Par Colette-Nour Brahy
Je vais vous raconter ma première rencontre avec Éva, à travers ma découverte de l’islam et du soufisme. C’était dans les années 1990, j’avais eu comme but d’aller à Kashgar, dans les oasis du Turkestan, en Chine. Comme on dit, « aller chercher la science en Chine s’il le faut ». Je ne savais pas encore que ce serait une phrase qui m’électrifierait.
Donc je montais à travers le Pakistan, et, en redescendant après quelques semaines, j’ai suivi l’Indus, et le long de l’Indus vous avez un nombre invraisemblable de mausolées qui sont plus jolis les uns que les autres. […] Jour et nuit, on y chantait des chants, on y faisait de la musique, des sama. […] Et je trouvais ces chants magnifiques et quand je demandais : « Mais qu’est-ce que c’est ? » On m’a dit : « Des chants d’amour. » « Oui, mais des chants d’amour, j’en ai entendus dans le monde entier, mais ceux-là, ils me remuent beaucoup plus. Ils remuent le cœur et l’âme. Mais qu’est-ce que c’est ces chants, qui les a écrits ? » On m’a dit : « Ce sont des chants soufis. » Je ne savais rien à l’islam, encore moins au soufisme.
Dès que je suis rentrée en France, j’ai cherché des musiciens, des chanteurs soufis. Et très vite – parce que quand on est prêt, Allâh prépare tout –, je me suis trouvée invitée par Kudsi Erguner à un sama des derviches tourneurs, les Mevlânâ, les disciples de Rûmî.
Il y avait une petite dame à côté de qui on m’a fait asseoir, qui était perdue dans les coussins, toute petite, un peu âgée, et Kudsi Erguner lui parlait avec beaucoup de déférence. Tout le monde écoutait. Et j’entendais cette dame qui répondait de façon extrêmement concise, dans un français très pur et avec une voix de petite fille. J’ai compris qu’elle devait savoir beaucoup de choses et que c’était peut-être la porte ouverte.
Dès que je suis rentrée en France, j’ai cherché des musiciens, des chanteurs soufis. Et très vite – parce que quand on est prêt, Allâh prépare tout –, je me suis trouvée invitée par Kudsi Erguner à un sama des derviches tourneurs, les Mevlânâ, les disciples de Rûmî.
Il y avait une petite dame à côté de qui on m’a fait asseoir, qui était perdue dans les coussins, toute petite, un peu âgée, et Kudsi Erguner lui parlait avec beaucoup de déférence. Tout le monde écoutait. Et j’entendais cette dame qui répondait de façon extrêmement concise, dans un français très pur et avec une voix de petite fille. J’ai compris qu’elle devait savoir beaucoup de choses et que c’était peut-être la porte ouverte.
« Notre formation chrétienne et ce miracle du Pakistan »
Évidemment, quelques jours après, je montais les cinq étages pour aller échanger avec Éva. Quand elle m’a vue, elle m’a dit : « Bon, qu’est-ce que vous savez de l’islam et du soufisme ? » Moi, je lui dis : « Rien. » Elle m’a répondu en souriant : « C’est un excellent début !... Mais vous revenez du Pakistan. Expliquez-moi pourquoi. » Donc je lui ai raconté mes petites aventures là-bas.
Et tout de suite, elle m’a expliqué qu’elle était venue à l’islam par Iqbal, qui a été coauteur de la Constitution du Pakistan, grand scientifique, grand penseur, grand philosophe, ami de Teilhard de Chardin, ami de Massignon. […]
C’est à la lecture d’Iqbal – Reconstruire la pensée religieuse de l’islam –, que lui avait offert un ami pakistanais, qu’elle a découvert la réponse à toutes les questions qu’elle se posait, à tout ce qu’elle avait mis de sa propre origine religieuse, chrétienne, comme elle disait, entre parenthèses.
Et ce qui m’a frappée, c’est que moi aussi, dans mon parcours, venant d’une famille chrétienne, catholique, j’avais mis entre parenthèses des choses qui me gênaient beaucoup, auxquelles en conscience je ne pouvais pas adhérer. […]
Petit à petit, nous nous sommes parlé non pas du tout comme maître à élève, alors qu’elle […] en savait infiniment plus que moi […], pas du tout non plus de maître à disciple, elle n’aurait pas voulu, ce n’était pas non plus son attitude, […] mais vraiment comme compagne d’un chemin qui avait deux axes extrêmement importants : notre formation chrétienne et ce miracle du Pakistan.
Et tout de suite, elle m’a expliqué qu’elle était venue à l’islam par Iqbal, qui a été coauteur de la Constitution du Pakistan, grand scientifique, grand penseur, grand philosophe, ami de Teilhard de Chardin, ami de Massignon. […]
C’est à la lecture d’Iqbal – Reconstruire la pensée religieuse de l’islam –, que lui avait offert un ami pakistanais, qu’elle a découvert la réponse à toutes les questions qu’elle se posait, à tout ce qu’elle avait mis de sa propre origine religieuse, chrétienne, comme elle disait, entre parenthèses.
Et ce qui m’a frappée, c’est que moi aussi, dans mon parcours, venant d’une famille chrétienne, catholique, j’avais mis entre parenthèses des choses qui me gênaient beaucoup, auxquelles en conscience je ne pouvais pas adhérer. […]
Petit à petit, nous nous sommes parlé non pas du tout comme maître à élève, alors qu’elle […] en savait infiniment plus que moi […], pas du tout non plus de maître à disciple, elle n’aurait pas voulu, ce n’était pas non plus son attitude, […] mais vraiment comme compagne d’un chemin qui avait deux axes extrêmement importants : notre formation chrétienne et ce miracle du Pakistan.
« On était vraiment des compagnes de route »
Pourquoi elle et moi, on a reçu d’un pays, de penseurs d’un pays, ce cadeau magnifique de l’islam ? Parce qu’il a répondu […] à toutes nos interrogations. […] Donc j’ai connu Éva à la fin de sa traduction de son Mathnawî, […] elle était donc libre de tout travail et était ravie de pouvoir bavarder et petit à petit, finalement, marcher ensemble. On était vraiment des compagnes de route.
Colette-Nour Brahy, lors du colloque sur Eva de Vitray-Meyerovitch, le 16 décembre 2008, à Konya (Turquie).
Le Mathnawî, 55 000 distiques, c’est une série d’histoires à la persane. […] Une histoire s’imbrique dans une autre, laquelle déclenche une troisième et une quatrième. […] C’est à la fois Mille et Une Nuits et La Fontaine. Mais c’est surtout, à mon sens, un commentaire du Coran. […]
La seconde chose […], c’est le mot « conversion ». Éva et moi, et beaucoup d’autres, nous n’aimons pas ce mot. Il n’y a pas de conversion, il n’y a pas de retournement. […]
Voilà la joie que j’ai eue de connaître Éva et de faire un bon bout de chemin avec elle et, comme disait M. Larbi Kechat, ne dites pas de ceux qui sont morts dans le chemin de Dieu qu’ils sont morts ; non, ils sont vivants. Et, pour moi, en tous les cas, Éva est vraiment vivante.
La seconde chose […], c’est le mot « conversion ». Éva et moi, et beaucoup d’autres, nous n’aimons pas ce mot. Il n’y a pas de conversion, il n’y a pas de retournement. […]
Voilà la joie que j’ai eue de connaître Éva et de faire un bon bout de chemin avec elle et, comme disait M. Larbi Kechat, ne dites pas de ceux qui sont morts dans le chemin de Dieu qu’ils sont morts ; non, ils sont vivants. Et, pour moi, en tous les cas, Éva est vraiment vivante.
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Colette-Nour Brahy est l’auteure de Dix jours en Ouzbékistan : récit d’un pèlerin soufi , Éd. Al Bouraq, 2004.
Ce texte est un extrait d’un hommage prononcé le 17 décembre 2005, à l’occasion de la Journée-Hommage organisée par le Collectif Hamidullah, consacré à Malek Bennabi, Éva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah.
Colette-Nour Brahy est l’auteure de Dix jours en Ouzbékistan : récit d’un pèlerin soufi , Éd. Al Bouraq, 2004.
Ce texte est un extrait d’un hommage prononcé le 17 décembre 2005, à l’occasion de la Journée-Hommage organisée par le Collectif Hamidullah, consacré à Malek Bennabi, Éva de Vitray-Meyerovitch et Muhammad Hamidullah.
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