« Je suis né à Casablanca, en 1950. » C’est pratiquement tout ce que l’on saura de ce vieil homme décharné, à l’air hagard, à la recherche de sa femme et de ses enfants.
Arrêté durant les « émeutes du pain » de 1981, puis torturé une fois emprisonné, le héros (malgré lui) est libéré après 30 ans d’enfermement dans les geôles marocaines, alors même que la plupart des détenus ont été libérés 10 ans après leur arrestation.
Dans un télescopage pour le moins surprenant, le film C’est eux les chiens, de Hicham Lasri, nous propose de suivre les déambulations de cet homme hors du temps qui plonge d’un seul coup dans les soubresauts du printemps arabe.
Pour ce faire, le réalisateur choisit de créer un film dans le film : une équipe de journalistes TV qui réalise un reportage sur les manifestations à Casablanca saisit l’image de ce bonhomme, perdu, sorti de nulle part, aux propos pour le moins incompréhensibles… Le journaliste cravaté « sent » qu’il tient là son « scoop », le « sujet à traiter » plutôt que de continuer à interviewer des manifestants dont on sent bien la quasi-absence de conscience et de discours politiques… et entraîne son caméraman et son preneur de son à suivre coûte que coûte « 404 ».
« 404 », c’est le matricule de prisonnier dont ce vieil homme se souvient comme unique identité : Comment s’appelle-t-il ? Où habitait-il ? Où se trouve sa famille actuellement ?
Avec une prise de vue caméra à l’épaule, qui prend le spectateur au dépourvu, Hicham Lasri signe un film qui semble à première vue amateur, digne de la téléréalité, dont certains passages nous rappellent les vidéos postées sur YouTube au moment des révolutions… Mais ces accrochages (la caméra est volée et continue de filmer pendant que le voleur court et tombe…), ces errements (la caméra filme des détails, le silence…), ces mouvements de caméra qui tournent en rond (comme tourne en rond le personnage principal), ces images prises à l’arraché qui constituent autant de rushs qui pourront servir au reportage des journalistes une fois monté, la prise de vue des journaux télévisés qui relatent en direct l’actu des révolutions arabes (en Égypte, en Lybie…), l’absence de musique, le peu de dialogues… tout cela est en final parfaitement voulu, parfaitement construit par le réalisateur.
Sous des faux airs de documentaire, le propos de C’est eux les chiens n’est pas dans le démonstratif ni le militantisme, mais le spectateur l’aura compris : en 30 ans, les sociétés arabes ont-elles vraiment changé ? Qu’il s’agisse des émeutes du pain de 1983 ou des printemps arabes de 2011, une partie du peuple vit toujours dans les bidonvilles et le pouvoir économique et politique reste entre les mains de quelques nantis.
La rencontre du grand-père (« 404 ») et du petit-neveu (« Votre visage me dit quelque chose », dit le jeune homme, qui lui aussi a été arrêté après avoir manifesté, mais ne sait pas qu’il est en face de son aïeul, qui a été emprisonné 30 ans durant) apparaît comme le symbole d’un cycle sans fin : les peuples se révoltent mais le pouvoir reste accaparé par quelques-uns.
Produit par Nabil Ayouch (réalisateur de Les Chevaux de Dieu), C’est eux les chiens, deuxième long-métrage de Hicham Lasri, a remporté le Grand Prix du meilleur film de fiction au FCAT de Cordoba 2013 et le prix de la meilleure interprétation masculine pour Hassan Badida (404) au Festival international du film d’auteur de Rabat 2013.
Arrêté durant les « émeutes du pain » de 1981, puis torturé une fois emprisonné, le héros (malgré lui) est libéré après 30 ans d’enfermement dans les geôles marocaines, alors même que la plupart des détenus ont été libérés 10 ans après leur arrestation.
Dans un télescopage pour le moins surprenant, le film C’est eux les chiens, de Hicham Lasri, nous propose de suivre les déambulations de cet homme hors du temps qui plonge d’un seul coup dans les soubresauts du printemps arabe.
Pour ce faire, le réalisateur choisit de créer un film dans le film : une équipe de journalistes TV qui réalise un reportage sur les manifestations à Casablanca saisit l’image de ce bonhomme, perdu, sorti de nulle part, aux propos pour le moins incompréhensibles… Le journaliste cravaté « sent » qu’il tient là son « scoop », le « sujet à traiter » plutôt que de continuer à interviewer des manifestants dont on sent bien la quasi-absence de conscience et de discours politiques… et entraîne son caméraman et son preneur de son à suivre coûte que coûte « 404 ».
« 404 », c’est le matricule de prisonnier dont ce vieil homme se souvient comme unique identité : Comment s’appelle-t-il ? Où habitait-il ? Où se trouve sa famille actuellement ?
Avec une prise de vue caméra à l’épaule, qui prend le spectateur au dépourvu, Hicham Lasri signe un film qui semble à première vue amateur, digne de la téléréalité, dont certains passages nous rappellent les vidéos postées sur YouTube au moment des révolutions… Mais ces accrochages (la caméra est volée et continue de filmer pendant que le voleur court et tombe…), ces errements (la caméra filme des détails, le silence…), ces mouvements de caméra qui tournent en rond (comme tourne en rond le personnage principal), ces images prises à l’arraché qui constituent autant de rushs qui pourront servir au reportage des journalistes une fois monté, la prise de vue des journaux télévisés qui relatent en direct l’actu des révolutions arabes (en Égypte, en Lybie…), l’absence de musique, le peu de dialogues… tout cela est en final parfaitement voulu, parfaitement construit par le réalisateur.
Sous des faux airs de documentaire, le propos de C’est eux les chiens n’est pas dans le démonstratif ni le militantisme, mais le spectateur l’aura compris : en 30 ans, les sociétés arabes ont-elles vraiment changé ? Qu’il s’agisse des émeutes du pain de 1983 ou des printemps arabes de 2011, une partie du peuple vit toujours dans les bidonvilles et le pouvoir économique et politique reste entre les mains de quelques nantis.
La rencontre du grand-père (« 404 ») et du petit-neveu (« Votre visage me dit quelque chose », dit le jeune homme, qui lui aussi a été arrêté après avoir manifesté, mais ne sait pas qu’il est en face de son aïeul, qui a été emprisonné 30 ans durant) apparaît comme le symbole d’un cycle sans fin : les peuples se révoltent mais le pouvoir reste accaparé par quelques-uns.
Produit par Nabil Ayouch (réalisateur de Les Chevaux de Dieu), C’est eux les chiens, deuxième long-métrage de Hicham Lasri, a remporté le Grand Prix du meilleur film de fiction au FCAT de Cordoba 2013 et le prix de la meilleure interprétation masculine pour Hassan Badida (404) au Festival international du film d’auteur de Rabat 2013.
C’est eux les chiens, film de Hicham Lasri (Maroc, 1 h 25), avec Hassan Badida, Yahya El Fouandi, Imad Fijjaj...
En salles le 5 février 2014.
En salles le 5 février 2014.
Lire aussi :
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