Saphirnews : Quel avenir pour les musulmans de France et surtout pour le CFCM sous la présidence Sarkozy ?
Bernard Godard : Je ne pense pas qu’il devrait y avoir de grands changements. Comme vous le dites, ayant été le promoteur du CFCM, il aura à cœur de le voir se pérenniser. Cependant, vous savez qu’à la suite des élections du CFCM de 2005, les pouvoirs publics ont été beaucoup moins présents dans l’accompagnement du CFCM et des CRCM. Cela ne veut pas dire qu’ils lui tournent le dos, bien sûr, mais c’est aux CRCM et au CFCM à faire preuve d’initiative.
Existe-t-il selon vous un vote musulman ?
B. G. : Je ne pense pas qu’il existe un vote musulman en tant que tel au niveau national. Si on en croit un sondage effectué par le quotidien La Croix sur le vote musulman effectué à la sortie des urnes après le premier tour du 22 avril dernier, ce vote aurait été à 80% pour la gauche. 18% aurait été vers François Bayrou. Ces tendances sont toujours les mêmes depuis des années, sauf le vote pour le centre (socialement les musulmans évoluent aussi, comme la moyenne de la population, mais on peut considérer aussi que F.Bayrou a eu une petite prime grâce à sa campagne vers les cités.) Le deuxième candidat qui a pu peut-être également avoir un petit bonus « musulman » est José Bové, qui était sur le même terrain que Bayrou, mais avec un soutien militant plus fort dans certaines organisations musulmanes de terrain.
Au total, ce sondage est à prendre avec prudence, car je m’étonne quand même que Nicolas Sarkozy n’ait été crédité que de 1%. En effet, ce dernier a pu bénéficier quand même d’un vote en partie populaire, dans des bureaux où votaient des musulmans.
En revanche, je pense que des enjeux tels que la construction d’une mosquée peuvent avoir des incidences sur le vote lors des municipales. Cela a été parfois vérifié par le passé.
Au total, ce sondage est à prendre avec prudence, car je m’étonne quand même que Nicolas Sarkozy n’ait été crédité que de 1%. En effet, ce dernier a pu bénéficier quand même d’un vote en partie populaire, dans des bureaux où votaient des musulmans.
En revanche, je pense que des enjeux tels que la construction d’une mosquée peuvent avoir des incidences sur le vote lors des municipales. Cela a été parfois vérifié par le passé.
La catégorie des born again muslim dont vous parlez dans votre ouvrage est-elle un pendant de celle des blédards
B. G. : Pas forcément. Vous pouvez avoir des « blédards » établis en France depuis in certain nombre d’années qui sont passés par une période d’agnosticisme et qui retrouvent une foi ardente. Mais pour comparer avec les Born again aux Etats-Unis, il peut s’agir aussi de jeunes nés en France qui, bien qu’ayant eu un semblant de culture musulmane traditionnelle, ne se sont jamais intéressés à la foi. Ils y sont revenus ou venus par les mouvements « d’évangélisation » qui peuvent être des mouvements fondamentalistes, ce que l’on a tendance à mettre souvent en avant, mais aussi par l’attirance vers la spiritualité soufie ou tout simplement en revenant à la mosquée et en retrouvant les gestes simples du croyant.
Que pensez-vous des tensions générationnelles pour la conduite des affaires de l'islam ?
B. G. : Plutôt que de parler de « combat », je préfèrerais parler de différentes approches. D’abord, il y a des jeunes musulmans qui n’estiment pas être globalement en rupture avec la tradition des parents, même s’ils n’en retiennent plus le côté « folklorique ». Il n’est que de voir le respect dont sont entourés les imams « importés » officiels, qu’ils soient algériens ou turcs même par des gens de la nouvelle génération. Sur le plan purement théologique donc, de la guidance spirituelle, les choses ne sont pas aussi tranchées.
Là où les choses peuvent effectivement se gâter, c’est sur la gestion matérielle de l’islam de France. Même s’il faut reconnaître le mérite des pionniers, de ces ouvriers qui ont dépensé leur sueur et leurs maigres moyens pour ériger les lieux de culte, le passage à une gestion moderne, rationnelle des affaires du culte pose problème. Trop de domaines tels que l’organisation du pèlerinage ou de l’aïd el kebir, la gestion des mosquées, en particulier son volet social, ne sont pas du tout en phase avec la société environnante. Bien que souvent, les anciens ne veuillent pas « lâcher » et céder la place au plus jeunes, il faut peut-être aussi se demander s’il y a parfois autant de jeunes que ça qui s’engagent dans la gestion de tous les jours, celle qui est la plus ingrate, mais qui est indispensable à la bonne marche du culte.
Là où les choses peuvent effectivement se gâter, c’est sur la gestion matérielle de l’islam de France. Même s’il faut reconnaître le mérite des pionniers, de ces ouvriers qui ont dépensé leur sueur et leurs maigres moyens pour ériger les lieux de culte, le passage à une gestion moderne, rationnelle des affaires du culte pose problème. Trop de domaines tels que l’organisation du pèlerinage ou de l’aïd el kebir, la gestion des mosquées, en particulier son volet social, ne sont pas du tout en phase avec la société environnante. Bien que souvent, les anciens ne veuillent pas « lâcher » et céder la place au plus jeunes, il faut peut-être aussi se demander s’il y a parfois autant de jeunes que ça qui s’engagent dans la gestion de tous les jours, celle qui est la plus ingrate, mais qui est indispensable à la bonne marche du culte.
Comment voyez-vous l'avenir du CFCM ?
B. G. : Le CFCM est encore jeune, il n’a que quatre ans d’existence. Mais s’il passe encore quatre ans à éviter de faire face aux attentes des fidèles dans la résolution d’un certains nombre de questions, il est sûr que son avenir est très sombre. D’un côté, il y a des structures, une organisation aux bases solides et une très forte légitimité sur le plan de la représentation des lieux de culte. De l’autre, il y a une transposition de problèmes au sommet de la structure liés aux appartenances ethnico-nationales ou aux courants. Beaucoup de fidèles ont l’impression d’être un peu « pris en otage » par ces querelles. A mon avis, la raison et un minimum de consensus devraient faire progresser les choses. On a pu voir à plusieurs occasions ce consensus fonctionner. La simple obligation, c’est que ce consensus soit plus rapide, plus clair et plus fréquent : en effet, il ne sert à rien de pondre des communiqués de réaction à tel ou tel évènement … une semaine après ce même évènement, par exemple. En fait les différentes fédérations composant le CFCM sont peut-être elles mêmes trop peu solides sur le plan organisationnel, je pense en particulier au grand «ventre mou » de la sensibilité marocaine, pour s’engager dans une structure de manière claire, même si cela concerne moins l’UOIF.