahisseur.

L’arrivée du trublion Robert Ménard, journaliste, polémiste islamophobe, fondateur de Reporters Sans Frontières, désavoué par l’organisation du fait de ses idées et de son rapprochement avec le FN, a mis Béziers, 9e au rang des villes les plus exposées à la précarité (étude Compas sur la pauvreté), sous les projecteurs.

Les méthodes du FN pour sensibiliser une ville touchée par la précarité

Robert Ménard est un commercial du FN. Il est, des candidats aux élections municipales, celui qui connaît le moins bien les dossiers de la ville. On a pu le constater lors des débats avec les autres politiques. La méthodologie habituelle : discréditer le bilan du maire de droite sortant, un classique en politique… sauf qu’Annie Schmitt, deuxième sur sa liste, était adjointe au maire UMP justement sortant ; mais aussi (et surtout) parler d’insécurité - alors que les chiffres de la délinquance baisse - et d’immigration.

A l’entendre, on dirait que tous les Maghrébins et les Turcs font toute l’immigration et, de facto, tous les problèmes de la ville. Pourtant, ils font notre société et œuvrent toujours pour Béziers et la France en général dans sa construction et son économie et ce, depuis les premières vagues d’immigration. Alors de quels immigrés parle-t-il réellement ? Ceux qui possèdent une carte de séjour ou également tous les enfants nés en France liés aux communautés turques et maghrébines ?

Bref. Lors de ses discours, il mélange volontairement les genres et cela plaît à un certain électorat. Vous rajoutez un peu de démagogie (du style « le candidat Jean-Michel Du Plaa du Conseil général finance les paraboles des étrangers »), quelques mots bien choisis comme « communautarisme » ou « clientélisme » et le tour est joué ! Les gens succombent à ses arguments qui reviennent comme un leitmotiv des partis d’extrême droite. Les crises font naître les haines, la haine de l’Autre, rappelez-vous de l’histoire…

Le Conseil général finance-t-il les paraboles des étrangers ?

Tirer sur les paraboles est un argument de vente pour Robert Ménard. Le mot « parabole » fait « tilt » dans la tête des gens. Oui, selon lui, le candidat PS, Jean-Michel Du Plaa, également au Conseil général, financerait les paraboles des « étrangers » ou assimilés étrangers – et probablement islamistes ! - qui regardent les chaînes satellitaires. Elles enfermeraient et empêcheraient ces populations de ne pas s’intégrer (les Maghrébins et les Turcs selon Robert Ménard, qui n’a pas manqué de le rappeler lors de l’entrevue avec le CCIF Béziers en novembre 2013).

Pourtant, s’il regardait les programmes des chaînes 2M ou Canal Algérie, il serait étonné tant les programmes sont aussi médiocres que les chaînes françaises. Édulcorons la chose en disant que des programmes en français existent sur ces chaînes satellitaires… Mais c’est vrai, il faudrait un flic dans chaque foyer pour surveiller ce que les gens regardent. Pourquoi ne pas créer une chaîne d’Etat tant qu’on y est ? Le sac de M. Ménard est bien rempli de fantasmes et d’idées reçues.

Cet argument des paraboles vise à discréditer un adversaire mais met aussi en cause l’immigration et leur intégration, si bien que l’on se pose toujours la question en 2014 : les enfants nés en France sont-ils bien Français ? Inquiétant. Mais rentable médiatiquement, politiquement et électoralement parlant. Jean-Michel Du Plaa, mis en cause, a répondu à la question posée. Nous voulions avoir son sentiment sur cet argument certes risible :

« Bien sûr, comme vous l'avez compris de vous-même, le Conseil général ne finance pas d'installations de paraboles, pas plus que d'abonnements à Al Jazeera … Nous exerçons des compétences précises encadrées par la loi qui a transféré aux départements ce qui était auparavant de la responsabilité de l'Etat. (…) Ce qui est exact, c'est que Béziers concentrant la pauvreté, il y a beaucoup de dossiers biterrois, alors que la population ne s'élève qu'à 72 000 habitants sur un département de plus d'un million d'habitants. Nous aurions d'ailleurs des difficultés à financer des paraboles puisque en liaison avec l'agglo, nous avons, avec Num'Hérault, réalisé le réseau de fibre optique pour l'Internet haut débit ! »

Interdire les qamis et djellaba de cet « izlam » toujours « plus voyant, agressif, conquérant »

Durant cette campagne des municipales, Robert Ménard a réaffirmé ses propos de Valeurs actuelles lors d’une entrevue avec le CCIF Béziers parlant d'un islam « toujours plus voyant, agressif, conquérant ». Robert Ménard avait déjà vivement critiqué la religion de l’islam - qu’il prononce d’ailleurs bizarrement « izlam » - dans l’émission « Hondelatte dimanche » en février 2013 : « Ce n’est pas une religion sympathique ! Je regrette mais Mahomet, ce n’est pas un prophète sympathique. »

Le CCIF Béziers lui a posé la question relative à son soutien aux identitaires de Poitiers qui ont pris d’assaut, en octobre 2012, le lieu de culte en guise d’ultime provocation dans un moment d’islamophobie galopante. Sa réponse est imparable : « Pourquoi je l’ai fait ? J’ai dit que je ne comprenais pas, que je ne me prononce pas sur ce qu’ils ont fait, mais je ne comprends pas que pour avoir occupé une mosquée en chantier, ils aient eu les conséquences qu’ils ont eues. Quand les Femen rentrent dans l’église de Notre-Dame, détériorent les cloches et sortent sans problème, je dis qu’il y a deux poids, deux mesures qui est inadmissible. D’un côté, c’est la gauche donc on dit rien et quand c’est l’extrême droite dont je n’en fais pas partie, on leur tape dessus, c’est exactement ce que j’ai dit. »

Dernièrement, il aurait fustigé, et ce, devant des représentants des associations musulmanes de la ville, le fait de porter un qamis ou une djellaba en France (peut-être l’objet d’une future loi liberticide qui ravira les partisans des droits de l’Homme). « Monsieur Ménard », lui-demande-t-on, « vous êtes né et avez vécu en Algérie. Vous a-t-on forcé à porter une djellaba là-bas? Remarquez autour de cette table, nous, musulmans des associations cultuelles et culturelles, nous sommes habillés de la même façon que vous... »

Durant les entrevues avec le CCIF d'une part, et les associations musulmanes de Béziers d'autre part, Robert Ménard s'est montré très nerveux et excité lorsqu'il s'exprimait. Certains diront même que le candidat soutenu par le FN est toujours plus voyant, agressif et conquérant. Pourtant, un politique se doit d'avoir les principales qualités liées à sa fonction ou celle qu'il convoite. Il doit surtout savoir garder son sang froid !

Quel avenir pour Béziers avec Ménard à la mairie ?

C’est dire la dimension humaine de ce candidat « parisien » avec une vision très « parisienne », voire caricaturale des choses. Lui-même récemment immigré à Béziers, se présentant pour être le maire de tous les Biterrois et qui agite très volontiers la haine et la peur pour servir ses intérêts et ceux de ses petits copains. Mais cela marche. Au premier tour des élections municipales à Béziers, il culmine à 44,88 %. Au niveau national, le FN se place comme le troisième parti de France. Et on le sait, tout est bon pour faire sa place, même s’il faut pour cela monter les citoyens les uns contre les autres. Triste. Quel avenir? Quelle sérénité?

Au lendemain du premier tour, les Biterrois ne se regardent pas comme d'habitude. Un fossé va-t-il se creuser? Ne faudrait-il pas se serrer les coudes? A quoi bon. C’est dans l’air du temps, on ne retient toujours pas les leçons du passé… Récemment, un article rappelait aux Français, les gestions calamiteuses des mairies d’extrême droite.

Et que sera le sort des musulmans de la ville ? Car Menard avait menacé en disant : « Si vous appelez à voter pour mon adversaire, je m’en souviendrais ! » Sa menace sera-t-elle mise à exécution ? Cela entravera-t-il, en cas de victoire pour le frontiste sans étiquette, la vie des citoyens de confession musulmane, des associations et des mosquées ? Empêchera-t-il les permis de construire de lieux cultuels ou culturels, des cérémonies de mariage avec des femmes voilées, la prière de l’Aïd en commun dans un grand lieu approprié comme tel le cas ? Beaucoup d’interrogations. Aussi, il y a eu des agressions physiques islamophobes récemment à Béziers. Il faut espérer également que le climat soit apaisé entre tous les Biterrois. C’est au maire à veiller à cela normalement. Oui, normalement...

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Mehdi Roland est un acteur associatif sur Béziers. Ancien secrétaire général de la mosquée Errahma de Béziers, il est actuellement responsable de l'antenne locale du CCIF Béziers (Collectif contre l'islamophobie en France).