Société

Bretagne : une tentative d'incendie criminel vise une mosquée, « un attentat terroriste » dénoncé

Rédigé par Lina Farelli | Lundi 15 Janvier 2024 à 17:00

La mosquée du Pays de Morlaix a été victime, samedi 13 janvier, d'une tentative d'incendie volontaire qui aurait pu très mal tourner. Sous le choc, l'association gestionnaire du lieu de culte, de même que le Conseil français du culte musulman, ont dénoncé « un attentat terroriste ».



La mosquée Ty Salam à Saint-Martin-des-Champs, dans le Finistère, a été la cible d'une tentative d'incendie dans la matinée du samedi 13 janvier, au moment de la prière du fajr.

Des caméras de surveillance de la commune située près de Morlaix ont filmé la tentative d'incendie commis par un individu à ce jour recherché par les forces de l'ordre. L'homme cagoulé a aspergé la porte d'entrée du lieu de culte musulman avec un produit inflammable avant d'allumer un feu alors que des fidèles s'y trouvaient. Des personnes présentes sur les lieux ont prévenu à temps les pompiers, qui ont rapidement circonscrit l'incendie. Aucun blessé n'est ainsi à déplorer et les dégâts matériels sur l'édifice sont mineurs mais le choc est immense.

La préfecture du Finistère a condamné « avec la plus grande fermeté cet acte commis contre un lieu de culte. Il apporte son soutien aux musulmans du département ainsi qu'aux responsables de la mosquée et aux élus ». Les fédérations musulmanes comme la Grande Mosquée de Paris et Musulmans de France (MF) ont dénoncé avec force une « attaque inexcusable ». « L’intervention rapide des pompiers a permis d’éviter un véritable carnage parmi les fidèles », s'est ému, pour sa part, le Conseil français du culte musulman (CFCM).

Considérant que « ces éléments sont constitutifs d’un attentat terroriste », il appelle à ce que « l’enquête pénale, en cours pour "tentative de destruction par des moyens dangereux", soit requalifiée et que le parquet antiterroriste s’en saisisse ». L’association Ty Salam Montroulez, qui a déposé plainte au commissariat de Morlaix, a fait une demande similaire. Par la voix de sa présidente Meryème Postic, elle s’est exprimée, lundi 15 janvier après l’attaque dont « l'objectif clairement affiché par cet homme était la destruction par le feu dans le but de piéger les fidèles à l'intérieur ». « De ce fait, nous tenons à affirmer que cela constitue un attentat terroriste, il est essentiel de nommer les actes selon l'objet, les lieux et la finalité ».

Un traitement politique « pas de nature à rassurer les musulmans de France »

« Loin de toute posture victimaire, le CFCM s’étonne que la gravité de cette attaque préméditée n’ait pas été prise en compte dans les réactions politiques et le traitement médiatique », lit-on aussi dans son communiqué. A l'échelle nationale, les réactions politiques après cette attaque sont en effet encore trop peu nombreuses et proviennent principalement des rangs de la gauche. Le secrétaire national du Parti socialiste, Olivier Faure, a déclaré espérer que « tous trouveront les mots pour dénoncer cet incendie raciste. À force de pointer les musulmans à tout propos, le passage à l’acte se réalise toujours ».

Du côté du gouvernement, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, est le seul à s'être exprimé. Il a tweeté le jour même pour dire son « soutien aux musulmans du Finistère à la suite de la dégradation de la mosquée ». « Une enquête a été ouverte afin que l’auteur de ces faits puisse être poursuivi », a-t-il ajouté, sans relever véritablement la gravité de l'acte en évoquant une simple « dégradation ».

« Les Français de confession musulmane, visés dans leur ensemble par cette attaque, sont aussi en droit d'attendre la même solidarité nationale due à leurs concitoyens dans pareilles circonstances », affirmé - sans nommer personne - le CFCM, estimant que « ce traitement n’est pas de nature à rassurer les musulmans de France face à la multiplication des actes hostiles dont ils sont victimes ».

Un contexte « délétère » en France qui contribue au « sentiment d'impunité »

Il s'agit de l'attaque la plus grave visent la mosquée dite du Pays de Morlaix. Des saucisses de porc avaient été accrochées au mur du lieu de culte en 2014. « La communauté musulmane de Morlaix attend des politiques une réaction et une solidarité à la hauteur de l'attaque sauvage dont elle a été la cible. La situation délétère que traverse notre pays, alimentée par tous les haineux et certains médias irresponsables, décomplexés, laissant libre cours à la parole islamophobe, est la matrice de la haine et permet ce sentiment d'impunité, premier pas vers l'acte islamophobe », a fait savoir Ty Salam. Après l’attaque, rapporte l'association, « un enfant a dit que dorénavant, il aura toujours "peur d'être tué quand il vient à la mosquée"... Ceci est tout simplement inacceptable, un enfant ne doit jamais sentir cela ! »

« C'est à toute la communauté musulmane du territoire que l'on a voulu s'en prendre, d'une manière particulièrement violente et abjecte, à un moment où elle était paisiblement réunie en prières. Cette attaque ne peut que causer effroi et consternation et je veux redire que je partage leur inquiétude et leur adresse mes pensées. Mais je veux aussi les assurer que la République se tient à leurs côtés », a déclaré, lundi 15 janvier, Sandrine Le Feur, députée (Renaissance) du Finistère, qui a annoncé se rendre dans les prochains jours à la mosquée du Pays de Morlaix « pour témoigner directement de (son) soutien aux fidèles ».

A l'appel de Ty Salam, un rassemblement de soutien est organisé vendredi 19 janvier à 14h devant la mosquée « afin de dénoncer cet acte islamophobe, s'ajoutant malheureusement à d'autres incidents similaires à travers la France ». « Notre lieu de culte a été nommé dès sa création Ty Salam, Maison de la Paix, illustration du vivre ensemble, hommage discret à la Bretagne, région que nous chérissons et où nous sommes heureux de vivre », rappelle l’association, qui exhorte les musulmans du pays de Morlaix « à faire preuve de vigilance et de sérénité ». Et de rappeler, pour finir, que « nous ne répondrons jamais à la haine par la haine ».

Mise à jour samedi 20 janvier : Un trentenaire ayant des antécédents judiciaires a été mis en examen et écroué dans cette affaire, a annoncé le parquet de Brest vendredi 19 janvier, jour qui a vu se rassembler quelque 250 personnes devant la mosquée en signe de soutien. Il a été placé en détention provisoire. « Les motivations de cet acte n'ont pas été explicitées à ce stade de la procédure, le mis en examen ayant gardé le silence », a précisé le parquet.

Lire aussi :
Islamophobie : les mosquées de Beauvais et de Vigneux-sur-Seine ciblées durant Noël
Entre exaspération et frustration, des responsables musulmans à la rencontre de Gérald Darmanin